dimanche15:15-16:00

Unes et multiples

Avec : Simone SCHWARZ-BART, Anna MOÏ, Rachel KHAN

20 mai 2021.
 

Longues et difficiles sont les voies d’une construction de soi, quand tout, poids de sa communauté, codes et usages, paraît penser pour vous. Et s’en arracher ne va pas de soi. Comment vivre dans une culture, parfois une langue, qui n’est pas celles de notre pays d’origine. Comment articuler les différentes strates qui composent notre identité ?

Il nous faut inventer notre propre récit pour nous construire. Ou l’on voit bien que la littérature, la création artistique jouent un rôle essentiel. Le roman n’est-il pas cela : l’articulation en une forme mouvante « faisant monde » de personnages, de strates différentes ?

Trois destins de femmes qui chacune à leur manière ont su combiner avec leurs identités multiples. Enfant de la guerre, Anna Moï est née juste après l’indépendance du Vietnam. Elle a voyagé à travers le monde avant de retourner à Saïgon, la ville de son enfance où elle se met à écrire. La guerre, l’exil, la question de la mémoire sont au centre de son oeuvre. À la fois européenne et africaine, blanche et noire, juive aux origines chrétienne et musulmane, Rachel Khan se définit, citant Roman Gary, comme une « additionnée. Dans un premier essai coup de poing elle se définit comme « racée », elle condamne « les mots qui séparent », questionne l’entre-soi et les revendications identitaires radicales, perçues comme autant de cloisons qui étriquent la pensée critique et nuisent à l’universalisme. Grande figure de la littérature caribéenne, Simone Schwarz-Bart ne peut être dissociée de son mari, André. Nous n’avons pas vu passer les jours témoigne de l’union unique entre les consciences de ces deux êtres singuliers : un « juif solitaire » et une « métisse fière ».

► Chaîne 3, dimanche 15h15

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Douze palais de mémoire

Le roman fait alterner les monologues d’un père, Khanh, et de sa fille de six ans, Tiên, en fuite sur un bateau de pêche. Ils quittent, pour rejoindre les États-Unis, un pays qui n’est jamais nommé, le Vietnam sans doute. Au fil des chapitres, les voix du père et de la fille, mêlant souvenirs et récit de la traversée, reconstituent l’histoire, petite et grande, qui les a menés là. Deux visions et deux modes d’expression se succèdent : ceux de l’adulte, conscient de la gravité des événements qui les chassent de leur pays, et ceux de la fillette, dont la candeur et la drôlerie apportent une note de poésie au drame de leur situation. Khanh, fils d’un astrologue à la cour de l’ancien régime dynastique, a survécu à une révolution de type communiste grâce à ses compétences d’ingénieur : il a été affecté par le nouveau régime à la construction de ses premiers missiles balistiques. Ces compétences lui viennent de la constitution précoce de douze « palais de mémoire », adaptés de la méthode mnémotechnique antique des loci, qui lui ont permis de devenir un matheux accompli. À l’évocation de ses souvenirs, on comprend que la mère de Tiên, femme de Khanh, est morte dans l’explosion d’un des missiles inventés par Khanh alors qu’elle se trouvait dans une léproserie créée par deux bénévoles américains. Khanh craint que la fillette n’ait été contaminée par la maladie et fuit vers l’Amérique pour pouvoir la soigner. L’apprenant, le capitaine du bateau débarque le père et la fille sur l’épave d’un chalutier échouée sur le rivage. Ils survivent en se nourrissant de mouettes et de coquillages. La vague d’un tsunami les sauve en les emportant vers les côtes thaïlandaises.Le ton du roman est poétique et mélancolique, parfois drôle et parfois doux-amer, mais sans pathos. La grâce chatoyante de certaines descriptions de lieux, de mets, de paysages se mêle à la peinture retenue des émotions et à la délicatesse dans l’énoncé des sentiments. La mémoire est au centre du récit, fragments du passé qui remontent et se heurtent aux détails concrets d’une vie quotidienne chaotique et cependant pleine d’amour

 

DERNIER OUVRAGE

 
Essais

Racée

Editions de l’Observatoire - 2021

« On est tous des additionnés », affirmait Romain Gary dans Pseudo. Rachel Khan ne le sait que trop bien. Noire, gambienne, d’origine musulmane et catholique par son père, blanche, juive et française par sa mère, elle est fière de se dire « racée ». Mais comment vivre cet excès de « races » à l’heure des replis identitaires où seule la radicalité importe ? Comment se positionner avec ce « pedigree » alors que l’injonction est de choisir un camp ?

À travers une série de mots, notions et expressions « politiquement correctes », Rachel Khan pose un regard tant critique que malicieux sur notre époque idéologisée qui interdit toutes formes de nuances. Elle condamne les « mots qui séparent » ‒ souchien, racisé, afro-descendant, intersectionnalité, minorité… : présentés comme des outils indispensables pour combattre le racisme, ils enfoncent en fait le couteau dans les plaies qu’ils prétendent cicatriser. Puis les « mots qui ne vont nulle part » : vivre-ensemble, diversité, mixité et non-mixité, etc., qui appauvrissent le langage et, dans une « bienveillance inclusive », alimentent la haine et les silences. Mais elle défend avec force les « mots qui réparent » ‒ intimité, création, désir ‒ qui, eux, rétablissent le dialogue, favorisent la pensée non unique et unissent notre société, gangrénée par les crispations identitaires et les oppositions stériles entre les genres.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Récit

Hommage à la femme noire II - Héroïnes du XXe siècle

Caraïbéditions - 2021

Simone et André Schwarz-Bart ont publié, il y a plus de trente ans, une encyclopédie en six volumes intitulée HOMMAGE A LA FEMME NOIRE mettant à l’honneur les femmes noires les plus célèbres à travers les siècles et les continents qui ont lutté pour leur liberté et leur indépendance.

Ce sont les textes originaux de ces six ouvrages initialement parus en grands formats, illustrés de centaines de tableaux et peintures d’époque et disparus de chez les libraires depuis des décennies, que Simone Schwarz-Bart et Caraïbéditions ont souhaité republier.

Pour permettre au plus grand nombre d’avoir accès à ces textes écrits à quatre mains et permettre aux lecteurs de se recentrer sur l’essentiel, à savoir la description précise, originale et détaillée de l’histoire de ces héroïnes, il a été décidé de ne pas reproduire l’aspect "encyclopédie" des ouvrages avec leurs illustrations, annexes et citations d’auteurs, et de les publier dans un nouveau format plus petit, souple et sobre.