LACARRIERE Jacques

France

19 juin 2006.
 
Jacques Lacarrière © D.R.

Né à Limoges en 1925, grand voyageur aux yeux bleus, amoureux de la Grèce , humaniste, Jacques Lacarrière a multiplié les récits de voyage, romans, poèmes, traductions, livres d’art et photographies. Sa formation est juridique, linguistique et journalistique : il étudie d’abord le droit et les lettres classiques et l’hindi puis devient critique, journaliste et reporter pour Combat, Le Monde, Le Matin, L’Express, Le Nouvel Observateur ainsi que pour Géo, Le Magazine littéraire et d’autres encore.

Emerveillé par la Grèce, le grec ancien et la mythologie, il découvre pour la première fois le pays en 1947, traduit Hérodote et Sophocle, et met en scène Ajax et Perséphone. Cet érudit génial a voyagé à partir des années 50 en Grèce et au Proche-Orient et en a ramené la source d’une bibliographie impressionnante : Chemin faisant, L’été grec, La poussière du monde... Son roman mille fois réédité, L’Eté grec, publié en 1976, avait été accueilli avec enthousiasme par la critique et le public ; Max Gallo décrit ce livre comme " une oeuvre sensuelle où chaque mot est à sa place, où la mémoire n’est pas mutilée ".

Sa femme, la comédienne Sylvia Lipa, d’origine égyptienne, l’assiste dans l’écriture de ses ouvrages, récompensés par le Grand Prix de l’Académie française en 1991 et le Prix littéraire Prince Pierre de Monaco en 1995. Il est également l’un des auteurs prestigieux de la collection Terre Humaine et était l’un des piliers du festival ! Il s’est éteint en 2005, hommage lui a été rendu lors de l’édition 2006 du festival.


Bibliographie :

Résumé de Sourates :

Par un écrivain bourguignon, grand marcheur, grand voyageur, épicurien converti à l’islam, ouvert à toutes les croyances, et que Galey appelle " mystique gourmand ". Un recueil de méditations qui prennent la forme du journal intime, du récit de voyage ou du poème. Un pèlerinage aux sources des mythes et dans les hauts lieux de l’aventure spirituelle (Patmos, Karnak, les monastères du Sinaï, etc.). Le portrait d’un homme " traversé " par des relations infinies avec l’espace comme avec le temps, ainsi que l’écrit F. Bott. Attachant.


À l’ami Jacques Lacarrière.

Il fut de l’aventure « Etonnants Voyageurs » dès la première édition, et n’en manqua pas une seule, comme il fut de l’aventure de la revue « Gulliver » née en avril 1990 qui rassembla tous les écrivains fidèles de Saint-Malo autour de cette idée d’une littérature « voyageuse, aventureuse, soucieuse de dire le monde ». C’est donc tout naturellement qu’il était devenu membre ( un membre très actif, toujours pétillant d’idées) de l’association Etonnants Voyageurs. Et le public le retrouvait chaque année avec bonheur, au café littéraire avec Maette Chantrel, à la Tour des Moulins avec son complice en poésie Yvon Le Men, où Sylvia Lipa, sa femme, et lui enchantaient le public par leurs lectures, et dans de multiples rencontres évocations, débats, rencontres, qu’il illuminait de son humour et de son immense érudition.
« Illuminait » : c’est le mot juste. Il était un de ces rares écrivains qui savaient faire de leur savoir de la lumière. Et nous gardons en souvenirs quelques instants de grâce, comme à Sarajevo, où il avait bouleversé le public par un magnifique hommage à Danilo Kis, ou cette « rencontre d’amitié » autour de Nicolas Bouvier, avec Jacques Meunier et Gilles Lapouge, les complices de toujours - tant d’autres encore, qu’il faudrait citer... Il avait la grâce.
Un immense écrivain. Amoureux fou de la Grèce, bien sûr, où il aura passé une bonne partie de sa vie, mais aussi de l’Inde, on le sait moins ( parti pour l’Inde, il était tombé malade à mi-chemin nous racontait-il, et avait ainsi découvert la Grèce, et lorsqu’à sa deuxième occasion de la découvrir, il était de nouveau tombé malade, il y avait vu comme un signe) de l’Anatolie, de l’Egypte, des mondes celtiques (sort ces jours-ci, chez sa grande amie Nicole Lattès La Forêt des songes, fantaisie autour des thèmes arturiens auquel il tenait beaucoup) passionné par le bouddhisme comme par les gnostiques, il était, au delà de la Grèce, profondément, un « homme du monde ». La manière française de tout cataloguer l’associe quasi exclusivement à la Grèce. A tort. Reste donc encore à prendre la mesure de son projet : à travers les cultures, les paysages et les chemins du monde, dessiner les contours d’une métaphysique de l’imagination créatrice Autrement dit : par le travail de l’écriture, réenchanter continûment le monde.
Un homme du monde, oui. Aimant la vie, le vin, les amis, bref, le « bel aujourd’hui » : la plongée dans les cultures du passé n’était pas chez lui un refuge, mais une manière de donner sens, profondeur, intensité, couleurs au présent : « J’aime le siècle ou je suis né, disait-il : je m’y sens bien et je n’ai jamais feint, comme tant d’autres, de m’y croire inadapté ou exilé ».
Pour un numéro de la revue Gulliver consacrée à la littérature de voyage, il avait proposé cette introduction, qui le résume si bien : « Le but du voyage ? Aucun, si ce n’est de perdre son temps le plus féeriquement possible. Se vider, se dénuder et, une fois vide et nu, s’emplir de saveurs et de savoirs nouveaux. Se sentir proche des Lointains et consanguin des Différents. Se sentir chez soi dans la coquille des autres. Comme un bernard-l’hermite. Mais un bernard-l’hermite planétaire. Ainsi pourrait-on définir l’écrivain-voyageur : “ Crustacé parlant dont l’esprit, dépourvu de carapace identitaire, se sent spontanément chez lui dans la culture des autres“ ».
Jacques Lacarrière l’enchanteur.

L’équipe du festival

 

DERNIER OUVRAGE

 

Le géographe des brindilles (de J. Lacarrière)

Hozhoni - 2018

Dans ce nouveau et savoureux recueil, l’auteur de L’Eté grec et de Chemin faisant nous emporte par sa qualité d’écriture, son humour, son appétence pour les mots, sa poésie délicate et sa culture singulière. Il nous entraîne dans Une forêt de signes où l’on respire Le parfum des légendes et où l’on écoute avec ravissement La cantate des chemins. L’Ode à mes amis les arbres, L’offertoire des vents ou L’homme qui voulut rencontrer le printemps sont autant d’agréables moments à passer en compagnie de celui qui fut aussi un arpenteur émerveillé des chemins et un attentif écrivain-voyageur nous emmenant avec délectation au pays des arganiers, dans sa Bourgogne ou sa Grèce tant aimée. Féru de botanique et de biologie, l’amoureux des jardins et des "jardineurs" savait errer dans les bois, discourir savamment sur Le privilège de l’abeille, La mémoire des Libellules ou la Sagesse serpentine, esquisser le portrait d’une vache, passer (au microscope !) Un été chez les Infusoires, déceler La mélancolie du géranium, s’inquiéter de La nostalgie de l’anguille ou réclamer Justice pour les Crapauds. La relation de Lacarrière avec la nature est, nous dit Gil Jouanard dans sa belle préface, celle "des nomades du Paléolithique qui habitaient le monde en le nommant"...