LAFERRIÈRE Dany

Haïti - Québec

4 avril 2024.

Figure phare de la scène littéraire francophone, prix Médicis 2009 pour L’énigme du retour, Dany Laferrière est membre de l’Académie française depuis 2015. L’incontournable plume haïtienne est également co-président de l’association Étonnants Voyageurs Haïti et signataire du manifeste « Pour une littérature monde en français ». Hautement incisif, terriblement insolent, mais toujours aussi irrésistiblement drôle, Dany Laferrière nous plonge avec Fête chez Hoki (Zulma, 2024) dans le Japon de Mishima, Tanizaki, Bashō. De l’autre côté du Pacifique, il poursuit son œuvre autobiographique avec Autobiographie américaine (Bouquins, 2024) et fouille des Caraïbes au Canada, l’histoire de cette Amérique continentale bigarrée et survoltée. Avec ces deux derniers ouvrages, Dany Laferrière continue sa recherche de création d’ « un espace où [il pourrait] vivre selon [sa] vision des choses. » ( Journal d’un écrivain en pyjama (Grasset, 2013).

 

Figure phare de la scène littéraire francophone, prix Médicis 2009 pour L’énigme du retour, Dany Lafferrière est un Immortel depuis 2015 et son élection à l’Académie française.

Windsor Klébert Laferrière, dit Dany, est né à Port-au-Prince en 1953 d’un père intellectuel et homme politique, Windsor Klébert Laferrière, et d’une mère archiviste à la mairie de Port-au-Prince, Marie Nelson. Il passe son enfance à Petit-Goâve avec sa grand-mère Da, au milieu d’un paysage idyllique dominé par les libellules et la mer turquoise. Cette enfance heureuse est relatée dans deux de ses premiers romans, L’Odeur du café et Le Charme des après-midi sans fin, où sa grand-mère Da est d’ailleurs un personnage marquant.
Il rentre à onze ans à Port-au-Prince où il fait ses études secondaires, puis devient journaliste au Petit Samedi Soir. Mais suite à l’assassinat de son ami Gasner Raymond par les « tontons macoutes » de Duvalier, il quitte Haïti pour Montréal en 1976. Il a 23 ans.

Pendant huit ans il enchaîne les petits boulots, travaille à l’usine, mais continue de rêver de littérature. Dany Laferrière lit, tous ceux qu’il ne pouvait pas lire à Port-au-Prince : Hemingway, Miller, Diderot, Tanizaki, Gombrowicz, Borges, Marie Chauvet, Bukowski, Boulgakov, Baldwin, Cendrars, Mishima, Marquez, Vargas Llosa, Salinger, Grass, Calvino, Roumain, Ducharme, Virginia Woolf… Et il se procure chez un brocanteur cette fameuse machine à écrire Remington 22 qui l’accompagnera pendant une dizaine de livres. Il publie en 1985 son premier roman : Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer. C’est un succès retentissant, qui lui permet un an plus tard d’être embauché à télévision Quatre Saisons pour présenter la météo. Son personnage sympathique tout en humour et légéreté l’amène ensuite à la fameuse émission de Radio-Canada, La Bande des six.

En 1990, après une première aventure cinématographique et l’adaptation de son premier roman, il décide de rompre avec le tumulte de sa célébrité quebecoise. Établi à Miami, il écrit dix romans en douze ans ! De son point de vue, ils n’en forment qu’un seul : son « autobiographie américaine ». L’écrivain se réinstalle à Montréal en 2002 et rejoint Grasset en 2005 avec Le Goût des jeunes filles. Il continue également ses incursions cinématographique et adapte ses romans en scénarios, comme Comment conquérir l’Amérique en une nuit en 2004, Prix Zénith au Festival des Films du Monde de Montréal. L’année suivante, son roman Vers le Sud parait en même temps que le film du même nom, réalisé par Laurent Cantet.

En 2007, il co-préside l’association Etonnants Voyageurs Haïti avec Lyonel Trouillot et est signataire du Manifeste "Pour une littérature monde en français". Deux ans plus tard, L’énigme du retour fait définitivement de lui une plume incontournable du paysage littéraire francophone, le livre est salué unanimement par la critique et obtient le Prix Médicis. Le quotidien La Presse à Montréal en fait même sa personnalité de l’année 2009.
Dany Laferrière se trouve en Haïti lors du tremblement de terre du 12 janvier 2010, et fait part de cet épisode traumatique à travers de nombreux témoignages et articles de presse. Séisme : des mots d’auteurs.
Son ouvrage Tout bouge autour de moi (Mémoire d’encrier, 2010) est un vibrant témoignage autour de ce séisme qui a détruit Haïti. L’auteur retrace les principaux moments du désastre : textes brefs, portraits, informations, impressions, projections. Cette tragédie est restituée avec force et générosité. Dans cette poignante chronique, Dany Laferrière livre par touches discrètes ses émotions, ses sentiments et ses pensées.

