La « littérature monde » au cœur de la semaine de la francophonie à l’École Normale Supérieure, 15-21 mars 2010

5 mars 2010.

Après avoir fait l’objet de colloques internationaux à l’Université d’Aarhus (Danemark) de Talahassee (Floride) d’Alger, d’un ouvrage en danois, d’un numéro spécial de la revue des Post Colonial Studies (USA) ; après avoir été au cœur des débats du dernier salon du livre de Québec, et tandis que se préparent de grands colloques à l’université de Frederikton, (Nouveau Brunswick, Canada) et à l’UCLA (Los Angeles, Californie) on finissait pas se dire que le petit monde intellectuel français se refuserait jusqu’au bout à en débattre. Aussi saluons l’initiative de l’Ecole Normale Supérieure, deux ans après la parution du « Manifeste ».
Présentation.

 

« Derrière la controverse que suscite la notion même de francophonie, à travers des prises de position comme celle du manifeste Pour une littérature monde en langue française, se cache une complexité que la Semaine thématique de l’ENS a pour but de mettre à jour.
En effet, la francophonie désigne une réalité bien plus large que celle de l’espace littéraire : elle relie, presque malgré elles, des réalités linguistiques, culturelles, sociales, historiques, géopolitiques, économiques, institutionnelles qu’on ne peut négliger, et pour lesquelles il est malaisé d’utiliser la formule « en langue française », ou « d’expression française ».
L’ambition de la Semaine de la francophonie est donc d’explorer la richesse et la diversité du phénomène francophone dans son ensemble en partant de la définition suivante : un francophone est quelqu’un capable de s’exprimer en français et pour qui cela compte.

Selon cette définition, qui entend rompre avec l’usage communément admis, un Français est (le plus souvent) un francophone. Proust est un écrivain francophone. L’objectif de cette Semaine est donc clair : contribuer à modifier les représentations françaises sur la francophonie. Ce n’est que par un décentrement, par un abandon de ce sentiment d’extériorité teinté de condescendance trop largement partagé, en bref par la création d’une forme de sentiment d’appartenance à la francophonie chez ceux qui en sont encore l’une des principales composantes, que nous donnerons une chance à la francophonie de rester une forme d’expression de la diversité humaine.
Faire découvrir la richesse de la francophonie, et contribuer à la prise de conscience que nous, Français, en sommes partie. »

Parmi les écrivains invités :
Salim Bachi, Pierre Bergougnioux, Kossi Effoui, Dany Laferrière, Michel Le Bris, Anna Moi, Freddy Ndong Mbemg.

Michel Le Bris participera le 18 mars à une table-ronde : "Etre francophone : fardeau postcolonial ou revendication identitaire ?" animée par Catherine Pont-Humbert, journaliste à France-Culture :
« Le qualificatif "francophone" est connoté positivement ou négativement suivant les situations. La définition actuelle "d’écrivain francophone" suscite de nombreuses controverses, car elle ne s’applique qu’aux seuls écrivains francophones non-français, voire à des écrivains français beurs ou antillais. Dans quelle mesure peut-on ainsi parler de représentation postcoloniale de la littérature francophone en France ? Comment les littératures francophones non françaises, en situation de minoration, recherchent-elles leur légitimation ? Y a-t-il à l’inverse un cachet « francophone » dans l’économie actuelle de l’édition ?
Dans d’autres contextes, le terme de "francophone" peut être au contraire une revendication identitaire. En quoi consiste cette identité ? Est-elle défensive contre l’influence de l’anglais, ou affirme-t-elle des valeurs identifiables ? »

Avec : Luc Pinhas, spécialiste de l’édition dans le monde francophone ; Zineb Ben Ali, professeur spécialiste de littératures maghrébines à Paris 8 ; Florin Turcanu, politologue roumain, et Kossi Effoui (sous réserve)

Tout le programme et les contacts, sur le site de l’ENS.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Essais

Pour l’amour des livres

Grasset - 2019

« Nous naissons, nous grandissons, le plus souvent sans même en prendre la mesure, dans le bruissement des milliers de récits, de romans, de poèmes, qui nous ont précédés. Sans eux, sans leur musique en nous pour nous guider, nous resterions tels des enfants perdus dans les forêts obscures. N’étaient-ils pas déjà là qui nous attendaient, jalons laissés par d’autres en chemin, dessinant peu à peu un visage à l’inconnu du monde, jusqu’à le rendre habitable  ? Ils nous sont, si l’on y réfléchit, notre première et notre véritable demeure. Notre miroir, aussi. Car dans le foisonnement de ces histoires, il en est une, à nous seuls destinée, de cela, nous serions prêt à en jurer dans l’instant où nous nous y sommes reconnus – et c’était comme si, par privilège, s’ouvrait alors la porte des merveilles.

Pour moi, ce fut la Guerre du feu, « roman des âges farouches  » aujourd’hui quelque peu oublié. En récompense de mon examen réussi d’entrée en sixième ma mère m’avait promis un livre. Que nous étions allés choisir solennellement à Morlaix. Pourquoi celui-là  ? La couverture en était plutôt laide, qui montrait un homme aux traits simiesques fuyant, une torche à la main. Mais dès la première page tournée… Je fus comme foudroyé. Un monde s’ouvrait devant moi…

Mon enfance fut pauvre et solitaire entre deux hameaux du Finistère, même si ma mère sut faire de notre maison sans eau ni électricité un paradis, à force de tendresse et de travail. J’y ai découvert la puissance de libération des livres, par la grâce d’une rencontre miraculeuse avec un instituteur, engagé, sensible, qui m’ouvrit sans retenue sa bibliothèque.

J’ai voulu ce livre comme un acte de remerciement. Pour dire simplement ce que je dois au livre. Ce que, tous, nous devons au livre. Plus nécessaire que jamais, face au brouhaha du monde, au temps chaque jour un peu plus refusé, à l’oubli de soi, et des autres. Pour le plus précieux des messages, dans le temps silencieux de la lecture  : qu’il est en chacun de nous un royaume, une dimension d’éternité, qui nous fait humains et libres. »