"Haïti, deux ans après", revue de presse francophone

Le 12 janvier 2010, Haïti était ravagé par la « brutalité de la terre qui s’ébroue » , selon les mots du jeune poète Marc-Endy Simon. Sur place pour préparer le festival qui devait s’ouvrir deux jours plus tard, les membres de l’équipe d’Étonnants Voyageurs, vivants au milieu des décombres, prenaient peu à peu la mesure de l’étendue du désastre (Lire le témoignage de Mélani Le Bris et les mots d’auteurs haïtiens envoyés au lendemain de la catastrophe). La presse francophone s’interroge aujourd’hui sur le bilan à tirer de deux années de reconstruction et d’intervention internationale.

Revue de la presse francophone : bilan et controverses

Sur le site du Point, Lyonel Trouillot, co-directeur du festival à Port-au-Prince, dresse un bilan amer et décapant des deux années qui se sont écoulées dans l’île depuis le tremblement de terre :

"Depuis deux ans, Lyonel Trouillot nous donne régulièrement des nouvelles de son pays : Haïti parmi les vivants, recueil que Le Point a coédité avec son éditeur en France, Actes Sud, n’a pas pour titre une vaine ou fugace formule ! Celui que le chroniqueur donne à la lettre que vous allez lire peut surprendre..."La lettre de Lyonel Trouillot à lire sur le site du Point

Loin d’adhérer à l’optimisme de Nigel Fisher, coordinateur humanitaire de l’ONU, qui considère que « la réponse humanitaire a été un succès », Le Nouvelliste, journal de référence haïtien, partage le diagnostic sombre de l’écrivain dans un article intitulé "Deux ans après le séisme, tout reste à faire en Haïti" : "Processus politique paralysant, manque de leadership de la communauté internationale, épidémie de choléra aggravante : deux ans après le tremblement de terre qui a dévasté Haïti, le pays le plus pauvre de l’hémisphère nord peine toujours à relever la tête."

Les avis sont très partagés sur l’action des ONG et de la communauté internationale. L’écrivain René Despestre, installé en France, insiste sur leur rôle incontournable : "Les choses de la vie en société, étant ce qu’elles sont en Haïti, même dans la pagaille du droit international, les Haïtiens doivent plus que jamais compter sur le savoir-faire et le dévouement de l’ONU et des ONG pour remplir le vide que le séisme a creusé dans la société civile. " ("Faut-il ONGiser Haïti ? sur le Point.fr" )

Un article signé de la chercheuse québécoise Andréanne Martel détaille sur le site du journal Le Devoir (Québec) les mécanismes de la dépendance humanitaire. "Malgré un consensus apparent dans la communauté humanitaire sur la nécessité de renforcer les capacités locales et de redonner le flambeau aux autorités correspondantes le plus rapidement possible, les relations de partenariats tangibles avec des organisations haïtiennes sont soit rares, soit utilitaires." Une situation qui a conduit certains à surnommer Haïti la « république des ONG »... (Haïti, entre dépendance et reconstruction, à lire sur le site du Devoir)

A rebours de cette logique, Lyonel Trouillot soulignait dans un entretien récent la spécificité du festival Étonnants Voyageurs, qui aura lieu à Port-au-Prince du 1er au 4 février prochain : "Ce festival se fait vraiment sur une base égalitaire avec une implication de l’Etat haïtien et de l’Etat français, et de deux associations qui travaillent ensemble dans un sentiment de fraternité, et un souci de bien faire les choses en fonction des besoins d’Haïti. "(Entretien avec Lyonel Trouillot à lire sur Culturebox)

Car, dans ce pays sinistré, la soif de culture reste immense. En témoigne l’enthousiasme rencontré sur place par Dany Laferrière à l’occasion d’une manifestation littéraire organisée par le journal Le Nouvelliste : « Il y avait énormément de jeunes, c’était comme une ruche. Les Haïtiens sont venus de partout, des gens très pauvres, pour faire signer mon livre, cela m’a beaucoup ému. Je ne pensais pas que des gens dont la maison était par terre feraient cela. Ce festival m’a montré qu’Haïti ne mourrait pas. » (Un entretien avec Dany Laferrière, à lire sur le site du Monde)