DAENINCKX Didier

France

23 février 2016.
 
© J Sassier / Gallimard

Biographie

Auteur phare de la scène du polar français et de la Série Noire, Didier Daeninckx, après toutes ces années (son premier livre date de 1982) et une bonne centaine de livres à son actif, nourrit un sentiment de révolte intact contre l’injustice politique et sociale, et les méfaits du capitalisme sauvage.

S’il arrête l’école en classe de seconde pour devenir ouvrier imprimeur puis animateur culturel, ce lecteur boulimique depuis l’âge de treize ans, est bien vite rattrapé par son plus profond désir, celui d’écrire. Après quelques piges pour des publications municipales et départementales où il traite surtout de faits divers, sa future matière romanesque, il se lance dans l’écriture d’un roman noir, publié cinq ans plus tard au Masque, Mort au premier tour (1982) et qui passe alors totalement inaperçu. Deux ans plus tard, Meurtres pour mémoire, publié à la Série Noire chez Gallimard (1984) le propulse sur le devant de la scène : il y évoque les événements de la nuit du 17 octobre 1961 et la répression sanglante de la police française d’une manifestation d’Algériens, et ancre ainsi l’intrigue de son nouveau roman noir à la fois dans la réalité sociale et dans l’enquête historique sur des faits douloureux ou des sujets politiques sensibles. Une constante qui traverse toute son œuvre, bientôt très prolifique. Car Didier Daeninckx, qui a grandi dans un milieu modeste et un environnement familial fortement anarchiste et antimilitariste, est un homme d’engagement, ancien communiste proche des milieux d’extrème gauche, il milite auprès des mouvements anarchistes puis antiracistes (Ras l’front) et contre le négationnisme ; un engagement obstiné et parfois acharné qui lui vaut des implications dans plusieurs polémiques.

À ce jour, il a publié une centaine d’ouvrages, romans et romans noirs essentiellement, mais aussi des livres pour la jeunesse, des nouvelles et des scénarii de bandes dessinées, ou pour la radio et la télévision. Fréquemment couronné de prix, c’est en 1994, que la Société des gens de lettres lui a décerné le Prix Paul Féval de littérature populaire pour l’ensemble de son œuvre. Ses romans, essentiellement publiés chez Gallimard en France, ont été traduits en plus de 20 langues.

L’auteur lui-même s’improvise enquêteur dans Le tableau papou de Port-Vila. Cette exercice d’auto-fiction, qui prend pour point de départ l’incendie criminel de sa maison, le mène sur les traces d’un mystérieux peintre allemand, Heinz von Furlau. Dans ce livre, les illustrations du peintre liégois Joe G. Pinelli viennent restituer l’esprit de cet expressionniste dont les œuvres ont disparu.

À noter deux beau livres illustrés parus chez Hoebecke : La pub est déclarée revient sur l’évolution de la publicité durant la Première Guerre mondiale, et l’étonnante manipulation des industriels entre les besoins du Front et de l’arrière, tandis que L’École des colonies s’attaque au mythe des bienfaits de la colonisation en matière scolaire.

Le tome 2 de ses Novellas (Le Cherche Midi) rassemble quant à lui des fictions nourries de toutes les réalités : les pires comme les plus belles, les rêves et les défaites, la colère y côtoie l’utopie, l’individu se frotte au collectif, l’espoir croise le fer avec le désespoir. Humains blessés ou laissés-pour-compte, révoltes tous terrains, événements sortis des oubliettes, souvenirs retrouvés, libertés rétablies : seule l’écriture « au noir » fait jaillir la lumière !


Bibliographie

 

DERNIER OUVRAGE

 
Récit

L’École des colonies

Hoëbeke - 2015

« Nos ancêtres les Gaulois. » C’est ainsi que débutent les cours d’histoire des écoles du Tonkin, du Dahomey ou du Soudan, à l’orée du XXe siècle. Le domaine colonial français - 11 millions de kilomètres carrés, 48 millions d’habitants - occupe alors le deuxième rang mondial.
Les écoliers d’Afrique subsaharienne, d’Asie, d’Océanie, des Antilles ou du Maghreb sont éduqués pour devenir de vrais Français. Chaque matin, les cours commencent après avoir inscrit en français sur un tableau noir « Mes enfants, aimez la France, votre nouvelle patrie ».
L’apprentissage de la langue est l’élément clé de la francisation. Hygiène, discipline et morale, les valeurs civilisatrices, sont inculquées sur un mode paternaliste tricoté de racisme.
Le traitement manichéen réservé à l’expansion coloniale dans les manuels scolaires reflète l’idéologie d’alors : le colonialisme envisagé comme une nécessité politique, économique et humanitaire, une oeuvre républicaine apte à établir ordre et paix. Un enseignement pour modeler aux besoins de la France une future main-d’oeuvre qu’il importe d’assimiler. En écho, les cartes de géographie détaillent les richesses économiques des "possessions" françaises et des affiches scolaires édifiantes sanctifient Savorgnan de Brazza ou Lyautey comme "pacificateurs".