EL ASWANY Alaa

Égypte

11 mars 2019.

Dentiste de formation, il est l’une des figures phares de la littérature égyptienne révélée en 2002 avec L’Immeuble Yacoubian, une fresque sociale sur la vie cairote, best-seller dans tout le monde arabe adaptée depuis au cinéma. Héraut de la démocratie, il devient en 2011 un personnage public clé de la Révolution égyptienne qu’il relate dans Chroniques de la Révolution égyptienne. Après Automobile club Égypte, peinture acerbe de la société égyptienne d’avant Nasser menée par une élite liée à la monarchie, le « pharaon des lettres » comme la presse le surnomme, revient avec un roman polyphonique où les mondes s’entrechoquent dans une Égypte en proie à la rupture. Interdit de diffusion dans l’ensemble du monde arabe, à l’exception du Liban, du Maroc et de la Tunisie, J’ai couru vers le Nil relate la tragédie, les travers et les complexités d’une révolution avortée.

 

Alors qu’il exerce encore son premier métier de dentiste au centre du Caire, en janvier 2011, le Printemps Arabe tire Alaa El Aswany de son cabinet. Héraut de la démocratie, il s’illustre lors de la révolution égyptienne, aussi bien dans les médias qu’aux côtés des Égyptiens sur les estrades de la place Tahir. "Hier, j’ai parlé devant 5 000 personnes, la télé a dit qu’il y en avait 100. On ne peut plus faire ça aujourd’hui. La dictature la plus fermée au monde serait moins bête", confie-t il aux envoyés spéciaux de Télérama le mercredi 1er février 2011. Les médias égyptiens lui accordent une place de choix dans les mois qui suivent : le 2 mars 2011, il affronte le premier ministre par intérim nommé par Moubarak, Ahmed Chafik, lors d’un débat télévisé. Ce dernier donnera sa démission du gouvernement le lendemain. Très marqué par Gabriel García Márquez et son Automne du Patriarche, il prédit en janvier 2011 aux médias étrangers que Moubarak suivra la même trajectoire que le héros du roman, passant du déni de la contestation à la fuite précipitée en avion.

Avec Chroniques de la Révolution égyptienne, Alaa El Aswany revient sur les mois de révolte et le vent de liberté qui a soufflé sur l’Égypte en 2011. Au travers d’une série de textes publiés dans des journaux égyptiens, ce recueil offre au lecteur français un recul appréciable sur les événements, analysant en profondeur les impasses de la société égyptienne et les rouages de la dictature, invitant notamment à regarder la condition des femmes comme un symptôme des blocages de la société égyptienne. Le livre se ferme enfin sur l’évocation d’une dernière menace anti-démocratique.

L’auteur revient à la forme romanesque en 2014 avec Automobile Club d’Égypte, replonge dans son pays, à la fin des années 40. Selon lui, replonger dans le passé est une façon détournée de s’exprimer sur le présent : "toutes les questions humaines qui ont conduit à la révolution actuelle sont déjà dans le roman", déclare-t-il. Le club dont il est question ici est un microcosme de la société égyptienne avant la venue au pouvoir de Nasser ; une élite, liée à la monarchie, se vautre dans le luxe tandis que le peuple est asservi. Une façon pour l’auteur de dresser un parallèle entre la révolution de 1952 et le soulèvement du printemps arabe.

Paru en 2014, Extrémisme religieux et dictature. Les deux faces d’un malheur historique réunit une série d’articles qu’il écrit et publie en Égypte. Il explique que la mauvaise interprétation de la religion qui pousse vers le fascisme religieux est très proche de la montée de la dictature : ce sont les deux aspects d’une même idée. Il revient sur le thème de la religion : comment elle est pratiquée, comment l’interprétation plus ouverte de la fin du XIXème siècle a été détournée par des forces politiques, économiques, par le wahhabisme qui, financé et soutenu par l’argent du pétrole depuis les années 70, est très présent dans la pratique de l’Islam en Egypte. Plusieurs de ses chroniques parlent entre autres de la situation des femmes, du rapport aux corps, du rapport aux étrangers, ainsi que du rapport aux autres religions, restant très critique vis-à-vis de la politique en Égypte.

En 2018, il persiste dans sa bataille et signe J’ai couru vers le Nil, mise en scène de la tragédie de la contre-révolution. Véritable fresque de la société égyptienne à l’aube du printemps arabe, ce roman met en scène des personnages, mais également un pays, en proie à la rupture. Cette révolution, Alaa El Aswany la fait brillamment sienne avec ce récit puissant, au milieu des cendres laissées par les espoirs déçus de la place Tahrir.

Par ailleurs, son engagement lui vaut d’être poursuivi par le parquet général militaire égyptien pour insultes contre le pouvoir.


Bibliographie

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

J’ai couru vers le Nil

Actes Sud - 2018

Le Caire, 2011. Alors que la mobilisation populaire est à son comble sur la place Tahrir, Asma et Mazen, qui se sont connus dans une réunion politique, vivent leurs premiers instants en amoureux au sein d’une foule immense. Il y a là Khaled et Dania, étudiants en médecine, occupés à soigner les blessés de la manifestation. Lui est le fi ls d’un simple chauffeur, elle est la fille du général Alouani, chef de la Sécurité d’État, qui a des yeux partout, notamment sur eux. Il y a là Achraf, grand bourgeois copte, acteur cantonné aux seconds rôles, dont l’amertume n’est dissipée que par ses moments de passion avec Akram, sa domestique. Achraf dont les fenêtres donnent sur la place Tahrir et qui, à la suite d’une rencontre inattendue avec Asma, a été gagné par la ferveur révolutionnaire. Un peu plus loin, il y a Issam, ancien communiste désabusé, victime de l’ambition de sa femme, Nourhane, présentatrice télé, prête à tout pour gravir les échelons et s’ériger en icône musulmane, qu’il s’agisse de mode ou de mœurs sexuelles.
Chacun incarne une facette de cette révolution qui marque un point de rupture, dans leur destinée et dans celle de leur pays. Espoir, désir, hypocrisie, répression, El Aswany assemble ici les pièces de l’histoire égyptienne récente, frappée au coin de la dictature, et convoque le souffle d’une révolution qui est aussi la sienne. À ce jour, ce roman est interdit de publication en Égypte.