SARR Felwine

Sénégal

18 avril 2024.

Enseignant chercheur agrégé d’économie, co-fondateur avec Boubacar Boris Diop de Jimsaan, la première maison d’édition de Saint-Louis, Felwine Sarr n’écrit pas à la légère : il fait de la littérature une nécessité vitale, œuvre de lumière et de liberté. Après Afrotopia (Philippe Rey, 2016), un hommage remarquable à l’Afrique nouvelle et une célébration optimiste de la pensée universelle, il crée à Dakar aux côtés d’Achille Mbembe les Ateliers de la pensée, dont les actes Écrire l’Afrique-Monde sont publiés en 2018. Il participe également au recueil Osons la Fraternité (Philippe Rey, 2018), coordonné par Michel Le Bris et Patrick Chamoiseau. Après Les lieux qu’habitent mes rêves (Gallimard, 2022), roman initiatique et méditatif porté par deux jumeaux sénégalais aux chemins de vie opposés, l’écrivain revient avec Le bouddhisme est né à Colobane (Philippe Rey, 2024). Un recueil de nouvelles sensibles sur la musique, l’amour et le temps qui passe, écrit dans une langue sobre et poétique.

 

Né en 1972 à Niodior au Sénégal, il a été enseignant-chercheur à l’Université d’Orléans avant de revenir en 2007 au Sénégal, où il dirige aujourd’hui la faculté d’économie et de gestion de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. En février 2012, il est parmi les leaders du mouvement "Devoir de Résistance", un rassemblement d’universitaires opposés au coup d’État constitutionnel que constituait la candidature du Président sortant Abdoulaye Wade à sa propre réélection.

Également musicien et guitariste, ce brillant touche-à-tout évite les poses, les postures, et les faux-semblants. Contre le bavardage, Felwine Sarr s’emploie à « plonger sa plume au plus profond de soi » cherchant à toucher à l’essentiel de l’expérience humaine.

En 2009, c’est en appelant au Jihad que Felwine Sarr entre en littérature... Non pas à la guerre sainte mais au véritable Jihad, "effort intense" selon le sens premier mais moins connu du Coran, qui est d’abord une guerre contre soi-même, contre sa propre part d’ombre. Son premier texte, Dahij n’est pas un essai, une autobiographie, un roman ou un poème mais tout ça à la fois. C’est “une guerre intérieure. Un jihad pour sortir de soi-même, de ma race, de mon sexe, de ma religion, de mes déterminations.” Avec Dahij, il partage son cheminement intellectuel en rendant hommage à ses écrivains fétiches : « voilà les phares qui ont éclairé mes nuits, voici ceux qui, par une opération de transmigration derrière la paroi d’un texte, m’ont transmis force et lumière. Je me suis incorporé leurs mots, et ils sont devenus de la vie en moi ».

Il reprend en 2012 le jihad intérieur dans ses Méditations africaines, recueil d’aphorismes lumineux préfacé par le grand philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne.

En mars 2016, l’auteur nous offre un nouvel ouvrage, Afrotopia, essai résolument optimiste et ode à l’Afrique. Une réelle contribution à la pensée universelle qui donne les pistes d’une Afrique nouvelle et autonome, riche de son histoire et prête à assumer et porter son avenir, face au monde. La même année, il organise avec Achille M’Bembé la toute première édition des Ateliers de la pensée, à Dakar et Saint-Louis, réunion d’artistes, universitaires, intellectuels d’Afrique et de la diaspora. Des rencontres pour réfléchir à la fois à la place de l’Afrique, aux réponses qu’elle peut apporter aux défis contemporains en ces temps d’ouverture et d’enfermement, mais aussi aux formes de la création et la pensée Afro-diasporique. Les actes de ces Ateliers, dont la 2e édition a eu lieu en octobre 2017, ont été publiés dans un ouvrage collectif, Écrire l’Afrique-Monde.

Dans la juste lignée d’Afrotopia, il signe l’essai Habiter le monde. Il y fait le constat des défis auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés : une triple crise, à la fois écologique, économique et politique ; et nous invite surtout à l’action, en proposant de nouvelles façons d’habiter le monde, dans le respect des autres et de notre environnement. Un essai de politique relationnelle dont il met la pensée en pratique dans le recueil Ishidenshin, de mon âme à ton âme, magnifique invitation à habiter le monde ensemble, par-delà les différences culturelles, géographiques ou temporelles. Il participe également au recueil Osons la Fraternité, coordonné par Michel Le Bris et Patrick Chamoiseau en soutien au GISTI (Groupe d’Information et de Soutien aux Immigrés).

En novembre 2017, à Ouagadougou, le Président Emmanuel Macron a déclaré souhaiter que « d’ici cinq ans les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». Il a ensuite commandé à Felwine Sarr et Bénédicte Savoy un "Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain", qui lui a été remis le 23 novembre 2018. C’est ce même rapport que nous livre aujourd’hui l’universitaire aux éditions Philippe Rey. Avec l’historienne de l’art Bénédicte Savoy, il dresse un inventaire des collections africaines conservées dans les musées publics français. Ce projet de restitution concerne également les documents photographiques, cinématographiques et sonores, et prend en compte les enjeux de la numérisation. Cet ouvrage permet de prendre conscience de l’ampleur des spoliations dont l’Afrique a été victime au cours de l’Histoire et évoque les multiples défis liés à la réappropriation du patrimoine africain.

« La langue devrait être un espace de dialogue, d’échange et de féconde mutualité. On est actuellement plus de 200 millions de locuteurs du français dans le monde, avec une majorité d’Africains. C’est une langue qui est arrivée avec l’histoire coloniale et la violence de l’histoire coloniale. Mais, je me dis, un siècle et demi après, on devrait se l’approprier comme une de nos langues. » (RFI)


Bibliographie

Discographie

 

DERNIER OUVRAGE

 
Nouvelles

Le bouddhisme est né à Colobane

Philippe Rey - 2024

Un homme intrigué par l’épuisement de son désir ; une amie disparue, qui, des décennies plus tard, libère son ancien amant de son attente ; une femme écartelée entre les élans du cœur et la raison familiale ; un musicien décédé brutalement dont l’absence rappelle à ceux qui l’ont chéri sa présence en eux ; un sage assis sur un banc pensant l’amour comme la « forge d’oubli du réel ».
Dans cette quête impossible d’un désir absolu et sans limites, les compositions musicales de Toumani Diabaté, Wasis Diop ou bien encore Cheikh Lô accompagnent Fodé, Teibashin et les autres personnages. La musique souligne alors l’amour et le manque, la passion dévorante qui ronge les hommes mais aussi les anime. Le bouddhisme est né à Colobane est une ode à la vie, un appel à « participer du mouvement, y consentir, se laisser traverser et métamorphoser… ».

De Dakar à Abidjan, de Nantes à Kaolack Ndangane, Felwine Sarr compose une partition singulière et vive, une ballade à l’intérieur des âmes humaines pour dire la vie et son inéluctable achèvement, l’amour et ses nuances. Dans une langue limpide, il enjoint aux hommes de se couler dans les rythmes et les sons de leur existence pour faire face à l’urgence
de vivre et d’aimer.