KANOR Fabienne

France

14 mars 2023.

Au fil de ses romans, l’écrivaine et réalisatrice Fabienne Kanor défend l’idée que l’identité n’est pas une chose figée : elle est toujours à réinventer. Ses personnages déracinés, désabusés, questionnent leur passé et leur présent à la recherche d’une échappatoire ou d’un nouveau départ. Cette romancière française d’origine antillaise, ancienne journaliste, a fait une entrée remarquée dans le monde de la littérature avec son ouvrage D’eaux douces, récompensé par le prix Fetkann ! en 2004, prix favorisant le travail de mémoire des pays du Sud. En 2020, elle est également lauréate du prix Casa de las Américas dans la catégorie Littérature caribéenne en français et en créole pour son roman Je ne suis pas un homme qui pleure (2016), qui « traite de questions primordiales des réalités contemporaines, concernant les populations issues de la colonisation, notamment des Caraïbes ». Elle poursuit ce travail de mémoire avec La poétique de la cale, un premier essai intime où elle affronte l’histoire de la traite transatlantique à partir du motif de la cale. Un espace qui, entre absence et résurgence spectrale, restitue la complexité des héritages des peuples déportés et raconte comment ce qui n’a pas été vécu peut pourtant hanter corps et esprits.

 

Le voyage - parfois introspectif - est un motif récurrent dans son œuvre. Née en 1970 à Orléans, Fabienne Kanor suit des études de littérature comparée et de communication avant de se lancer dans le journalisme, travaillant notamment pour France 3, Radio Nova, RFI ou encore La Cinquième. Désireuse de rencontrer l’Afrique, elle part pour le Sénégal et s’installe à Saint-Louis pendant deux ans. C’est à son retour, en 2004, qu’elle se met à écrire. Elle s’intéresse dans ses romans au récit personnel et à la quête d’identité, dans des contextes historiques et sociaux précis (féminisme, esclavage, immigration).

Parallèlement à son activité littéraire, elle entame une carrière de réalisatrice dès 2004 avec La Noiraude, un film qu’elle produit avec sa sœur Véronique Kanor. Cette fiction raconte les tracas et remises en question d’une Antillaise à Paris. Elle réalise par la suite divers documentaires et moyen-métrages.

Le personnage de Faire l’aventure, Biram, jeune Sénégalais de 17 ans « qui n’avait encore rien vu », regarde l’horizon depuis Dakar et rêve de Faire l’aventure. À nouveau l’auteur s’intéresse à l’humain derrière les chiffres, ceux de l’immigration cette fois. Elle replace la dignité humaine dans ce débat en contant les rêves d’ailleurs de ces jeunes qui quittent leur pays pour découvrir d’autres mondes. Le roman, entre récit d’initiation et histoire d’amour, fait ainsi voyager ses personnages de Dakar à Rome en passant par les Canaries.

Dans Je ne suis pas un homme qui pleure, Fabienne Kanor met beaucoup d’elle. « J’imaginais une histoire légère comme un milieu d’été avec une femme qui parle beaucoup et des hommes qui passent trop vite. C’est après l’avoir écrite, que j’ai réalisé ce que j’en avais fait : un livre sur une romancière qui interroge sa place, ses origines et sur l’écriture qui rafle tout. »

Son dernier roman, Louisiane, porte son regard sur la ville la plus afroamériciane des États Unis, où les arbres se rappellent avoir été « carnivores dès qu’on leur donnait des corps à manger ». On y retrouve Nathan, le narrateur, un Français d’origine camerounaise qui débarque à la Nouvelle Orléans peu après l’ouragan Katrina, sur les traces d’un grand-oncle autrefois disparu. À travers cette Louisiane sous tension raciale et abîmée par l’esclavage, l’autrice livre un texte puissant, porté par une prose sensuelle et lumineuses, sur les origines, l’amour, la mort et le pardon.


Bibliographie :

Essais

Romans

Littérature de jeunesse

Théâtre

Documentaires

 

DERNIER OUVRAGE

 
Essais

La poétique de la cale : Variations sur le bateau négrier

Rivages - 2022

Un siècle et demi après le passage avéré du dernier navire négrier, la cale hante toujours, telle une ombre, les œuvres écrites, visuelles et musicales des artistes afro-descendants. Dans les archives coloniales, elle est le décor central des vieux journaux de bord des marins. Elle affleure dans l’espace public, les musées et lieux de commémoration. Elle est dans le corps de ceux qui, sans y être tombés, ne peuvent pour autant pas l’oublier. Elle est une mélancolie, une blessure ancrée dans la chair de millions de personnes dont les racines ont été brouillées et éparpillées.

Dans ce livre intime et puissant dont la cale est le personnage-spectre, Fabienne Kanor entreprend de descendre en poésie dans les entrailles de ces monstres flottants et d’enjamber la mer dévoreuse d’hommes en sens inverse afin de libérer le pouvoir curateur de la mémoire.