samedi 17:15-18:00

D’ombre et de lumière

Avec : Néhémy PIERRE-DAHOMEY, Odéric DELACHENAL, Judith PERRIGNON

20 mai 2021.
 

Le père Teilhard de Chardin, paléontologue, philosophe, théo- logien a vécu la guerre de 14 dans les tranchés. Le chaos de la guerre fut une pour lui une révélation, il y éprouve le surgissement d’une puissance au cœur du monde, au cœur de soi. C’est aussi toute la puissance créatrice de la ville de Port- au-Prince qui irrigue le récit de Odéric Delachenal, Fissuré (Anne-Marie Métailié, 2021). De 2008 à 2010. Odéric travaille comme éducateur pour une délégation catholique. Quand sur- vient le tremblement de terre de 2010, la ville s’effondre avec lui. Alors, sans relâche, il erre dans des décombres de fin du monde, à la recherche des enfants qu’il est « censé » protéger. C’est une énergie de vie bouillonnante au cœur des ruines de Detroit que nous transmet Judith Perrignon dans son roman Là où nous dansions (Rivage). Le combat de l’ombre et de la lumière irrigue aussi le roman de Néhémy Pierre-Dahomey, Combat (Seuil, 2020), un conte rural et politique, où les destins particuliers côtoient la grande histoire des luttes sociales et égalitaires d’un pays et de ses habitants.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Témoignage

Fissuré

Métailié, 2021 - 2021

Odéric Delachenal a vécu en Haïti de 2008 à 2010. Il travaille pour la délégation catholique pour la coopération. Le 12 janvier 2010, à 16:53:10, il vit le grand séisme de Port-au-Prince. Cet après-midi-là, la capitale s’effondre avec lui. Alors, sans relâche, le jeune éducateur erre dans des décombres de fin du monde. Protéger, rassembler les enfants épars pour les mettre à l’abri. Courir la ville écrasée, en quête des siens. Soigner, secourir, fouiller les gravats, tirer des bâches sur les parkings-dortoirs. Il arpente la ville exsangue, à la recherche de ses amis, des enfants qu’il est « censé » protéger.

Comment se détacher du pire quand, atteint au cœur, on est désem- paré ? Comment continuer lorsqu’on rentre en France, « ce pays en paix », et qu’on s’immerge dans l’absurdité d’un travail social où on doit « trier » les enfants migrants auprès de la Protection de l’en- fance ? L’auteur examine ici, avec une sincérité déchirante, les con- tradictions et les cicatrices de ceux qui rêvent d’aider, de changer le monde, et qui se rendent compte qu’ils sont à peine des minuscules pansements, hantés par la brutalité de leur insignifiance, de ce qu’ils ont vu et de ce qu’ils côtoient au quotidien. Comment refuser à ceux qui se noient quand ce sont les villes entières qui s’abîment… ?

Dix ans après son expérience à Haïti, l’auteur lit Dany Laferrière et comprend qu’il y a des gens comme des maisons « qui sont profondé- ment fissurés à l’intérieur et qui ne le savent pas encore… [ceux-ci] sont les plus inquiétants, le corps va continuer un moment, avant de tomber en morceaux un beau jour. Brutalement. Sans un cri ».

Odéric Delachenal décide donc de témoigner, de mettre son cata- clysme en mots avec une force narrative magistrale, de montrer l’en- vers du décor du costume du bon Samaritain, au nom des vivants comme des morts, au nom de ses amis haïtiens qui versaient tous les matins une goutte de café à terre pour tous ceux qui étaient partis.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Récit

Le jour où le monde a tourné

Grasset - 2022

Le Royaume-Uni des années 1980. Les années Thatcher. Elles sortent toutes de là, les voix qui courent dans ce livre, elles plongent au creux de plaies toujours béantes, tissent un récit social, la chronique d’un pays, mais plus que cela, elles laissent voir le commencement de l’époque dans laquelle nous vivons et dont nous ne savons plus comment sortir.

C’est l’histoire d’un spasme idéologique, doublé d’une poussée technologique qui a bouleversé les vies. Ici s’achève ce que l’Occident avait tenté de créer pour panser les plaies de deux guerres mondiales. Ici commence aujourd’hui : les SOS des hôpitaux. La police devenu force paramilitaire. L’information tombée aux mains de magnats multimilliardaires. La suspicion sur la dépense publique quand l’individu est poussé à s’endetter jusqu’à rendre gorge. La stigmatisation de populations entières devenues ennemis de l’intérieur.
Londres. Birmingham. Sheffield, Barnsley. Liverpool. Belfast. Ancien ministre. Leader d’opposition. Conseiller politique. Journaliste. Ecrivain. Mineur. Activistes irlandais. Voici des paroles souvent brutes qui s’enchâssent, s’opposent et se croisent. Comment ne pas entendre ces quelques mots simples venus aux lèvres de l’ancien mineur Chris Kitchen comme de l’écrivain David Lodge : une société moins humaine était en gestation ?
Comment ne pas constater que le capitalisme qui prétendait alors incarner le monde libre face au bloc soviétique en plein délitement, est aujourd’hui en train de tuer la démocratie ?
Quand la mémoire prend forme, il est peut-être trop tard, mais il est toujours temps de comprendre.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Combats

Seuil - 2021

En cette année 1842, Haïti, seule république noire du monde, affronte les premières conséquences d’une curieuse dette imposée par la France. Ludovic Possible, vieux mulâtre et grand propriétaire, ouvre sur ses terres à la plaine du Cul-de-Sac, non loin de Port-au-Prince, une étrange académie dans laquelle on apprend à vivre, tresser des nattes en paille, redresser la bâtisse scolaire, autant qu’à lire, écrire et compter. Ludovic destine surtout son école à Aïda, gamine auréolée de silence et de mystère. Depuis toute petite, Aïda collectionne avec avidité les nombreuses histoires racontées par sa mère, sans jamais se décider à parler elle-même et devenir conteuse, diva populaire, reine chanterelle, comme cela semble être son destin.
Ludovic est détesté par son demi-frère, Balthazar. Face au système agraire entretenu par l’armée, leurs méthodes divergent et ouvrent la voie à des combats sans merci – combats pour l’éducation et l’information, duels, batailles rangées de coqs et de chiens, joutes verbales et trocs d’histoires. Dans ce roman inventif et foisonnant, conte rural et politique, les destins particuliers côtoient la grande histoire des luttes sociales et égalitaires d’un pays et de ses habitants.

Néhémy Pierre-Dahomey est né à Port-au-Prince en 1986. Il vit aujourd’hui à Paris. Après Rapatriés (prix Révélation de la Société des gens de lettres, prix Carbet des lycéens de la Caraïbe, prix Cino Del Duca sous suggestion de l’Académie française), il signe avec Combats son deuxième roman.