Un après-midi à l’auditorium, dimanche 4 juin dès 14h autour de l’appel de Patrick Chamoiseau
Réécoutez l’après-midi Frères Migrants
L’APPEL DE PATRICK CHAMOISEAU
16 juin 2017.
Un après-midi ne sera pas de trop, pour en débattre : c’est la fin de notre monde qui est ici en jeu… Isabelle Fruleux, en ouverture, dira Frères migrants, le superbe texte de Patrick Chamoiseau.
Nous multiplions les frontières
À l’universalité théorique du droit à l’asile, à l’obligation de l’hospitalité, répondent aujourd’hui la prolifération des définitions, autrement dit des barrières, jusqu’à « l’entre-deux monde » des camps : réfugiés, exilés, migrants, clandestins… la liste est longue. Conflits, replis, ouverture – la question des frontières devient centrale pour la définition d’un espace politique possible.
Avec : Patrick Chamoiseau qui publie Frères Migrants, Michel Agier, auteur de Définir les Réfugiés (Puf) et Les migrants et nous (CNRS) qui souligne comme le défi que représente la mobilité des humains multiplie les situations de frontières, nationales, ethniques, religieuses, linguistiques, sociales, culturelles, Fabienne Brugère, qui s’interroge sur La Fin de l’hospitalité (Flammarion) ; Jean Viard, qui dans son essai Quand la Méditerranée nous submerge (L’Aube) veut repenser la France et ses identités multiples, prône une ouverture vers l’Afrique.
Qu’est-ce qu’un être humain ?
De berceau de civilisation, la Méditerranée est devenue un cimetière marin – mais qu’est-ce qui meurt, de nous, avec ces malheureux ? Ailleurs, nous multiplions les camps. Mais qu’est-ce que nous nous enfermons de nous-mêmes, ce faisant ? Rester « entre soi » ? Mais que reste-t-il alors de ce « soi » ? Qu’est-ce que cela veut encore dire pour nous, d’être humain ? Qu’est-ce qu’un être humain ? Il y a un imaginaire de l’être ensemble à refonder. Avec Patrick Chamoiseau, Edgar Morin, dont toute la pensée tend vers la définition des contours d’un nouvel humanisme, Raphaël Glucksmann, qui après un séjour à Calais a publié un texte fort, dans Médiapart sur la faillite de l’idéal républicain : De quoi Calais est-il le nom ?, Shumona Sinha a été interprète auprès de l’Ofpra, chargé de gérer les demandes d’asiles politiques, dans Assommons les pauvres !, elle dressait un constat sans complaisance et publie Apatrides (Éditions de L’Olivier), Raphaël Krafft avec Passeur (Buchet-Chastel) qui, en racontant l’ascension du col de Fenestre pour aider des réfugiés à atteindre la France, met en exergue l’absurdité des lignes imaginaires dans un document profondément humain.
La permanence, un grand film d’Alice Diop
« Je n’ai pas voulu faire un film militant qui dénoncerait quoi que ce soit, mais un film qui assigne une place au spectateur, l’invite à regarder ces hommes comme on a rarement l’occasion de les voir. » précise Alice Diop (Télérama) La Permanence (2016) a bouleversé le public du Cinéma du réel : à l’hôpital Avicenne, la réalisatrice a filmé pendant un an les consultations par un médecin de migrants malades, brisés par l’exil, l’expression des visages, l’entrecroisement des histoires et des voix. Un grand film, présenté par la réalisatrice.
- Dimanche 15h45, Auditorium
"Ceux du large"
Un beau poème d’Ananda Devi (Bruno Doucey éd.) dit par Isabelle Fruleux et Ananda Devi « pour ne pas rester tête baissée, bras ballants, devant le film catastrophe qui se déroule sous nos yeux ». Rencontre avec A. Diop et P. Chamoiseau.
DERNIER OUVRAGE
Récit
Sylvia P.
Bruno Doucey - 2023
Février 1963, Londres. Une jeune mère de famille se suicide en glissant la tête dans son four à gaz. Cette femme, Sylvia Plath, est une poétesse. On la dit poussée au désespoir par les trahisons de son mari. À l’heure où les femmes cherchent à sortir de l’étau qui les étouffe, Sylvia est érigée en symbole par les féministes. Malgré elle. Car le destin de cette femme comète, hantée par la noirceur, est beaucoup plus complexe. Sous la plume empathique d’Ananda Devi, on suit la vertigineuse descente aux enfers de ce couple maudit. Jusqu’à l’éblouissement absolu.
