Éditions Sabine Wespieser, 20 ans !

Avec Louis-Philippe DALEMBERT, Tiffany TAVERNIER, Conor O’CALLAGHAN et Sabine WESPIESER

28 juin 2022.
 

Avec Louis-Philippe DALEMBERT, Tiffany TAVERNIER et Conor O’CALLAGHAN et Sabine WESPIESER


Les Cafés littéraires : Festival Saint-Malo Étonnants Voyageurs 2022
Du 4 au 6 juin 2022, toute l’actualité littéraire des derniers mois.
En compagnie de Maette Chantrel et de Pascal Jourdana.


Au cœur du festival, le café littéraire s’installe chaque année la magnifique salle du Grand large, au premier étage, grande ouverte sur la mer. Toute la magie qui fait de ce lieu le poumon du festival, pour notre plus grand plaisir !

Comme toujours, dans une atmosphère conviviale, retrouvez toute la richesse de cette littérature-monde que nous aimons. Romanciers, poètes, essayistes et grands témoins évoquent leur dernier livre, leur vision du monde : les auteurs français qui ont fait l’actualité littéraire ces derniers mois et les nouvelles voix venues du monde entier, d’Ukraine, d’Afghanistan, des États-Unis, du Brésil, de Cuba, d’Écosse, de Tunisie, du Sénégal, de Pologne…

Une captation vidéo par TVR35, à retrouver sur notre site.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Milwaukee Blues

Sabine Wespieser - 2021

Depuis qu’il a composé le nine one one, le gérant pakistanais de la supérette de Franklin Heights, un quartier au nord de Milwaukee, ne dort plus : ses cauchemars sont habités de visages noirs hurlant « Je ne peux plus respirer ». Jamais il n’aurait dû appeler le numéro d’urgence pour un billet de banque suspect. Mais il est trop tard, et les médias du monde entier ne cessent de lui rappeler la mort effroyable de son client de passage, étouffé par le genou d’un policier.

Le meurtre de George Floyd en mai 2020 a inspiré à Louis-Philippe Dalembert l’écriture de cet ample et bouleversant roman. Mais c’est la vie de son héros, une figure imaginaire prénommée Emmett – comme Emmett Till, un adolescent assassiné par des racistes du Sud en 1955 –, qu’il va mettre en scène, la vie d’un gamin des ghettos noirs que son talent pour le football américain promettait à un riche avenir.

La force de ce livre, c’est de brosser de façon poignante et tendre le portrait d’un homme ordinaire que sa mort terrifiante a sorti du lot. Avec la verve et l’humour qui lui sont coutumiers, l’écrivain nous le rend aimable et familier, tout en affirmant, par la voix de Ma Robinson, l’ex-gardienne de prison devenue pasteure, sa foi dans une humanité meilleure.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

En vérité, Alice

Sabine Wespieser Éditeur - 2024

Aux urgences, Alice se reproche de s’être abîmé le bras en tombant dans la cuisine. Elle aurait dû reculer vers le tapis du salon… Et, quand la médecin lui demande devant qui, devant quoi elle a battu en retraite, la jeune femme esquive. Le diagnostic la désespère : trois semaines avec une atèle, alors qu’ils déménagent à Paris. Et son homme qui ne dort plus, il a tant de problèmes, ils s’aiment si fort. Personne ne la comprend, ni cette praticienne suspicieuse, ni ses amis, ni sa mère, convaincue qu’il finira par la tuer.
Comme souvent dans les romans excellents, tout est dit dès la première scène : reste à savoir si, et comment, Alice parviendra à fuir cette emprise. Mené tambour battant, ponctué de trouées de lumière, même dans les scènes les plus sombres, ce livre nous conduit sur des chemins absolument inattendus : sommée par le monstre avec qui elle vit de trouver du travail, Alice, qui a interrompu ses études de droit quand elle l’a rencontré́ cinq ans auparavant, n’a guère de possibilités. Vendeuse ou serveuse, c’est hors de question pour celui qui la veut toute à lui. La chance lui sourit dans l’église du quartier où, totalement athée pourtant, elle se réfugie lors de ses rares moments de répit. Elle y avise une mystérieuse petite annonce : « L’association diocésaine de Paris recrute un(e) assistant(e) pour le Promotorat des causes des saints. »
À sa grande surprise, l’évêque responsable la recrute à l’issue d’un bref entretien, trop heureux d’avoir enfin trouvé quelqu’un d’apparemment censé – plutôt que les illuminés qui briguaient le poste – pour remettre de l’ordre dans les dossiers délaissés par son prédécesseur. La voilà embarquée, et nous avec elle, dans un univers dont elle ignore tout : il s’agit, comprend-t-elle, d’instruire des candidatures à la canonisation, première étape d’une interminable procédure qui bien sûr doit s’achever à Rome, si elle n’est pas interrompue avant, tant les conditions suspensives sont nombreuses et complexes.
Tout semble jouer en défaveur d’Alice : elle souffre d’une timidité maladive depuis son arrivée à Paris, à l’âge de dix ans, vécue comme l’enfouissement sous une chape de plomb après une enfance radieuse au Guatemala ; son compagnon, excédé de ne plus l’avoir à son entière disposition, lui fait subir un harcèlement constant ; et elle a évidemment bien du mal à comprendre ce que l’on attend d’elle.
Malgré tout, aidée par des prélats et des collègues d’une bienveillance sans limites, elle parvient à se familiariser avec les documents dont elle a la charge, découvrant à leur lecture les destinées extraordinaires de ces « Serviteurs de Dieu », « Vénérables » ou « Bienheureux » qu’il s’agit d’évaluer et dont Tiffany Tavernier ponctue son récit, illuminant dans le même mouvement son texte et le quotidien de sa protagoniste.
À la faveur d’extraordinaires rebondissements, la puissante romancière invite le monde extérieur dans la bulle de déni où s’est réfugiée Alice, l’autorisant à se frayer un chemin vers sa propre vérité. Ce n’est pas là la moindre surprise du formidable portrait de femme qu’elle nous offre, fidèle à sa compassion pour les âmes tourmentées dont elle sait voir la clarté.


