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Le français, un monde en relation

Avec Leïla SLIMANI, Anna MOÏ, BESSORA, Grégoire POLET

21 septembre 2021.
 

« Francophonie », un mot exaspe ?rant portant tant d’espoirs, tant de de ?sillusions, de malentendus et d’occasions manque ?es ! Mais aussi, tant d’œuvres qui en manifestent la vitalite ? et font, malgre ? tout ce qui pe ?se, de notre histoire commune, l’espace immense d’un dialogue. Cet « espace-monde » : l’utopie concre ?te d’E ?tonnants Voyageurs. S’inscrivant dans le prolongement de la pensée d’Édouard Glissant et sa « Poétique de la relation », Felwine Sarr cherche ce qui nous relie en tant qu’être vivant, tant à notre terre, qu’à nous-même en tant qu’être vivant. « Habiter le monde, c’est se concevoir comme appartenant à un espace plus large que son groupe ethnique, sa nation… c’est pleinement habiter les histoires et les richesses des cultures plurielles de l’humanité. » (Habiter le monde, ed. Mémoire d’encrier). Une politique relationnelle qui ouvre le champ des possibles et invite à renouveler les imaginaires de la relation que nous établissons avec nos semblables et le vivant. L’auteur y appelle à une réinvention du politique et du langage afin d’habiter l’infini du monde. Une langue française en partage, une et multiple à la fois, et comme un fil reliant entre eux les imaginaires à travers la planète, le poème et la littérature.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Regardez-nous danser. Le pays des autres, 2.

Gallimard - 2022

« Année après année, Mathilde revint à la charge. Chaque été, quand soufflait le chergui et que la chaleur, écrasante, lui portait sur les nerfs, elle lançait cette idée de piscine qui révulsait son époux. Ils ne faisaient aucun mal, ils avaient bien le droit de profiter de la vie, eux qui avaient sacrifié leurs plus belles années à la guerre puis à l’exploitation de cette ferme. Elle voulait cette piscine, elle la voulait en compensation de ses sacrifices, de sa solitude, de sa jeunesse perdue. »

1968 : à force de ténacité, Amine a fait de son domaine aride une entreprise florissante. Il appartient désormais à une nouvelle bourgeoisie qui prospère, fait la fête et croit en des lendemains heureux. Mais le Maroc indépendant peine à fonder son identité nouvelle, déchiré entre les archaïsmes et les tentations illusoires de la modernité occidentale, entre l’obsession de l’image et les plaies de la honte. C’est dans cette période trouble, entre hédonisme et répression, qu’une nouvelle génération va devoir faire des choix. Regardez-nous danser poursuit et enrichit une fresque familiale vibrante d’émotions, incarnée dans des figures inoubliables.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Douze palais de mémoire

Le roman fait alterner les monologues d’un père, Khanh, et de sa fille de six ans, Tiên, en fuite sur un bateau de pêche. Ils quittent, pour rejoindre les États-Unis, un pays qui n’est jamais nommé, le Vietnam sans doute. Au fil des chapitres, les voix du père et de la fille, mêlant souvenirs et récit de la traversée, reconstituent l’histoire, petite et grande, qui les a menés là. Deux visions et deux modes d’expression se succèdent : ceux de l’adulte, conscient de la gravité des événements qui les chassent de leur pays, et ceux de la fillette, dont la candeur et la drôlerie apportent une note de poésie au drame de leur situation. Khanh, fils d’un astrologue à la cour de l’ancien régime dynastique, a survécu à une révolution de type communiste grâce à ses compétences d’ingénieur : il a été affecté par le nouveau régime à la construction de ses premiers missiles balistiques. Ces compétences lui viennent de la constitution précoce de douze « palais de mémoire », adaptés de la méthode mnémotechnique antique des loci, qui lui ont permis de devenir un matheux accompli. À l’évocation de ses souvenirs, on comprend que la mère de Tiên, femme de Khanh, est morte dans l’explosion d’un des missiles inventés par Khanh alors qu’elle se trouvait dans une léproserie créée par deux bénévoles américains. Khanh craint que la fillette n’ait été contaminée par la maladie et fuit vers l’Amérique pour pouvoir la soigner. L’apprenant, le capitaine du bateau débarque le père et la fille sur l’épave d’un chalutier échouée sur le rivage. Ils survivent en se nourrissant de mouettes et de coquillages. La vague d’un tsunami les sauve en les emportant vers les côtes thaïlandaises.Le ton du roman est poétique et mélancolique, parfois drôle et parfois doux-amer, mais sans pathos. La grâce chatoyante de certaines descriptions de lieux, de mets, de paysages se mêle à la peinture retenue des émotions et à la délicatesse dans l’énoncé des sentiments. La mémoire est au centre du récit, fragments du passé qui remontent et se heurtent aux détails concrets d’une vie quotidienne chaotique et cependant pleine d’amour

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Vous les ancêtres

JC Lattès - 2023

Née en Cornouailles, Jane est accusée de vol et déportée aux Amériques en 1684. Cette boiteuse sert durant 7 ans dans une plantation où elle se lie d’amitié avec Sarah, une esclave. Elle apprend à lire dans la bible durant sa captivité, et découvre un verset qui promet une descendance puissante à une boiteuse affligée. Elle ? Libérée, elle acquiert une ferme et un esclave dont elle devient l’épouse en dépit de la loi. Seront-ils à l’origine du peuple prophétisé dans l’ancien testament ? Deux siècles plus tard, au pays des hommes fiers, un homme, Johann, qui veut être explorateur, aventurier, découvre le secret de ses ancêtres : un secret qui gêne ses rêves de gloire, qui le rattache au clan des boiteux.

Tous les personnages de ce roman doivent se libérer : de chaines, visibles ou invisibles, des enfants qu’ils portent, des parents qui les dévorent, d’un asservissement. Ils traversent des mondes, se perdent, s’interrogent sur leur corps, leur identité, leur puissance secrète. Une narcisse s’attache à leur cœur et ne meurt jamais.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Pax

Gallimard - 2024

"Ça commence avec un bateau, le paquebot George Washington, qui emmène le président Wilson en Europe, et ça finira avec le même bateau ramenant le président Wilson aux États-Unis. Entre les deux, je noue des boucles de temps avec passages réguliers au point de Paris 1919, dans l’espoir par-ci par-là de faire apparaître des dieux le long du chemin." Dans ce voyage littéraire, Grégoire Polet traite la matière historique comme du souvenir personnel, vivant, où tout est intimement lié, tressé, aussi éloignés que les événements ou les personnages puissent paraître. L’écriture circule dans le temps comme le sang dans un corps, descendant dans le dix-huitième siècle, remontant vers aujourd’hui, retournant à 1919... Ainsi chemine-t-on en compagnie de Wilson, qui vient en Europe pour la paix de 1919, mais aussi de Da Ponte, le librettiste de Mozart, qui fait la traversée inverse un siècle plus tôt et s’installe à New York, ou de Goya, de Victor Hugo, de Marcel Proust, qui reçoit le Goncourt justement en 1919 et à qui le narrateur rend une visite importante pour sa compréhension du temps. Ce roman d’une grande virtuosité déborde d’un plaisir d’écriture communicatif. On en sort secoué, avec le sentiment d’avoir vécu une véritable aventure littéraire.