« J’écris pour avoir des milliers d’années, connaître des foules de sentiments contradictoires […]. J’écris pour vivre sous des paysages étranges, à des époques passées […]. Pour plonger dans des vies qui me sont étrangères, et être solidaire des frères éloignés. »
Laurent Gaudé est un dramaturge et un romancier dont les mots humbles, vivants et chauds respirent la poésie et la pudeur. Après des études de Lettres Modernes et d’Études Théâtrales à Paris, il publie à vingt-cinq ans sa première pièce, Onysos le furieux et poursuit l’écriture théâtrale avec Pluie de cendres, Combat de Possédés, Médée Kali et Les Sacrifiées.
Parallèlement à son œuvre théâtrale, il se lance dans l’écriture romanesque. Un an après son premier roman en 2001, Cris, plongé dans les atrocités de la Première Guerre mondiale, La Mort du roi Tsongor publié en 2002 lui vaut le Prix Goncourt des Lycéens et le Prix des Libraires. Ce roman raconte l’histoire du Roi de Massaba, Tsongor, qui s’apprête à marier sa fille, lorsque plusieurs événements surviennent : un nouveau prétendant surgit, la guerre éclate, et le roi meurt mais ne peut reposer en paix dans sa cité dévastée.
Le voyage est pour l’auteur une nécessité et écrire est, peut-être, une façon de faire retentir le cri de ceux qui ont disparu, morts trop tôt ou trop brutalement. Cette idée de voyage, ce besoin de vouloir s’installer ailleurs, aboutit souvent à l’échec, tandis que l’arrachement se fait dans l’urgence. L’immigration est ainsi l’un des motifs récurrents de ses romans.
Avec Le Soleil des Scorta, Laurent Gaudé remporte le Prix Goncourt en 2004. Ce roman relate l’histoire d’une famille de l’Italie du sud, née dans l’opprobre, dont les enfants quittent le pays pour les États-Unis et reviennent, toujours aussi démunis, mais avec les richesses immatérielles que sont l’expérience et le souvenir. Dans son œuvre suivante, Eldorado (2006), consacrée elle-aussi au sort des migrants, deux frères s’apprêtent à entreprendre un dangereux voyage vers un eldorado européen. L’auteur a également écrit un opéra sur le même thème, Daral Shaga, en tournée en France et en Europe jusqu’en 2016.
D’autres éléments de l’actualité alimentent ses écrits. Après l’ouragan Katrina qui inspire son roman Ouragan, le séisme qui frappe Haïti en 2010 et son voyage sur les lieux en 2013 le poussent à publier un nouveau roman, Danser les ombres (2015). Port-au-Prince est ici le théâtre épique d’un récit polyphonique, une tragédie dans laquelle plusieurs destins s’unissent et se croisent jusqu’au moment où tout bascule, quand le séisme éclate. En suivant la route de son héroïne Lucine, Laurent Gaudé écrit sur ce peuple pour lequel « il fallait toujours tout recommencer », sur ces hommes et ces femmes qui doivent se battre quotidiennement pour survivre. Ainsi, il fait ressortir la beauté de ceux qui luttent et qui continuent malgré tout à croire, peut-être plus que jamais, à la fraternité et à la possibilité de l’amour.
En 2016, il signe Écoutez nos défaites, un roman inquiet et mélancolique qui constate l’inanité de toute conquête et proclame que seules l’humanité et la beauté valent la peine qu’on meure pour elles. Après la publication de son premier recueil de poésie poignant De sang et de lumière, il signe Salina en 2018. Au travers de cette remarquable fable sur l’exil et la vengeance, teintée d’Homère et d’Anouilh, de Grèce et d’Afrique, l’auteur nous plonge dans le monde de Salina, petite fille abandonnée, promise à un tortueux destin de combats, d’errances et de rages. Dans une langue riche et brûlante, pétrie de drames antiques et de scènes symboliques, il interroge notre rapport à la mort, à l’Histoire, ses vainqueurs et ses vaincus, à la violence de la guerre et au poids des traditions.
Il s’aventure dans le futur dans La dernière nuit du monde (Actes Sud, 2021), et nous plonge dans un monde où l’humanité a réduit le temps de sommeil à 45 minutes, bouleversant le fonctionnement de nos sociétés… mais l’absence de nuit pourrait conduire le protagoniste à perdre la femme qu’il aime. Dans cette ode douce et mélancolique à la rêverie, qui inspire l’imaginaire humain depuis la nuit des temps, l’auteur oppose au profit à tout prix le sommeil, moment précieux où l’on s’écarte du monde. Une pièce captivante !
Bibliographie
Romans
- Chien 51 (Actes Sud, 2022)
- Paris, mille vies (Actes Sud, 2020)
- Nous, l’Europe (Actes Sud, 2019)
- Salina (Actes Sud, 2018)
- Écoutez nos défaites (Actes Sud, 2017)
- Danser les ombres (Actes Sud, 2015)
- Ouragan (Actes Sud, 2010)
- Eldorado (Actes Sud, 2006)
- Le Grand Faiseur (A vue d’oeil, 2005)
- Le Soleil des Scorta (Actes Sud, 2004)
- La Mort du roi Tsongor (Actes Sud, 2003)
- Cris (Actes Sud, 2001)
Théâtre
- La Dernière Nuit du monde (Actes Sud, 2021)
- Salina (Actes Sud-Papiers, 2003)
- Médée Kali (Actes Sud-Papiers, 2003)
- Le Tigre bleu de l’Euphrate (Actes Sud-Papiers, 2002)
- Cendres sur les mains (Actes Sud-Papiers, 2002)
- Pluie de cendres (Theâtre Ouvert, 1997 ; Actes Sud-Papiers, 2001)
- Onysos le furieux (Actes Sud-Papiers, 2000)
- Combats de possédés (Actes Sud-Papiers, 1999)
Recueil de nouvelles
- Dans la nuit Mozambique (Actes Sud, 2007)
Poésie
- De sang et de lumière (Actes Sud, 2017)
Beau-livre
- Je suis le chien pitié, avec le photographe Oan Kim (2009)
Album jeunesse
- Lulu et le Macabouc (Actes Sud Junior, 2023)
- La Tribu de Malgoumi, illustré par Frédéric Stehr (Actes Sud Junior, 2008)