NÉGRITUDE, CRÉOLITÉ, IDENTITÉ : AUJOURD’HUI DES PIÈGES ?
5 mai 2016.
Alfred Alexandre, romancier martiniquais,
dresse un constat critique : les discours de la
négritude puis de la créolité, nés comme contrecultures,
feraient aujourd’hui obstacle à l’émergence
d’une nouvelle littérature. Il revendique un
retour au récit, délaissé dit-il au profit du travail
sur la langue. Pour en débattre, Roland Brival
et deux figures actuelles : Makenzy Orcel (Haïti)
et Evains Wêche (Haïti).
► Dim. 15h45, Maupertuis

DERNIER OUVRAGE
Romans
Nègre de personne
Gallimard - 2016
Gontran Damas, un jeune Noir originaire de Guyane, épris de littérature et engagé dans le mouvement « Négritude » fondé par ses amis Césaire et Senghor, débarque dans le port de New York pour la première fois. Il est accueilli par sa cousine Élisa, et son mari Anton, qui l’hébergent dans leur petit appartement en sous-sol dans Harlem. Damas, tout à la joie et à l’excitation de découvrir New York et Harlem, n’oublie pas qu’il a une mission : prendre contact avec les membres de la NAACP (National Association for Avancement of Coloured People). Bientôt, il fait la connaissance du poète Langston Hughes à qui il confie être porteur d’une invitation pour les intellectuels noirs de Harlem. Grâce à Langston, Damas fait la connaissance d’Anna, une jeune peintre dont il s’éprend et qui lui ouvre d’autres portes : il pénètre les cercles de l’intelligentsia noire de Harlem, et s’immerge dans la culture de ce quartier – la culture du jazz le bouleverse.Cette plongée dans le Harlem des années 30 est une confrontation à la complexité d’un monde où tout peut arriver, aux relations amoureuses décousues, au sexe dans les bordels tenus par des mégères excentriques, aux dangers de la drogue – Gontran rencontre Billie Holiday, vit une aventure avec elle, mais c’est avec Anna qu’il goûtera à la cocaïne. C’est aussi une immersion dans la violence de la rue.Entre émotions amoureuses et discussions politiques confrontant les intellectuels de la NAACP et leurs adversaires de l’UNIA, Damas s’adresse à Césaire et à Senghor et leur fait le récit de son séjour. Il les interpelle, entremêlant poèmes et réflexions, remémoration de souvenirs communs. De même, il évoque son enfance guyanaise, son déracinement. Ce roman se lit comme un texte initiatique et un journal de bord. Initiation à la musique – le jazz, celui des grandes heures de l’Appollo Théâtre et du Cosmo, celui de Billie Holiday chantant Strange Fruits , celui de Charlie Parker et d’Erroll Garner, celui des boîtes de nuits –, initiation à la politique – le récit expose les différents points de vue des intellectuels noirs des années 30 – et initiation à l’amour. Nègre de personne est un beau roman, plein, riche et extrêmement vivant.
Revue de presse :
- « Léon-Gontran Damas fut, en 1934, avec Léopold Sédar Senghor et Aimé Césaire, le fondateur à Paris de la revue L’Etudiant noir. Le creuset de ce qui allait devenir la négritude, revendication, par des intellectuels français nés hors métropole, de leurs racines, tout en exprimant leur appartenance à la francophonie, leur amour d’une langue française qu’ils avaient "en partage", selon la belle formule de Maurice Druon, parfois réinventée, enrichie, magnifiée. Trois Noirs, un Sénégalais, un Martiniquais, un Guyanais métis. Mais ce dernier est moins célèbre que ses frères. Sans doute parce que, poète, homme de conviction, même s’il fut à un moment tenté par la politique (député de la Guyane de 1948 à 1951), sa carrière n’a pas atteint le niveau des deux autres, Senghor surtout. Il ne mérite pourtant pas d’être oublié, et l’on sait gré à Roland Brival de l’avoir pris pour héros de ce roman, dans un épisode marquant de son parcours, la découverte des Etats-Unis. »
Livres Hebdo
DERNIER OUVRAGE
Récit
Le bar des Amériques
Mémoire d’Encrier - 2016
Le bar des Amériques est le roman de l’amour perdu. Perte dont le souvenir et la douleur indépassés installent Bahia dans l’enfermement du ressassement et de l’errance à soi. Un enfermement de trente ans qu’elle croit pouvoir briser lorsqu’un matin, très tôt, sur le bord évanoui de la mer, elle rencontre, comme dans un miroir, un autre visage de l’errance, en la personne de Leeward, un ancien passeur de clandestins à la dérive, dont la vie se limite à boire, le soir, en compagnie de son vieux complice d’autrefois, Hilaire.
