Le prix de la guerre

Écrit par : SILBERSCHMIDT Pauline (4ème, Collège Frédérique Chopin, Nancy)

18 avril 2018.
 

« J’avais tellement prié, tellement espéré que la guerre le garde pour elle. »
Il est entré et derrière lui, j’ai pu distinguer, le premier, un petit bout tout rose d’une robe de petite fille. Et c’est là que je compris qu’il ne rentrait pas seul. C’est à ce moment-là qu’il nous a dit :

— J’ai ramené quelque chose de très précieux et de très fragile.
Et là il s’est écarté pour nous laisser admirer la sublime créature qui se cachait derrière lui.

— Cette fabuleuse petite princesse se prénomme Jouliana.
Il m’a regardé dans les yeux.

— Ça ne te dérange pas de partager temporairement ta chambre avec elle ?
— Non ai-je répondu tout bas.
— Tu es un gentil garçon, tu veux bien la lui montrer ?
— Oui

Jouliana et moi sommes montés et avant de lui montrer ma chambre, j’ai voulu lui faire visiter l’étage.

— Ici tu as les toilettes. Là tu as la salle de bain. À cet endroit c’est la chambre de maman et moi, c’était ...ai-je rectifié dans un soupir.

Puis elle m’a pris la main d’un geste attentionné et innocent comme pour me dire que même si mon papa était revenu et qu’il m’enlevait quelques privilèges, elle, elle serait là. Je ne sais pourquoi mais ça m’a vraiment réconforté, je sentais que je ne serais pas seul dans ce combat.

— Et enfin voici notre chambre.

Je l’ai fait rentrer à l’intérieur et elle découvrit une pièce que j’avais délaissée pendant 4 ans au profit de celle de maman. Malgré cela elle restait toujours lumineuse et on distinguait à peine la fine couche de poussière qui s’y était installée. Je voyais de l’admiration dans son regard et je ne comprenais pourquoi, alors je lui posai la question suivante :

— Pourquoi es-tu si admirative ?
Elle me regardait avidement d’un air effrayé mais finit par répondre :

— Dans mon pays même les plus riches n’avaient pas une aussi belle et grande demeure.
Je lui ai dit qu’elle finirait par s’y habituer et nous avons écouté la discussion entre maman et papa :

— Qui est cette petite fille ?
— Ses parents étaient de simples civils mais une bombe adverse s’est abattue sur leur maison faisant d’elle la seule rescapée de cet horrible désastre. Je n’avais d’autre choix que de la protéger elle est orpheline !
— Et tu ne t’es pas demandé une seule seconde comment ta famille réagirait ?
— Et quelle aurait été la bonne solution d’après toi, que je la laisse là-bas alors qu’il y a la guerre et que plus rien à cet endroit maintenant ne la retenait ?
— Tu aurais au moins pu prévenir non ?
— Prévenir ? Mais tu ne crois pas que c’était un peu compliqué ? Je ne pouvais même pas vous envoyer des lettres et je n’ai aucune idée si vous m’avez écrit, c’était l’horreur pas des vacances ! S’il te plait, arrêtons de nous disputer le jour de mon retour. Je veux que cela reste un souvenir heureux comme une délivrance.
— Je comprend, excuse-moi, je suis un peu stressé. Je suis tellement soulagée et comblée que tu sois revenu. Tu as vraiment été très fort.
— C’était loin d’être facile mais tout le monde a fait de son mieux. Je pense que personne n’était vraiment préparé à ce que nous avons vécu.
— Tu ne penses pas que nous parler de ce que tu as vécu resserrerait les liens et ferait un peu plus comprendre à Benjamin la raison de ton absence ? J’ai l’impression qu’il ne comprend pas vraiment pourquoi tu es parti au combat au péril de ta vie et je crois aussi qu’il t’en veut.
— Je te promets que je vais avoir une longue discussion avec vous deux mais je n’entrerai pas dans les détails. Je me dois de vous préserver car la guerre est encore pire que ce qu’on s’imagine et quand on sait ce qui s’y passe on n’est plus pareil et vous, je veux que vous gardiez une partie de votre innocence.

Ce soir-là, je me souviens de ce que nous avons mangé tant ce jour a chamboulé ma vie. À table papa a été le seul à rompre le lourd silence qui pesait dans la cuisine. Juste pour nous dire que quand nous serions tous prêts (moi et maman autant que lui) il nous conterait son aventure ; car oui il préférait l’appeler comme ça. Il ne se voilait pas la face, non, mais pour avancer dans la vie, il avait besoin de se dire que ce n’était qu’une partie de son existence (la moins belle de toute sans aucun doute) et tout le monde sait que son existence a été longue ; qui dit longue dit complète. Il avait donc vécu d’autres « aventures » beaucoup plus jolies avant celle-ci et continuerait à en avoir d’autres.
Quand le jour est venu nous étions un mardi, le mardi 14 mars 1919. On est allé tous les quatre, dans une grande forêt de pin pour y pique-niquer et se balader. C’était une habitude que nous avions pris depuis son retour et j’adorais cela. Ça me permettait de m’amuser tout en découvrant plein de choses. Notre balade a duré environ 3 heures au bout desquelles j’étais épuisé, ce n’était que des sentiers escarpés et pentus. Nous nous sommes arrêtés sur une vieille table massive en chêne. C’est à ce moment que mon papa a commencé à déballer son sac, à nous raconter ce qu’il avait vécu dans les conditions les plus précaires. Je ne vais pas vous faire part de ce qu’il nous a dévoilé, car ce n’est ni le lieu ni le moment, mais sachez que, grâce à ce qu’il nous a conté, j’ai enfin pu comprendre ce qu’il avait traversé pendant 4 ans. Du haut de mes 10 ans j’avais compris la vie et son déroulement ; alors je suis fier d’avoir eu un père tel que lui car personne d’autre n’aurait réussi à me transmettre autant de valeurs et de moral en si peu de temps. Sa mort m’accable et m’emplit de tristesse mais je suis heureux d’avoir pu, par ces quelques mots, vous faire comprendre ce qu’était mon papa. Un homme humble, généreux, intelligent, honnête et fidèle même si j’ai pensé le contraire à un certain moment. J’espère avoir réussi à vous changer comme lui l’a fait avec moi. Je laisse maintenant la parole à Jouliana ma sœur de cœur que j’ai rencontré grâce à lui.
Merci de m’avoir écouté.