Qui sommes-nous ?

30 avril 2022.
 

Avec un mélange d’appréhension et de curiosité, Lise marcha vers cette troublante épave.
Enjambant des araucarias de pierre déracinée, elle s’approcha de la silhouette. Qui sait ce que la nature lui réservait. Archéologue passionnée, elle n’avait jamais eu un cas comparable à celui-ci, malgré ses 10 ans de carrière. Après quelques dizaines de pas supplémentaires, elle arriva enfin près de l’étrange silhouette. Ce qu’elle vit alors lui coupa le souffle. Ce n’était pas un tas de goémon, encore moins un quelconque arbre pétrifié, c’était une gigantesque statue !

Recouverte d’algues et de sable, certes, mais elle en était sûre, c’était une sculpture. Représentant sans doute une femme australopithèque, elle devait dater de plus de 4 millions d’années ! Cela remettait en question tout ce que paléontologues et archéologues avaient jusque-là découvert !
À bout de souffle, Lise s’assit sur une souche ancienne. À ses pieds, un biface rudimentaire semblait la narguer. À présent, toute son excitation avait disparu. Elle prenait pleine mesure de sa découverte et de ce qu’elle impliquait. Autour de la jeune femme, les éléments se déchaînèrent. Malgré tout, elle ne put se décider à mettre les voiles. A la place, elle contacta son supérieur hiérarchique.

Benoît était tranquillement en train de parcourir un excellent ouvrage sur l’impact de la pollution lumineuse quand son téléphone se manifesta. Un coup d’œil sur l’écran lui appris qu’une de ses collègues, Lise, lui avait envoyé des documents. Fortement mécontent, il constata qu’elle lui envoyait également des clichés. Au fur et à mesure qu’il visualisait les photographies, son visage se transforma. De maussade, il devint fort intéressé. Quand le déroulement des photos cessa, il appela immédiatement sa collègue. Impatient, les trois secondes qu’elle mit pour lui répondre lui parurent interminable .Il transmit ses ordres, raccrocha et appela de suite une autre personne.

De son côté, Lise était soulagée, quelqu’un d’autre transmettrait la nouvelle au monde entier. Ce ne serait pas sur elle que les foudres des scientifiques dubitatifs s’abattraient. Il ne lui restait plus qu’à attendre l’équipe chargée de mettre le littoral sous barricade. Elle admira le reste de la forêt qui s’étendait à ses pieds. En déambulant parmi les souches et les troncs, Lise aperçut des dizaines d’espèces qu’elle ne connaissait pas. Toutes ces plantes savaient sûrement ce que la présence de la statue signifiait et connaissaient sans doute son origine. Elles avait probablement vu l’être vivant qui l’avait façonnée. Elle se prit à espérer communiquer avec eux. Puis secouant la tête, Lise se força à rester pragmatique. Elles étaient mortes et pétrifiées depuis des millions d’années, et personne ne savaient si elles étaient même capables de percevoir ce qu’il se produisait autour elles. Néanmoins…
Le son d’un moteur la sortie de ses pensées. L’équipe de sécurité venait d’arriver. Pendant qu’un groupe éparpillait les indiscrets agglomérés devant le littoral, malgré le temps apocalyptique, un autre prélevait la statue avec précaution. Après quelques dernières recommandations, Lise retourna dans sa voiture avec soulagement. Elle était transie de froid. Une fois chez elle, elle suspendit sa veste, pris une longue douche chaude et se pelotonna dans un vieux fauteuil avec un édredon et un roman policier. Elle devait s’être endormie car la douce sonnerie de son téléphone la réveilla. C’était Benoît qui la priait de venir de toute urgence au centre de recherche archéologique.
Une fois parvenu, Benoît lui expliqua avec fébrilité que son invention avait été rapporté aux personnes les plus hautes placées de la communauté scientifique et qu’elles avaient décidé, d’un commun accord de ne pas la divulguer au grand publique. Elle était donc priée de rien ébruiter. La raison était simple, il se trouvait que la statue datait non pas de 4 millions d’années, mais de 6 milliard d’années ! Ce qui était théoriquement impossible, la Terre ayant été, en principe, créée il y a moins de 5 milliard d’années ! Abasourdie, Lise n’en croyait pas ses oreilles. Tout ce qu’elle avait cru apprendre depuis sa prime enfance était donc faux ? Non, ce n’était pas possible, les chercheurs avaient dû se tromper, oui, c’est cela, les calculs étaient faux. Ils devaient être faux.

Quand elle le fit remarquer à Benoît, celui-ci secoua la tête négativement d’un air désolé. Les scientifiques l’avaient daté de diverses façons et ils étaient toujours parvenus aux mêmes résultats, à quelques centaines de milliers d’années près.

Quand la Terre est-elle apparue ? Quand les ancêtres de l’homme sont-ils apparus ? Comment des êtres que l’on imaginait jusque-là rudimentaire pouvaient-ils sculpter une statue si précise et réaliste ? Les australopithèques avaient-ils connus les Dracohors ? Les dinosaures ?

La tête foisonnante de dizaines de questions, Lise entra dans la salle où la statue était conservée. La jeune femme se surpris à admirer la statue. Elle qui ne connaissait rien à l’art trouvait qu’elle était plus émerveillée et émue devant cette représentation d’australopithèque que devant La Joconde ou La Naissance de Vénus. Elle la contempla sous tous les angles.

Alors qu’elle allait abandonner ses recherches d’indices, elle découvrit une étrange et minuscule gravure sur la plante gauche du pied de son ancêtre. Armée d’une loupe, ce qu’elle vit la bouleversa. Car ces simples marques démontraient l’impossible :

Subject n°1 of experiment 3526. Implantation of the female subject on Earth on January 25, 3055.

Sujeto n°1 del experimento 3526. Implantación del sujeto femenino en la Tierra el 25 de enero de 3055.

Sujet n°1 de l’expérience 3526. Implantation du sujet féminin sur Terre le 25 janvier 3055.