Revue de presse
- « À travers [Plath], Ananda Devi livre sa part d’ombre et sa façon de l’approcher par l’écriture, qui se fait tantôt brûlure, tantôt armure. » (Kerenn Elkaim, Livres Hebdo)
DERNIER OUVRAGE
Romans
Le vent du nord dans les fougères glacées
Seuil - 2022
« Boulianno Nérélé Isiklaire était espécial. Il savait des choses sur le profond du conte, sur la Parole qui demande majuscule, sur la lutte contre la mortalité… Il avait développé une connaissance de tout cela dans le secret de son esprit. »
Le dernier « maître de la Parole » qui, comme les bambous a sept vies et ne fleurit qu’une fois, va s’enfermer dans le silence. Il s’est réfugié dans les hauteurs de l’île, plus haut encore que les mornes où se sont développées les pratiques des veillées. Avant que son retrait ne soit définitif, un groupe espérant qu’il formera l’un des leurs, « le tambour Populo », et, de son côté, une toute jeune fille étrange et solitaire, surnommée « l’anecdote », partent sur ses traces pour qu’il choisisse l’héritier et lui donne en legs sa dernière leçon et le secret de sa poésie. Mais les deux jeunes gens s’associent. Ils vont retrouver, au prix d’innombrables exploits, trois cases successives…
Patrick Chamoiseau renoue donc, au bout de quinze ans, avec sa grande veine narrative riche en personnages inoubliables.
DERNIER OUVRAGE
Essais
Les souvenirs viennent à ma rencontre
Fayard - 2019
Dans ce livre, Edgar Morin, né en 1921, a choisi de réunir tous les souvenirs qui sont remontés à sa mémoire. A 97 ans, celle-ci est intacte et lui permet de dérouler devant nous l’épopée vivante d’un homme qui a traversé les grands événements du XXe siècle. La grande histoire se mêle en permanence à l’histoire d’une vie riche de voyages, de rencontres où l’amitié et l’amour occupent une place centrale.
Ces souvenirs ne sont pas venus selon un ordre chronologique comme le sont habituellement les Mémoires. Ils sont venus à ma rencontre selon l’inspiration, les circonstances. S’interpellant les uns les autres, certains en ont fait émerger d’autres de l’oubli.
Ils témoignent que j’ai pu admirer inconditionnellement des hommes ou femmes qui furent à la fois mes héros et mes amis.
Ils témoignent des dérives et des dégradations, mais aussi des grandeurs et des noblesses que les violents remous de l’Histoire ont entraînées chez tant de proches.
Ils témoignent des illuminations qui m’ont révélé mes vérités ; de mes émotions, de mes ferveurs, de mes douleurs, de mes bonheurs.
Ils témoignent que je suis devenu tout ce que j’ai rencontré.
Ils témoignent que le fils unique, orphelin de mère que j’étais, a trouvé dans sa vie des frères et des sœurs.
Ils témoignent de mes résistances : sous l’Occupation, puis au cours des guerres d’Algérie, de Yougoslavie, du Moyen-Orient, et contre la montée de deux barbaries, l’une venue du fond des âges, de la haine, du mépris, du fanatisme, l’autre froide, voire glacée, du calcul et du profit, toutes deux désormais sans freins.
Ces souvenirs témoignent enfin d’une extrême diversité de curiosités et d’intérêts, mais aussi d’une obsession essentielle, celle qu’exprimait Kant et qui n’a cessé de m’animer : Que puis-je savoir ? Que puis-je croire ? Que puis-je espérer ? Inséparable de la triple question : qu’est-ce que l’homme, la vie, l’univers ?
Cette interrogation, je me suis donné le droit de la poursuivre toute ma vie.
Edgar Morin
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Revue de presse :
- « Ce grand penseur souligne l’importance de la pensée dans notre société malade » (Elodie Suigo, 30/01/2020, France Info)
DERNIER OUVRAGE
Romans
Apatride
L’Olivier - 2017
« D’autres nuits surgirent derrière ses paupières, mais la lumière n’y avait plus de chaleur, il ne s’en échappait aucun bruit, aucun son, aucun souffle. Elle se rendit compte que, ni ici ni là-bas, elle n’arrivait à rire, à respirer, à se sentir vivante, et qu’elle lévitait dans un mouvement aveugle, chutait dans le vide, sans terre ni ciel."