 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Personne ne nous verra

Sabine Wespieser - 2022

Au sujet de Rien d’autre sur terre (2018), le premier roman de Conor O’Callaghan, Barbara Cassin écrivait dans Le Monde des Livres : « On lit d’une traite à la fois un polar et un poème, en une langue étrange et familière que personne ne pratique vraiment. »

Il en va de même pour ce nouveau livre, aussi puissant que mystérieux : le cœur brisé par une histoire d’amour malheureuse, le narrateur, Paddy, a accepté au pied levé de convoyer un gros camion vers le Sud de la France. Le premier chapitre s’ouvre dans la cale du ferry, au moment où s’abat la porte de déchargement. L’homme est intranquille… Est-ce parce qu’il a embarqué une passagère clandestine ? La jeune femme, la vingtaine, l’aspect rebelle et négligé, est sa fille.

Pendant la semaine que durera leur voyage, ces deux-là vont tenter de reprendre un dialogue apparemment suspendu. À la faveur du huis clos de la cabine, ils évoquent les années écoulées, dans une conversation hachée, souvent interrompue : l’enfance heureuse de Kitty aux États-Unis à l’époque où ses parents vivaient encore ensemble, la période pendant laquelle Paddy s’est retrouvé solitaire dans le Nord de l’Angleterre, mais aussi « la chose, sa chose, dont nous ne parlons jamais », épisode douloureux survenu dans la vie de la jeune fille et qui se révélera être le nœud de l’intrigue.

Le monde extérieur s’invite pourtant dans cette traversée qui commence dans la jungle de Calais, notamment lors des haltes inévitables au fil de leur descente vers le Sud : Paddy, autant que faire se peut, tente d’éviter les grandes tablées autour desquelles se retrouvent le soir les autres routiers, et notamment Carl, le chef d’équipe à qui il doit rendre des comptes. Kitty, elle, reste à l’abri et, lors de ces étapes, se glisse furtivement hors du camion, étrangement vêtue – on est en plein mois d’août 2015 – du manteau de vison de sa grand-mère. L’ombre de cette femme, une Irlandaise lectrice de Proust qui a appris le français en Camargue, s’invite souvent avec eux, et notamment quand son fils, le narrateur, apprend par un texto de son frère que leur maison d’enfance est à vendre.

Dans ce livre hypnotisant, la dérive de ces deux personnages hantés, perdus entre passé et présent, est ponctuée par d’incessants messages apparaissant sur l’écran du téléphone de Paddy : ceux de son frère, mais aussi ceux d’un interlocuteur impliqué dans la violente rupture amoureuse qu’il vient de vivre, comme des rappels de la réalité.

Poète, Conor O’Callaghan use en effet d’une langue bien à lui pour nous entraîner, en un magnifique lamento, dans les abîmes d’un chagrin qui ne dit pas son nom.

traduit de l’anglais (Irlande) par Mona de Pracontal