Nous sommes tous des Don Quichotte

Avec Christian LAX, Jean CANAVAGGIO

30 mai 2016.
 


Avec Christian LAX, Jean CANAVAGGIO
Animé par Yann NICOL

 

DERNIER OUVRAGE

 
Roman graphique
Bande Dessinée

L’Université des chèvres

Futuropolis - 2023

En 1833, dans les Alpes du Sud, Fortuné Chabert est un instituteur itinérant. De village en village, il enseigne avec bonheur lecture, écriture et calcul aux enfants. Ce nomadisme enseignant est appelé « l’université des chèvres ». Fortuné devra renoncer à son sacerdoce, et se retrouvera, des années plus tard, chez les Hopis de l’Arizona, aux États-Unis.

En 2018, Sanjar parcourt la montagne afghane avec son tableau sur le dos. Lui aussi pratique l’université des chèvres. Chassé par les talibans, il deviendra auxiliaire de l’armée américaine en Afghanistan.

Quel est le lien qui unit Fortuné et Sanjar, a priori aussi éloignés que possible par le temps et l’espace ? C’est une jeune femme, Arizona Florès. Descendante de Fortuné (cinquième génération), Arizona est journaliste au Phoenix Post. L’un de ses grands combats, c’est la dénonciation de la violence faite à l’école, avec ses tueries récurrentes qui endeuillent les familles américaines. Virulente dénonciatrice du lobby des armes à feu dans son pays, elle est mise à l’écart par son journal, qui l’envoie en reportage en Afghanistan. Elle y rencontre Sanjar. Celui-ci, de plus en plus en danger, ne peut que se résoudre à abandonner, comme Fortuné, sa mission émancipatrice…

De l’Afghanistan aux États-Unis, du XVIIIe siècle à nos jours, l’école a toujours été rejetée par les obscurantistes : par la vertu d’un récit magnifique de colère et de générosité, de beauté et d’amour, Christian Lax prend parti pour une école sanctuarisée, qui émancipe et qui libère.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Don Quichotte de la Manche (Nouvelle traduction)

Gallimard - 2015

Préface et traduction de Jean CANAVAGGIO

Don Quichotte lui-même, au seuil de la « Seconde partie » (1615), n’en croit pas ses oreilles : « Il est donc vrai qu’il y a une histoire sur moi ? » C’est vrai, lui répond le bachelier Samson Carrasco, et cette histoire – la « Première partie » du Quichotte, publiée dix ans plus tôt –, « les enfants la feuillettent, les jeunes gens la lisent, les adultes la comprennent et les vieillards la célèbrent ». Bref, en une décennie, le roman de Cervantès est devenu l’objet de son propre récit et commence à envahir le monde réel. Aperçoit-on un cheval trop maigre ? Rossinante !
Quatre cents ans plus tard, cela reste vrai. Rossinante et Dulcinée ont pris place dans la langue française, qui leur a ôté leur majuscule. L’ingénieux hidalgo qui fut le cavalier de l’une et le chevalier de l’autre est un membre éminent du club des personnages de fiction ayant échappé à leur créateur, à leur livre et à leur temps, pour jouir à jamais d’une notoriété propre et universelle. Mais non figée : chaque époque réinvente Don Quichotte.
Au XVIIe siècle, le roman est surtout perçu comme le parcours burlesque d’un héros comique. En 1720, une Lettre persane y découvre l’indice de la décadence espagnole. L’Espagne des Lumières se défend. Cervantès devient bientôt l’écrivain par excellence du pays, comme le sont chez eux Dante, Shakespeare et Goethe. Dans ce qui leur apparaît comme une odyssée symbolique, A.W. Schlegel voit la lutte de la prose (Sancho) et de la poésie (Quichotte), et Schelling celle du réel et de l’idéal. Flaubert – dont l’Emma Bovary sera qualifiée de Quichotte en jupons par Ortega y Gasset – déclare : c’est « le livre que je savais par cœur avant de savoir lire ». Ce livre, Dostoïevski le salue comme le plus grand et le plus triste de tous. Nietzsche trouve bien amères les avanies subies par le héros. Kafka, fasciné, écrit « la vérité sur Sancho Pança ». Au moment où Freud l’évoque dans Le Mot d’esprit, le roman est trois fois centenaire, et les érudits continuent de s’interroger sur ce qu’a voulu y « mettre » Cervantès. « Ce qui est vivant, c’est ce que j’y découvre, que Cervantès l’y ait mis ou non », leur répond Unamuno. Puis vient Borges, avec « Pierre Ménard, auteur du Quichotte » : l’identité de l’œuvre, à quoi tient-elle donc ? à la lecture que l’on en fait ?
Il est un peu tôt pour dire quelles lectures fera le XXIe siècle de Don Quichotte. Jamais trop tôt, en revanche, pour éprouver la puissance contagieuse de la littérature. Don Quichotte a fait cette expérience à ses dépens. N’ayant pas lu Foucault, il croyait que les livres disaient vrai, que les mots et les choses devaient se ressembler. Nous n’avons plus cette illusion. Mais nous en avons d’autres, et ce sont elles, peut-être – nos moulins à vent à nous –, qui continuent à faire des aventures de l’ingénieux hidalgo une expérience de lecture véritablement inoubliable.

Revue de presse

« Quatre siècles après sa parution (1605-1615), la réédition du chef-d’œuvre de Miguel de Cervantès, dans l’excellente traduction « rajeunie » de Jean Canavaggio, nous réjouit à la fois comme la redécouverte d’un trésor d’enfance au grenier de notre mémoire et la réappropriation d’un héritage universel. » Le Monde des livres.