Comme un miroir inversé du roman qui lui a valu le prix Médicis en 2009, Dany Laferrière publie en 2012 Chronique de la dérive douce : « Si L’Énigme du retour est le roman du retour au pays natal, Chroniques de la dérive douce est bien celui de l’arrivée dans une nouvelle ville, une nouvelle vie. En 2013, il publie aux éditions Mémoire d’encrier au Québec et chez Grasset en France son Journal d’un écrivain en pyjama. S’inscrivant dans la lignée de L’art presque perdu de ne rien faire (2011), Dany Laferrière livre dans cet ouvrage un amalgame de récits, de réflexions, de méditations et d’anecdotes sur l’écriture et sur la lecture, en nous promenant à l’intérieur de sa bibliothèque personnelle, où se rencontrent pêle-mêle Borges, Proust, Salinger, García Márquez, Miller, Tolstoï, Hemingway et Césaire...
2015 est également une grande année pour Dany Laferrière puisqu’il est élu à l’Académie française. Il publie deux romans dans la foulée, Le Cri des oiseaux fous et Tout ce qu’on ne te dira pas, Mongo : deux romans aux parfums d‘exil, où se mêlent désarroi et détermination, certitudes et mythes, deux voyages aux accents d’ailleurs.

Co-Président de l’association Étonnants Voyageurs en Haïti en décembre 2016, Dany Laferrière réedite la même année chez Zulma deux de ses œuvres les plus marquantes : Le charme des après-midi sans fin et L’odeur du café, et publie chez Grasset Mythologies américaines qui receuille ses premiers textes : Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer (1985), Cette grenade dans la main du jeune Nègre est-elle une arme ou un fruit ? (1993), Fête chez Hoki (1987) et un inédit : Truman Capote au Park Hotel.

Il revient en 2018 avec un "roman dessiné", à mi-chemin entre le carnet personnel de croquis et le roman : Autoportrait de Paris avec chat. Un grand format pour une belle ambition, nous faire visiter « son » Paris à travers ses textes et ses dessins.

En 2019, Dany Laferrière nous transmet le récit de son aventure américaine. Au début des années 1980, il quitte Montréal et s’installe à Miami. Dans cette œuvre intime, l’écrivain évoque sa vie quotidienne ainsi que la société américaine. Il y met en lumière sa vie d’auteur, livrant par la même des réflexions personnelles sur sa pratique de l’écriture.

En 2020, il revient sur ses nombreuses pérégrinations dans L’exil vaut le voyage, dans lequel il fait le choix de regarder les bons côtés de ses migrations contraintes. Dans ce roman écrit à la main et enrichi par de nombreux dessins, Dany Laferrière raconte ses exils et ses conséquences, ses lectures, ses rencontres, peignant un tableau intime, touchant et riche en références de ses voyages successifs.


Bibliographie

Littérature jeunesse

 

DERNIER OUVRAGE

 
Témoignage

Autobiographie américaine

Bouquins - 2024

L’œuvre autobiographique de Dany Laferrière, rassemblée dans ce volume, montre qu’il personnifie une démarche singulière, qu’a déterminé son attitude envers la vie. Et c’est cette attitude qui fait que tant de lecteurs aiment mettre leurs pas dans les siens.
"Un matin de février 1984, il y a quarante ans de cela, je me suis réveillé dans le grand froid montréalais, avec cette idée étrange qu’on ne devrait pas écrire plus d’un livre. Le manuscrit que j’avais fatigué toute la nuit dernière s’était assoupi près de la fenêtre de ma modeste chambre, au milieu des restes du repas de la veille. De mon lit, je l’observais avec un mélange de suspicion et de tendresse. J’attendais trop peut-être de ce premier roman écrit pourtant dans la misère et la liberté. D’abord qu’il me sorte de l’usine, ensuite qu’il me rende célèbre.
Venant d’un pays qui a connu l’esclavage et la dictature, et ayant longuement vécu dans des villes comme Montréal, Miami ou New York, avant de parcourir São Paulo, Mexico, San Juan ou Buenos Aires, je me sentais comme un arbre qui marche dans sa forêt. J’ai fouillé dans l’histoire pour découvrir que cette Amérique continentale était le rêve de Bolívar dont la devise se résumait à « Un continent, un pays ». Tant de cultures diverses que les écrivains de ce continent ou de ce pays allaient m’apprendre. J’ai donc décidé d’entreprendre une longue balade littéraire, en commençant par cette Caraïbe où j’ai pris naissance, et où je suis tombé, un jour de pluie, sur le recueil du poète haïtien René Philoctète Ces îles qui marchent. Je note dans mon calepin noir ce vers rimbaldien : « Je suis venu vers toi, nu, et sans bagages ». C’est donc les mains libres et la tête légère que j’ai entrepris cet interminable voyage dans cette Amérique bigarrée et survoltée."
D. L.