R. Colin : "EV Bamako : la rencontre au rendez-vous de la liberté"

5 janvier 2011.
 

Pour sa huitième session, le Festival « Etonnants Voyageurs au Mali » s’est tenu du 22 au 28 novembre 2010. Il s’agit de l’une des manifestations majeures de la créativité littéraire africaine, rassemblant une quarantaine d’écrivains venant de différentes régions d’Afrique, qui se sont retrouvés au cœur d’un pays incarnant une tradition culturelle parmi les plus prestigieuses du continent. On peut dire que 20I0 se présentait comme un excellent millésime, marquant la célébration du cinquantenaire des indépendances africaines, et contribuant de la sorte à une précieuse mise en perspective historique de l’événement, dont la pierre de touche m’a semblé être le thème de la rencontre.

En premier lieu, rencontre des générations. La participation sensible et rayonnante de Christiane Diop portait le message des fondateurs de Présence Africaine et se posait comme événement en soi. Ce signal fort rejoignait la talentueuse créativité des jeunes slameurs maliens tout comme celle des romancières et romanciers de l’Afrique qui monte. Emotion aussi, pour ces jeunes créateurs, d’y trouver l’occasion de dialoguer avec Cheikh Hamidou Kane, dont l’Aventure ambiguë n’a pas pris une ride. Rencontre marquante, tout autant, avec la société africaine des profondeurs, lors d’étonnantes randonnées d’écrivains en lointaine province. J’en retiens, pour ma part, l’accueil chaleureux des lycéens de Sikasso, fils et filles de paysans sénoufo pour nombre d’entre eux, assoiffés d’entendre la parole d’acteurs témoins de l’histoire de leur peuple. Et, à une courte étape de la ville historique, symbole de la résistance à la conquête coloniale, le pèlerinage au sanctuaire de Missirikoro, pic rocheux improbable dominant la savane, creusé de grottes mystiques, où voisinent les méditants d’un Islam soufi et les sacrificateurs aux génies tutélaires du peuple des terroirs.

Le Festival mettait en lumière, indubitablement, la conscience renouvelée d’un potentiel culturel immense, comme un pont de salut entre la terre des racines et les créativités nouvelles, vitales pour inventer le monde qui vient, en déni de l’opacité des désespérances ordinaires. Si l’espoir est le ressort et le produit du voyage, on peut dire alors qu’Etonnants Voyageurs nous invite, en explorateurs résolus de nos étonnements sans rivage, à garder foi résolument en l’Afrique d’aujourd’hui et de demain.

Roland Colin

Article pour La Lettre de la CADE, Coordination pour l’Afrique de Demain N° 137 Janv.2011.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Essais

La toison d’or de la liberté

Présence africaine - 2018

Le temps qui vient fera de l’Afrique un protagoniste de premier rang par son poids démographique, ses richesses naturelles, ses espaces sociaux et culturels, et l’on peine aujourd’hui à saisir cette présence africaine dans le monde, brouillée par les guerres, les génocides, les flux migratoires, les conflits politiques. Nous avons cependant une grande histoire commune : la colonisation et la mutation qui a conduit à la libération des peuples en quête de démocratie et de développement. Il est plus que jamais nécessaire d’entendre la parole des acteurs témoins de cette longue et fascinante histoire qui habite notre présent et interpelle notre futur.
Roland Colin est l’un de ces témoins qui, à travers le récit d’un parcours d’exception, nous convie au partage d ‘expériences qui touchent au plus vif nos problèmes du présent. Sensible dès sa jeunesse bretonne à la rencontre des cultures, il s’engage dans la découverte des humanités africaines à l’écoute de son maître Léopold Senghor et s’implique dans la grande aventure de la décolonisation, cette conquête de la liberté, précieuse « Toison d’or » qui doit affronter vents et marées. Il nous montre à quel point la grande transformation africaine, où tout est à imaginer, à construire, à défendre, s’apparente en profondeur à la mutation à l’œuvre dans les peuples de la vielle Europe en quête de nouvelles gouvernances, de nouvelles démocraties. La participation, le métissage des cultures, la greffe entre le monde des racines et l’effervescence des développements créatifs, sont au cœur de ces étapes que l’auteur nous rapporte dans le langage littéraire d’un conteur soucieux de coller au réel. Et l’on voit se dresser ainsi la stature de quelques-uns de ces « passeurs de frontières », à travers des épreuves, des drames, et aussi d’éclatantes démonstrations d’humanité, dans ces terres à la fois proches et lointaines qui se nomment Algérie, Sénégal, Mali, Niger, Madagascar, Rwanda, Tchad, Guinée-Bissau et quelques autres, à l’épreuve des libertés nouvelles. Le maître-mot est alors l’éducation inscrite au cœur de la vie, ce que les conquérants modernes de la « Toison d’or » de la liberté nomment « l’Animation ».
Souleymane Bachir Diagne, le grand philosophe sénégalais, professeur à l’Université Columbia, dans une préface sensible, campe l’auteur comme un « traducteur » entre langues, cultures, sociétés : une fonction répondant à l’exigence des temps présents.