Esha a quitté Calcutta pour s’installer à Paris, la ville dont elle rêvait. Or, d’année en année les déceptions s’accumulent, tout devient plus sombre et plus violent autour d’elle. Elle s’épuise dans d’innombrables batailles, et ne se sent plus en sécurité.
Issue d’une famille de paysans pauvres, Mina vit près de Calcutta. Par ignorance, ou par crédulité, elle est entraînée à la fois dans un mouvement d’insurrection paysanne qui la dépasse et dans une passion irraisonnée pour son cousin Sam, qui lui fait commettre l’irréparable.
Les destins de Mina et d’Esha se répondent dans ce roman qui ne ménage ni notre société ni la société indienne. L’écriture de Shumona Sinha est animée par la colère, une colère éloquente, aux images aussi suggestives que puissantes.
Revue de presse
- "L’écriture singulière, très poétique, imagée mais néanmoins féroce de Shumona Sinha fait ressurgir une colère. C’est beau et déroutant. Le lecteur sort de ce roman bouleversé par les voix de ces trois femmes, derrière lesquelles on devine très bien ‘lauteure, née à Calcutta en 1973, arrivée à Paris en 2001 pour enseigner l’anglais, féministe et engagée à gauche.” (Lavie Gauthier, Le Soir)
- "Naitre femme, le devenir, y survivre : le roman de Shumona est un cri de colère glaçant.” (Le Canard Enchaîné)
- "Ce roman puissant et nostalgique dénonce l’injustice et la condition des femmes en Inde, le racisme de notre société. Poignant.” (Femina)
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Essais
La peur des autres : Essai sur l’indésirabilité
Rivages - 2022
La peur des autres – proches ou lointains – se transforme en repli sur soi, souvent en mépris, rejet. Plus encore, elle fonde des politiques. C’est ainsi que naît l’indésirable, image spectrale et effrayante de celle ou celui qui peut être chassé à la frontière, nationale ou urbaine, voire abandonné à la mort.
Il n’y a pas de compromis possible avec ces politiques de la peur et de la haine des autres. Une autre description du monde, un autre horizon des possibles et d’autres imaginaires sont nécessaires pour redonner à chacun et chacune le sens et le courage de la vie commune.
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Essais
Les Enfants du vide. Sortons de l’individualisme
Allary Éditions - 2018
« Nous sommes libres, sommes-nous pour autant heureux ? La sourde inquiétude qui nous tenaille vient de l’absence d’horizon collectif, de la crise des récits et des structures qui inscrivaient hier encore l’individu dans un tout. Nos parents ont déconstruits ces récits qui étaient des mythes aliénants, et ils ont eu raison. Mais nous ne pouvons nous contenter du rien qui prit leur place.
Si nos aînés sont arrivés au monde dans une société saturée de sens, nous sommes nés dans le vide. Leur mission était de briser des chaînes, la nôtre sera de retisser des liens.
La démocratie repose sur les droits de chacun, mais pas seulement. La tâche de notre génération sera de nous préoccuper de ce "pas seulement" qui fut trop longtemps délaissé : le droit du tout sur chacun. Car si nous ne le faisons pas, les forces les plus autoritaires le feront à notre place. » R.G.
Dans la lignée de Génération gueule de bois, Raphaël Glucksmann interroge le manque d’horizon collectif des générations élevées dans des sociétés individualistes.
- « Un style vif, fondé sur une culture politique sûre. » Libération
- « Ce passionnant essai dresse un constat cinglant de "la société de solitude" » Le Monde
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Documentaire
Vers la tendresse
Les films du Worso - 2016
Ce film est une exploration intime du territoire masculin d’une cité de banlieue. En suivant l’errance d’une bande de jeunes hommes, nous arpentons un univers où les corps féminins ne sont plus que des silhouettes fantomatiques et virtuelles. Les déambulations des personnages nous mènent à l’intérieur de lieux quotidiens (salle de sport, hall d’immeuble, parking d’un centre commercial, appartement squatté) où nous traquerons la mise en scène de leur virilité ; tandis qu’en off des récits intimes dévoilent sans fard la part insoupçonnée de leurs histoires et de leurs personnalités.
