Coups de cœur Télérama : Björn Larsson

Suède

9 juin 2006.
 
© P.Box-Opale

Sacré forban ! Voilà que, sans crier gare, le suédois Björn Larsson change de cap, déserte l’Océan et ses légendes au long cours, pour s’enfermer dans les tunnels du métro parisien ! Le cercle celtique, son premier roman, un thriller ensorcelant, tout de brume et de mystère, cultivait jusqu’au vertige son goût de la bourlingue et du récit d’aventures. Professeur de français à l’université de Lund, passionné de linguistique autant que de plongée sous-marine, lui-même n’a-t-il pas passé six ans de sa vie sur un voilier ? Long John Silver surprenait par son culot et sa maîtrise, Larsson n’hésitant pas à s’emparer de la figure mythique du pirate à la jambe de bois imaginé par Stevenson. Le Capitaine et les rêves, prix Médicis 1999, distillait enfin la magie de ces histoires légendaires perpétuées par des générations de marins à l’escale.
Et voilà que Le Mauvais Œil, qui vient de paraître, s’enterre dans les profondeurs du chantier Eole où s’affronte "barbus" fanatiques et crânes rasés de l’extrême droite ! Au grand large se substitue une sorte de trou à rats en forme de piège mortel. L’enfermement de l’intolérance et de la haine de l’autre remplace le souffle de l’aventure et du mythe… A bien lire ce dernier roman, il se pourrait toutefois que le changement de cap ne soit qu’apparent. « Ses maîtres l’avaient mis en garde », écrit Larsson à propos de Rachid, le jeune fondamentaliste islamiste qui projette de faire sauter le chantier,« rien ne devrait venir s’intercaler entre Dieu et la réalité, ni l’imagination, ni les rêvesn ni les images, ni les contes ». N’est-ce pas là précisément le sujet de tous les livres de Björn Larsson : un hymne à l’imagination sans laquelle il ne peut y avoir ni liberté ni vérité individuelles ?
Michel Abescat


Le Mauvais Œil, traduit du suédois par Philippe Bouquet (Editions Grasset, 2001)

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Le choix de Martin Brenner

Grasset - 2020

À la mort de sa mère Maria, Martin Brenner ressent certes de la douleur mais s’interroge aussi : il ne s’est jamais vraiment senti très proche d’elle. Il procède à la dispersion des cendres en suivant ses dernières volontés, met sa maison en vente, puis il compte reprendre le cours de sa vie, entouré par son épouse Cristina et sa fille Sara. Brenner est généticien et directeur d’un laboratoire, un homme discret et plutôt solitaire. Il s’estime heureux dans la vie.

Mais lorsqu’un avocat l’appelle pour lui annoncer que sa mère était juive et survivante des camps, sa vie prend un tournant imprévu. Petit à petit, les révélations contenues dans une lettre laissée par sa mère et les informations que lui fournissent l’avocat et le rabbin de la ville où il habite le poussent à faire des recherches sur l’identité juive. Il croise ses lectures personnelles sur le sujet avec les recherches en génétique qu’il mène – touchant à la question de l’appartenance religieuse et ethnique, vue par la science. Il décide de n’en parler à personne – pas même à son épouse – avant de parvenir à une décision quant à sa judéité : il refuse l’idée qu’il doive assumer le fait d’être juif seulement parce que sa mère l’avait été. Mais lors d’un colloque scientifique à Montréal, il est pris à parti dans un débat et alors qu’on l’accuse d’antisémitisme, il révèle sa judéité… Le piège s’est renfermé sur lui, et le château de cartes qu’était devenu sa vie s’effondre : sa femme Cristina, ignorant tout de sa réflexion, se sent trahie, puis quand lui et sa fille deviennent la cible d’ignobles attaques antisémites, son épouse le quitte. Il perd son travail, son meilleur ami se détourne de lui, seul le rabbin Golder maintient le contact. Il fait alors appel à un écrivain célèbre et lui demande de raconter son histoire…

Le choix de Martin Brenner nous fait vivre de l’intérieur la descente aux enfers d’un homme aux prises avec la question identitaire. Le roman nous propose ainsi une interrogation sur le libre-arbitre. Comment savoir qui nous voulons être dans notre vie intime et aux yeux de la société ? Comment rester libre dans ce choix ?

Traduit du suédois par Hélène Hervieu