Toutes les saveurs du monde

En complicité avec Olivier Roellinger

19 mai 2006.
 

Cuisine et littérature : deux manières, l’une avec les produits, l’autre avec des mots, d’inventer, d’exalter le poème du monde, deux manière d’en dire les inépuisables saveurs. Avec Olivier Roellinger, et la complicité de la Caisse d’Epargne, nous avions lancé l’année dernière un nouvel espace « Toutes les saveurs du monde » alternant rencontres gourmandes et dégustations - et ce fut un très grand succès.

« Toutes les saveurs du monde » : une idée qui s’imposait encore plus cette année, consacrée à l’Orient, terre des saveurs et des senteurs, terre des épices,
« À Saint-Malo, premier port de la compagnie des Mers du Sud, future Compagnie des Indes, l’enfant que j’étais a gardé, peut-être un peu plus que d’autres, les yeux rivés vers le large, bien au-delà des remparts de la cité, rêvant d’improbables voyages, imaginant d’autres rives et d’autres soleils » écrit Olivier Roellinger : « Mes rêves d’enfant embaumaient la vanille, la cannelle, la muscade et le benjoin. Ces épices sont devenues le trésor d’un imaginaire bercé par les rêves des « Etonnants Voyageurs » bretons, marins, savants, explorateurs, écrivains... qui ont nom Jacques Cartier, René Duguay-Trouin, Mahé de La Bourbonnais, Surcouf, Jean Charcot ou Chateaubriand. La cuisine m’a permis de traduire cette mémoire et cette culture de port en utilisant comme une ponctuation la gamme des épices qui, à l’image d’une palette aromatique, s’est élargie au gré des découvertes et des émerveillements lointains. »

Et comme le hasard fait bien les choses, c’est cette même année qu’il se voit décerné enfin décerner cette troisième étoile qu’il méritait depuis si longtemps...

Michel Le Bris


Pourquoi Olivier Roellinger
souhaite-t-il apporter sa cuillère à Etonnants Voyageurs ?

« J’ai eu la chance de naître dans une malouinière bâtie par une famille de chasseurs d’épices : les Heurtaut de Bricourt.
À Saint-Malo, premier port de la compagnie des Mers du Sud, future Compagnie des Indes, l’enfant que j’étais a gardé, peut-être un peu plus que d’autres, les yeux rivés vers le large, bien au-delà des remparts de la cité, rêvant d’improbables voyages, imaginant d’autres rives et d’autres soleils. Mes rêves d’enfant embaumaient la vanille, la cannelle, la muscade et le benjoin. Ces épices sont devenues le trésor d’un imaginaire bercé par les rêves de ces « Etonnants Voyageurs » bretons, marins, savants, explorateurs, écrivains... qui ont nom Jacques Cartier, René Duguay-Trouin, Mahé de La Bourbonnais, Surcouf, Jean Charcot ou Chateaubriand.

La cuisine, ce mode d’expression que j’ai choisi, m’a permis de traduire cette mémoire et cette culture de port en utilisant comme une ponctuation la gamme des épices qui, à l’image d’une palette aromatique, s’est élargie au gré des découvertes et des émerveillements lointains.
Aujourd’hui, les grands cuisiniers européens sont ceux qui écrivent l’histoire de leur présent avec toutes les saveurs du monde...

Depuis le XVe siècle, la grande aventure culinaire occidentale est maritime. Depuis la cuisine française est totalement métisse. Nos ports, tremplin de la découverte, deviennent les caisses de résonance de ces autres cultures. Les hommes les plus sensibles ? En particulier les cuisiniers qui, à chaque nouvelle étape, plus curieux, plus avides de connaissances, découvrent les saveurs inédites des épices et des produits lointains. De cet étonnement, de cette émotion nouvelle provoquée par la conscience de l’autre, naquit peu à peu une nouvelle attitude et se dessina une ouverture d’esprit vivifiante. Par-delà le talent, par-delà les technique propres à chaque cuisinier, c’est cette conscience de n’être plus seuls et de partager avec le vaste monde un trésor commun, qui éleva au fil des siècles la cuisine française au rang d’expression quasi artistique.

Ce dialogue lentement pris corps en s’écrivant sur la partition principalement des épices, témoins de notre relation aux autres, reflet de notre vision du monde. Fade, craintif et sédentaire, c’est le monde immobile, amer et renfermé, conservateur, traditionaliste ; relevé, chaleureux et nomade, c’est le monde que l’on embrasse à bras-le-corps dans ses périodes toutes de mouvements, d’échanges et de générosité.

Olivier Roellinger