Olivier Barrot se souvient d’Haïti
 

15 janvier 2010.
 

Je me souviens de l’île aux deux pays, chacun sa langue, chacun son histoire, l’une et l’autre disjointes. Je me souviens de ma première visite dans la nation occidentale, portée par une raison artistique. Malgré la tradition picturale, musicale, littéraire d’Haïti, il s’agissait de cinéma : Francis Girod tournait à Cap-Haïtien une adaptation d’un roman de Goodis, "Descente aux enfers". Je me souviens de l’accueil offert à l’équipe et aux interprètes - Claude Brasseur, Sophie Marceau, Marie Dubois - par la population, si effusif, si simple, si joyeux que plusieurs techniciens pensèrent acquérir une maison sur place. Peut-être l’ont ils fait. Je me souviens que ceci se passait pendant la Coupe du monde de football 1986, et qu’à l’hôtel de Port-aux-Princes, nous avions regardé la match France-Brésil en compagnie du personnel de l’établissement, encore plus excité que nous : la France avait gagné. Je me souviens de l’invraisemblable amoncellement de couleurs et de sonorités qui nous assaillait dans les rues de la capitale, au contraire de la blancheur parfaite, du silence compassé régnant à l’hôtel Olofsson, où j’avais conversé longuement avec l’esthète Aubelin Jolicoeur. Je me souviens qu’Haïti vivait alors l’époque du "déchoucage", des sanglants réglements de compte propres propres aux fins de règne, celui de "Jean-Claude", Duvalier junior et de son épouse Michèle, aux parures somptueuses. Je me souviens que nous étions saisis du contraste immédiatement appréhendable entre la misère du peuple et son inspiration créative, entre sa foi mystique et son goût du débordement. Je me souviens que tous nous nous disions qu’Haïti est un pays où l’on revient. J’allais y retourner, j’y retournerai.


Olivier Barrot