Être partout à la fois, Souvenirs de Fedwa Misk à Rabat-Salé

22 avril 2020.
 

Je rentrais d’un reportage dans les hauteurs du Moyen-Atlas. Temps glacial, routes coupées et aucun réseau téléphonique. Je retrouvai alors, fébrile, mes boîtes vocale et mail quémandant une réponse immédiate à l’invitation de quelques Étonnants Voyageurs dont j’avais vaguement entendu parler. À quoi pouvait ressembler un festival de littérature, de cinéma et de musique à la fois ? Je l’ai donc appréhendé avec la curiosité du sédentaire, me prêtant à l’animation de quelques rencontres, intervenant sur d’autres en tant que journaliste à l’engagement féministe affirmé…

Durant quatre jours, j’ai pu apprécier les discussions délicieusement savantes avec le grand Gamal Ghitany, les interminables discours des Meddeb (feu) père et fille, les bons mots de Le Clézio qui n’en finit jamais d’émouvoir, ou encore la rencontre de musiciens marocains avec qui je n’avais jamais eu l’occasion de débattre. En off, c’était surtout de refaire le monde avec Fabienne Kanor ou d’écouter les anecdotes de François Beaune, les timides commentaires de Mohamed al-Fakharany, qui m’a fait le plus grand bien.

Mais autant j’ai pris du plaisir à animer, autant ma frustration a été grande de ne pas être ailleurs et partout à la fois, pour assister aux autres rencontres, papillonner d’une salle à l’autre, butiner, déguster, (recracher ?), objecter, railler… Vous savez bien : ces petits plaisirs pervers d’un bienveillant cynisme littéraire. Au-delà de cela, le plaisir fut de voir annihilées ces frontières invisibles entre auteurs français et francophones : élément de grande importance pour nous autres plumes ayant bravé la volonté de nos pères de nous faire écrivains dans la langue maternelle. On ne percevait pas non plus les barrières de langue, tant planait la volonté de jeter des ponts. N’est-ce pas là la vocation de la culture ?