Revue de presse :
« De la violence misogyne à la possibilité d’aimer : tel est le mouvement ascendant de Vers la tendresse, film d’une grande beauté et porteur d’espoir. »
François Ekchajzer, Télérama
« La jeune cinéaste Alice Diop aime poser son regard sur les zones en lisière. Son court métrage "Vers la tendresse", (…) explore l’intimité amoureuse de quatre jeunes hommes de la banlieue parisienne. Une réussite cinématographique. »
Sylvie Braibant, TV5 Monde
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Essais
Le sacre de la terre
L’Aube - 2020
Pour se nourrir à dix milliards sur une seule petite Terre, se vêtir, se chauffer, se déplacer, produire de l’énergie renouvelable, capter le carbone, le travail de la terre redevient chaque jour un peu plus l’avenir de l’Homme, avec la science et l’art. Les objets et leur fabrication ne sont plus le tout de l’humain. Avec la révolution écologique et numérique, la mondialisation, il faut retrouver du sens, du local, du faire-pousser, du territoire, des lieux. Le bio et le local, le soleil et le vent, le sol et les forêts sont nos nouveaux futurs.
Re-naturons la ville et ré-humanisons la campagne, dit Edgar Morin.
Et pour entrer dans ce monde-là, il faut à la fois du conservatisme - celui de l’infiniment petit de millions de savoirs locaux - et du progrès des sciences, des arts et des techniques. Un ouvrage essentiel qui mêle monographies et grande Histoire, sociologie rurale et désirs urbains, combat climatique et besoin de sens. Signé de l’un des meilleurs spécialistes français des questions agricoles et territoriales, cette véritable somme est un plaidoyer pour une urgente révolution écologique.
Jean Viard est sociologue, directeur de recherche associé au Cevipof-CNRS. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont, aux éditions de l’Aube, Nouveau portrait de la France (2012) et Le triomphe d’une utopie (2015).
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Revue de presse :
- « Optimiste patenté, le sociologue Jean Viard, qui chronique le monde paysan depuis plus de quatre décennies, plaide dans son dernier et magnifique ouvrage Le Sacre de la terre (Ed. de l’Aube, janvier 2020, 468 pages) pour un nouveau pacte agricole, établissant un lien entre la métropole, le sol sanctuarisé et l’immense espace à vivre intermédiaire, car « chacun a besoin de structures symboliques et politiques, de mémoire, de beauté. » Il n’est pas interdit de rêver… » (Philippe Escande, Le Monde)
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Récit
Passeur
Buchet Chastel - 2017
Automne 2015. Raphaël Krafft, journaliste indépendant, est à la frontière franco-italienne des Alpes-Maritimes, entre Menton et Vintimille. Il réalise un reportage sur les exilés bloqués là dans l’attente de passer en France pour demander l’asile ou de continuer vers un autre pays.
Il rencontre tour à tour des militants, des policiers, des fonctionnaires, une avocate spécialiste des Droits de l’homme pour constater le drame de la situation. Et décide, par un acte de désobéissance civile, d’aider deux Soudanais, « Satellite » et Adeel, à franchir la frontière.
À pied, Raphaël Krafft, son ami Thomas et les deux réfugiés entreprennent une ascension dans le parc du Mercantour, jusqu’au col de Fenestre, qui culmine à 2 474 mètres, pour atteindre la France.
Revue de presse :
- « Ce récit poignant, nourri de rencontres fortes, montre le désarroi de femmes et d’hommes face à l’absurdité et aux failles des dispositifs d’aides aux réfugiés. »
Aude Carasco, Le Croix
- « Par-delà la métamorphose du journaliste, cet ouvrage interroge de manière concrète sur le passage à l’acte. Il aurait pu être écrit par celui qui regarde la misère au bas de chez lui avant un jour de retrousser ses manches. C’est en cela que le livre de Raphaël Krafft dépasse la seule thématique de l’aide aux migrants qu’il permet en même temps de documenter. »
Maryline Baumard , Le Monde
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Essais
La fin de l’hospitalité
Flammarion - 2017
Nous avons parcouru l’Europe, de la « Jungle » de Calais au centre de réfugiés caché dans les hangars de l’aéroport de Tempelhof à Berlin. Nous avons vu des barbelés prospérer dans les prairies. Des murs pousser comme des champignons.
Nous avons vu l’étranger cesser d’être un hôte pour devenir un ennemi, un barbare qu’il faut éloigner, repousser, ne plus voir. Toutes les civilisations anciennes s’accordaient sur un point : faire de l’étranger un hôte.
Nous sommes en train de faire l’inverse, de transformer l’hôte en étranger.
Jusqu’à quand ?