lundi 10:30-11:30

Emporté par le souffle

Avec : Mathias ÉNARD, Céline CURIOL, Georges-Olivier CHÂTEAUREYNAUD

20 mai 2021.
 

Qu’est-ce qu’un roman ? « Un ensemble mouvant articulant dans un récit la singularité de multiples personnages pour en faire, au final, un monde. » disait Michel Le Bris. Mais quelle est donc cette voix qui parle à travers nous ? Le roman échappe-t-il parfois à son auteur ? Plongée au cœur de la construction romanesque en compagnie de Céline Curiol qui avec Les Lois de l’ascension publie une vertigineuse fresque de notre époque, miroir de tous nos dilemmes et paradoxes. Mathias Enard nous offre un époustouflant roman rabelaisien du XXIe siècle niché au cœur de la campagne des Deux- Sèvres. Tandis que Georges-Olivier Châteaureynaud signe À cause de l’éternité, le second volet de L’Autre rive. L’imaginaire qui se déploie dans ce roman-monde n’a pas d’équivalent dans la littérature française.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Déserter

Actes Sud - 2023

Quelque part dans un paysage méditerranéen orageux familier et insaisissable, en marge d’un champ de bataille indéterminé, un soldat inconnu tente de fuir sa propre violence. Le 11 septembre 2001, sur la Havel, aux alentours de Berlin, à bord d’un petit paquebot de croisière, un colloque scientifique fait revivre la figure de Paul Heudeber, mathématicien est-allemand de génie, disparu tragiquement, resté fidèle à son côté du Mur de Berlin, malgré l’effondrement des idéologies.
La guerre, la désertion, l’amour et l’engagement... le nouveau roman de Mathias Énard – vif, bref, suspendu – observe ce que la guerre fait au plus intime de nos vies.

« J’avais entrepris l’écriture de la biographie fictive du mathématicien est-allemand Paul Heudeber depuis quelque temps lorsque la guerre en Ukraine a envahi mes carnets. Le 24 février 2022, le conflit a frappé de plein fouet mes projets. Le roman que j’envisageais ne pouvait plus être le même. La résurrection du discours – nazis, dénazifier – faisait remonter les années 1940 jusqu’à nous. La Russie assumait son impérialisme. Elle brandissait sa violence comme une fierté. Les couleurs des années 1990 (hiver, sang, feu) teintaient de nouveau l’Europe. Les chars soviétiques T72, ces boîtes plates et vertes que nous avions vues dans les champs de maïs abandonnés de Pannonie tirer sur Vukovar, roulaient vers Odessa, et leurs équipages, ces soldats russes de moins de vingt ans, brûlaient vifs trois par trois, prisonniers de leur blindage, lorsqu’un missile Javelin ouvrait leur tank comme on arrache la tête d’un oisillon avec les dents. À travers les arbres, on voyait de nouveau les animaux – les cochons, les chiens – errer jusque sur nos écrans, souvent horriblement mutilés, avant d’être achevés d’un coup de baïonnette. Odessa, l’Alexandrie de la mer Noire, allait subir le sort de Sarajevo.

J’ai compris plus ou moins à ce moment-là, alors que mes angoisses et mes cauchemars devenaient de plus en plus pressants, qu’il fallait que je m’enfonce de nouveau dans mon traumatisme de guerre, mes obsessions ; j’ai imaginé un personnage au creux d’une montagne, au bord de la Méditerranée. Il a un fusil à la main, il vient de quitter la guerre, mais il ne suffit pas de la quitter, il faut s’en défaire. Il va errer dans les territoires de son enfance avant de partir vers le nord pour passer la frontière et quitter le pays.

L’histoire de Paul Heudeber, sa fidélité à l’amour et au socialisme, malgré la déportation et la guerre froide, se prolongeait dans celle du déserteur, elle s’y reflétait, et le soldat perdu envoyait ses vibrations désespérées vers Paul Heudeber et sa fille Irina. Tout se projetait, se reflétait dans les lacs autour de Berlin et dans la recherche de l’espérance. »

Mathias Énard


 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Les lois de l’ascension

Actes Sud - 2021

Quel est dans l’itinéraire de chacun le déclic qui remet en jeu une existence pourtant choisie ? S’agit-il aujourd’hui d’un basculement intime ou de l’onde de choc issue des ébranlements du monde, des soulèvements de certains de ses peuples ? Et comment ceux-ci entrent-ils en résonance pour devenir motif à résilience, à enrôlement ou à utopie ?

Ce livre se déploie sur quatre journées réparties sur les quatre saisons de l’année 2015. À Belleville, un quartier parisien emblématique de l’éclectisme urbain, six personnages se trouvent confrontés aux enjeux d’une révolution singulière. Journaliste, psychiatre, retraité, enseignant, chômeur, lycéen, ils vont se croiser selon une étrange partition du hasard, le déroulement d’un puissant jeu d’influences. Au fil de leurs interactions comme des malentendus qui les opposent, ils tenteront d’amorcer ce combat majeur sans lequel risque de leur échapper l’essence même de leur être.

Ce grand roman d’une décennie est celui de la quête grâce à laquelle chacun, résistant aux tremblements d’un système périmé, se relève plus vivant que jamais, pour réinvestir une existence où l’indépendance d’esprit se place désormais sous le signe de la solidarité.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

À cause de l’éternité

Grasset - 2021

A cause de l’éternité constitue le seconde volet de L’Autre rive, qui remporta en 2007 le Grand Prix de l’Imaginaire. L’action se déroule de nos jours au château d’Eparvay, dans l’arrière-pays d’Ecorcheville, ville bâtie au bord du Styx. Cette région présente nombre de particularités. L’esclavage n’y a jamais été aboli. La proximité relative des Enfers, par-delà l’infranchissable fleuve des morts, entraîne des précipitations insolites (pluies d’animaux et d’insectes divers) ainsi que l’échouage occasionnel de créatures venues de l’autre rive (centaure, sirène, satyre, minotaure...). Un Musée de Tératologie les rassemble ; les étudie et les expose. Enfin, l’économie comme la politique locales sont sous le contrôle de trois grandes familles, les Propinquor, les Esteral et les Bussettin, qui se disputent et se partagent de longue date le pouvoir.

Dans ce nouvel opus, Alphan Bogue, jeune diplômé du Courtauld Institute de Londres, docteur PhD en histoire de l’Art, rentre à Ecorcheville pour s’y marier. Sa fiancée, Delia Spencer-Churchill, doit le rejoindre pour la cérémonie. Le père d’Alphan, brocanteur à la retraite, pensionnaire de l’EHPAD d’Ecorcheville, le presse de dérober pour lui un autoportrait supposé de Rembrandt adolescent, inconnu de tous, qui se trouve au château d’Eparvay. Spécialiste de la peinture baroque et de Rembrandt, Alphan se laisse convaincre de s’introduire dans le château pour examiner le tableautin et se faire une idée de son authenticité. Quand il franchit une porte basse
donnant sur les soubassements de l’énorme édifice métamorphique, l’aventure commence...

L’imaginaire qui se déploie dans ce roman-monde n’a pas d’équivalent dans la littérature française contemporaine.