Sam. 15h, Nouveau Monde 1

Le sens de la marche

3 juin 2022.
 

« Quand on marche face à la ligne étincelante du désert arabique, on ressent bien qu’il n’y a rien d’autre à contempler que le cœur de soi-même, […] que tout ce qui vous entoure, […] vous rejette d’emblée à vous-même et qu’ici, plus que jamais le désert est miroir du visage intérieur. » (Jacques Lacarrière, Sourates). Dans Vaincre à Rome, Sylvain Coher a voulu « écrire en fonction du corps, pour éprouver par procuration la force intérieure qui accompagne le héros jusqu’à la victoire. Lire comme on court est le pari de ce livre. » En 2010, Olivier Bleys entame un tour du monde à pied, par étapes : son but, marcher un mois par an, sans jamais dévier de son cap (L’art de la marche). Les ombres filantes de Christian Guay-Poliquin est vraiment né en 2014 pendant une expérience de randonnée avec un ami sur le Sentier des Appalaches dans la Haute-Gaspésie. Il en va de même pour Zied Bakir. Alors qu’il vit clandestinement en France, il entreprend une marche vers Compostelle… Commence alors à germer l’idée d’un pélerinage similaire entre la Tunisie et la Mecque, en passant par la Lybie en guerre. Le voyage prendra fin dans les geôles lybiennes.

 

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Romans

Les ombres filantes

La Peuplade - 2021

Dans la forêt, un homme seul marche en direction du camp de chasse où sa famille s’est réfugiée pour fuir les bouleversements provoqués par une panne électrique généralisée. Il se sait menacé et s’enfonce dans les montagnes en suivant les sentiers et les ruisseaux. Un jour qu’il s’est égaré, un mystérieux garçon l’interpelle. Il a une douzaine d’années, semble n’avoir peur de rien et se joint à l’homme comme s’il l’avait toujours connu. L’insolite duo devra affronter l’hostilité des contrées sauvages et déjouer les manigances des groupes offensifs qui peuplent désormais les bois.

Après le succès international du Poids de la neige, traduit dans plus de quinze langues, Christian Guay-Poliquin revient avec un roman juste et astucieux. Incitant à l’aventure, Les ombres filantes questionnent le sens de la communauté et revisitent les classiques de la survie en nature.

 

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Romans

Antarctique

Gallimard - 2022

L’action commence en janvier 1961, dans la station polaire soviétique de Daleko, située à ce point précis de l’Antarctique que les géographes nomment pôle d’inaccessibilité. Cinq hommes y vivent, chargés par le Parti d’affirmer la présence russe dans cette région pourtant inhabitable. Le roman s’ouvre sur un drame : Vadim vient d’asséner un coup de hache mortel sur le crâne de Nikolaï, l’accusant d’avoir triché lors de leur partie d’échecs. A son réveil, le chef, Anton, découvre le corps ensanglanté de Nikolaï. Il décide d’écrire un rapport sur les faits et de placer Vadim en détention dans le cellier (où sont entreposées les vivres, le bois de chauffage et l’alcool, livrés par avion de façon aléatoire : on n’a plus de nouvelles du monde civilisé depuis des semaines). Dans le cellier la température culmine à moins quinze degrés. Commence alors une période angoissante à la fois pour Vadim, qui dans son cagibi glacial lutte pour sa survie, et pour les trois autres équipiers qui sont à peu près au chaud mais vivent très mal la présence de ce fantôme de plus en plus agressif à leurs côtés. La station semble avoir été oubliée, et l’angoisse monte parmi les hommes. Seul Vadim, le mécanicien de l’équipe, serait capable de remettre en marche l’autochenille ensevelie sous la glace pour aller chercher du secours à Vostok, à mille kilomètres de là…Ce huis clos implacablement réglé se transforme en un roman d’aventures qui fait entrer le lecteur dans les absurdités du système soviétique. Original, haletant, il est imprégné d’un humour noir qui fait merveille.

 

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Romans

L’amour des choses invisibles

Grasset - 2021

Un jeune Tunisien francophile et sans-papiers mène une vie de bohème à Paris. À la suite d’une déception amoureuse, notre rêveur décide de revenir dans son pays d’origine, en profitant du dispositif du « retour volontaire », qui encourage les immigrants illégaux à rentrer chez eux.

S’il le fait, c’est pour marcher jusqu’à La Mecque  : il a l’idée chimérique d’inaugurer un chemin de pèlerinage pédestre vers la première ville sainte de l’islam. Seulement, il lui faut pour cela traverser la Libye en pleine guerre civile. Qu’à cela ne tienne  ! La mission du marcheur est sacrée. Il lui arrivera bien des ennuis, qu’il tentera de compenser par une philosophie de la vie faite d’amour, de littérature, d’un fatalisme qui n’empêche pas la combativité, et d’un humour à toute épreuve.

Ce roman aux airs de fable est un hymne à la liberté, celle de penser et d’aller et venir, où l’humour scintille à chaque page.

 

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Romans

Vaincre à Rome

Actes Sud - 2019 - 2019

Samedi 10 septembre 1960, avant-dernier jour des Jeux olympiques de Rome : le marathon va se courir non dans un stade mais au sein même de la Ville éternelle. Soixante-neuf concurrents pour un seul vainqueur. Et c’est dans la tête de celui qui montera sur la plus haute marche du podium que le lecteur est embarqué pour un voyage de 2 heures, 15 minutes, 16 centièmes. Non content de battre le record du monde en terre italienne plus de vingt ans après la prise d’Addis Abeba par Mussolini, le soldat éthiopien Abebe Bikila va courir les 42 kilomètres et 195 mètres pieds nus. “Vaincre à Rome, ce serait comme vaincre mille fois” a dit Hailé Sélassié. Vaincre pieds nus, ce sera comme vaincre en jouant dans la poussière de Debre Zeit. En pleine période de décolonisation et de démembrement des empires européens, un berger africain remporte l’or et couronne tout un continent.
Sylvain Coher, qui s’était déjà imposé par ses précédents romans comme l’écrivain du mouvement, des sensations, nous convie à une expérience extraordinaire : insu er à la langue et aux mots le rythme, la mécanique, les accélérations d’une course de fond, jusqu’au bien-être des endorphines, jusqu’à l’envol nal du sprint. Abebe Bikila est ce sportif omniscient qui sait le destin et qui court comme une pythie, sûr de sa victoire, prescient de la nuit célébrée qu’il va vivre dans quelques heures ; il n’y a pas de suspense et pourtant une tension s’installe, celle des muscles, de la crampe qui pourrait guetter malgré la certitude de ce qui va advenir.
Seul un tour de force littéraire à la musicalité inédite, aux digressions étincelantes, pouvait rendre compte d’un tel exploit sportif. Devenu Petite Voix dans la tête du champion, l’auteur se coule dans le rythme variable de sa foulée infatigable pour raconter comment grandissent les héros, comment se relèvent les peuples, comment se gagnent les revanches et comment naissent les légendes.


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