Programme de la journée "Collèges" (jeudi 1er juin)

22 mai 2006.
 

ROTONDE SURCOUF

On n’en a jamais fini avec l’Histoire. Le passé se rappelle à nous, même quand nous voudrions l’oublier. Autrefois est le pays de tous les hommes. C’est de là que nous venons, là que nous serons pour les générations à venir. Qu’on ressuscite à travers les spectres de son armée d’argile, Qin, le premier empereur de Chine - dont Patrice Serres nous raconte comment il contribua à inventer notre civilisation - ou que des jeux d’enfants ramènent au présent le fantôme d’un des plus grands aventuriers français du XVIIIe siècle, dans le Monsieur Poivre, voleur d’épices, de Jean-Yves Loude, c’est toujours de nous et d’aujourd’hui que nous parlons.

Pourquoi va-t-on à l’école ? Pour apprendre. Mais apprendre quoi ? Ce qu’il y a au programme. Ce qui servira plus tard à avoir un métier. C’est tout ? C’est déjà beaucoup, mais non ce n’est pas tout. On y apprend aussi à vivre en société, c’est à dire avec les autres. L’école, modèle réduit du monde ? Répétition générale de la vie d’adulte ? Qu’on soit détective en herbe comme chez Lorris Murail (Coup de Blues pour Dan Martin), aspirant révolutionnaire comme les écoliers de Valérie Zenatti (Demain, la révolution !) ou cloîtré dans un bunker comme les Martiens de Fabrice Colin (Projet oXatan) c’est à demain que l’école vous prépare. Aux pièges, aux succès, aux peines qui guettent, une fois qu’on ne sera plus "entre les murs".

C’est sûrement le pays où se croise le plus grand nombre d’humains à la seconde. Il y a mille et une façons de voyager dans le Cyberspace, de filer sans fin le long des autoroutes de l’information, de flâner nez au vent dans l’éthernet, le coude à la portière de son PC. On peut crever les murs pour parler avec son ennemie, sa sœur, comme les héroïnes de Valérie Zenatti (Une bouteille dans la mer de Gaza). On peut chercher son "Never Never Land" dans un ciel d’octets, comme le CyberPan de Fabrice Colin. Ou en ramener un Golem de Lorris Murail, qui pour être virtuel ne va pas moins semer la terreur dans notre monde de chair et de sang.

Même les détectives ont commencé petits. Ne devient pas privé qui veut. Il faut montrer très tôt une prédisposition pour les coups durs, les pépins et les gnons. Si c’est pas tes oignons, change de métier, pas d’hésitation. Le Dan Martin de Lorris Murail (Coup de Blues pour Dan Martin) ou le novice Fred Vorgine du Signe de Saturne de Jean-Yves Loude se lancent dans la vie compliquée de ces limiers urbains prêts à manger le bitume pour que jaillisse la vérité. Le Noir junior, c’est pas de la lavasse.


MAGIC MIRROR

Les frontières séparent les hommes et parfois les protègent de leur propre férocité. En chacun de nous existe un désir de mur - et un désir aussi fort de casser les murs. Passer de l’autre côté, voir ce qui s’y vit et si par hasard l’herbe n’y serait pas plus verte qu’ici. Avec Valérie Zenatti (Une bouteille dans la mer de Gaza) nous sautons la frontière ultrasensible de l’insoluble conflit israélo-palestinien. Patrice Favaro (Une si rouge poussière) nous parle de la fêlure qui coupe ce qui fut jadis un seul et même pays. Quant à Fabrice Colin (CyberPan) et Lorris Murail (L’expérienceur), ils nous font franchir les frontières invisibles qui nous séparent du monde virtuel et de la mort.

Nous avions l’habitude de regarder l’Orient comme un monde exotique, à des années-lumière de notre Occident. L’heure est venue de réviser nos idées. De nous souvenir que dans bien des domaines, c’est à l’Est que notre avenir fut forgé, à l’Est qu’il est peut-être en train de se réinventer. Dans Qin, Patrice Serres montre comment Ying Zheng, premier empereur chinois, conçut la bureaucratie, l’éducation nationale, la standardisation de l’écriture, de la monnaie, des poids et mesures. Et Patrice Favaro, avec L’Étoile de l’Himalaya, nous entraîne en Inde aujourd’hui, où archaïsme et modernité s’affrontent pied à pied pour que Demain ne ressemble pas à Hier.

Nos auteurs sont des voyageurs qui ne s’aventurent pas seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps. Ils partent parfois très loin pour nous rapporter des images qu’aucune télévision au monde ne nous fournira jamais. Des vues si vraies, si proches, si documentées que nous avons l’impression de toucher les époques et les lieux qu’elles évoquent : la Chine en train de s’inventer du Qin de Patrice Serres, le XVIIIe siècle tumultueux, plein de sagesses et d’aventures, du Monsieur Poivre de Jean-Yves Loude, l’incroyable Delhi d’aujourd’hui qu’arpente le petit héros de L’Étoile de L’Himalaya, roman indien de Patrice Favaro.

Sortir de l’enfance n’est pas chose facile. On n’entre pas comme dans un moulin dans l’âge d’homme/de femme, l’âge des choix et des responsabilités. Parfois, l’épreuve relève du parcours du combattant. On dit alors qu’elle est initiatique. C’est celle, naturellement, qui intéresse les écrivains. L’héroïne de Quand j’étais soldate), de Valérie Zenatti, quitte sa vie de jeune fille insouciante pour partir faire son service militaire ; le Mohan de Patrice Favaro (L’Étoile de l’Himalaya) quitte ses montagnes pour la capitale ; et le Tiago de Fabrice Colin (Invisible) quitte ses favelas pour combattre la nano-menace qui pèse sur le monde. Chacun à sa façon saute le pas qui sépare l’ado indolent de l’adulte qui assure. Grandir, c’est partir un peu.


AUDITORIUM

Najmia - "Petite étoile" - a 13 ans, le sourire radieux, le regard franc. Dans la vieille ville de Sanaa, au Yemen, tout le monde la connaît. Naijmia, avec ses boucles offertes au soleil, est un défi vivant à des siècles de traditions ancestrales. Insolente, insouciante, elle ne porte pas le voile. Et la réalisatrice Khadidja Al-Salami, n’en revient toujours pas de l’avoir rencontrée.