Tout au long du récit, dont l’espace central est le huis-clos d’un bar échoué au rez-de-chaussée d’un hôtel à l’abandon, quatre motifs, comme une respiration sous-marine, balisent le vertige en solitude des personnages : les conteneurs, l’île, le naufrage, les migrants.
DERNIER OUVRAGE
Romans
Une boîte de nuit à Calcutta
Robert Laffont - 2019
Après la parution de son premier livre, Les Immortelles, Makenzy Orcel confirme ici la magie d’une écriture violente et généreuse. Nicolas Idier, au rythme de ses écrits et de ses nombreux voyages, poursuit sa quête d’une autre vision de la littérature. La rencontre de ces deux auteurs reconnus bien au-delà des limites hexagonales témoigne d’une sagesse nouvelle, où la beauté et l’amour triomphent du doute et de la peur.
Makenzy Orcel et Nicolas Idier se sont rencontrés à Pékin en 2012, revus à Paris et, après plusieurs années, se retrouvent à Calcutta. Ils ont mille choses à se raconter : l’amour de leurs mères, la naissance de leurs enfants, leurs projets d’écriture, la révolte contre toutes les injustices, les grandes amitiés qui leur donnent le courage d’écrire. L’un vit entre Port-au-Prince et Paris, l’autre entre Pékin et Delhi, mais ce soir-là, ils sont assis au comptoir d’une boîte de nuit. La musique est si forte qu’elle emporte leurs paroles. C’est alors que l’un se penche vers l’autre et lui propose l’idée d’écrire un livre à deux. Voilà comment est né ce livre qui réunit deux voix de la littérature française et haïtienne. La sincérité absolue et incarnée de leur dialogue est une preuve de confiance et de fraternité comme on en trouve peu dans la littérature contemporaine.
Oscillant entre le roman, la poésie, l’essai, la confidence, sans aucun respect des catégories, Une boîte de nuit à Calcutta traverse toutes les frontières pour atteindre à l’universel.
DERNIER OUVRAGE
Romans
Les Brasseurs de la ville
Philippe Rey - 2016
Port-au-Prince. Une famille négocie sa survie au jour le jour. Il est maître- pelle sur un chantier, portefaix au dos labouré par des sacs de farine ; elle est marchande ambulante de serviettes, repasseuse chez les messieurs célibataires du quartier, n’hésitant à se donner à eux car sinon « la chaudière ne monterait pas le feu ». Cinq enfants. Leur fille ainée, Babette, adolescente, est leur seul espoir : elle a son brevet, leur offrira un gendre riche car elle est belle, « longues jambes, un large bassin qui donne de l’ampleur à ses fesses rondes et hautes ». Sa mère la rêve en Shakira.
Un certain M. Erickson se présente un jour, bien plus âgé qu’elle, très riche. Et surtout généreux pour la famille qu’il installe dans une confortable maison. Cet homme mystérieux pourvoit à tout. Mais pourquoi métamorphose- t-il Babette en blonde dont « les cheveux se secouent et ne perdent pas leur pli », au point que le quartier la nomme dorénavant la Barbie d’Erickson ? Sa mère constate, désolée : « ma fille n’est plus ma fille ». Qui est-il réellement, ce personnage aux trois maîtresses, vivant dans une luxueuse mai- son barricadée, entouré de gardes du corps ? En « putanisant » Babette, ses parents semblent s’être engagés sur une voie aux multiples périls, dont ils pressentent avec effroi qu’elle est sans retour.
Dans Les brasseurs de la ville, épopée à travers les quartiers pauvres de Port-au-Prince, du matin au soir, chacun des multiples personnages in- vente ses propres pas pour danser avec sa croix. Evains Wêche signe un talentueux premier roman qui met en lumière la lutte du peuple haïtien contre la déchéance et la mort, un peuple qui brasse la ville entre les bruits et les fureurs où s’entremêlent des histoires de courage, d’amour et de folie.
Revue de presse :
- « Un talentueux premier roman qui met en lumière la lutte du peuple haïtien contre la déchéance et la mort, un peuple qui brasse la ville entre les bruits et les fureurs où s’entremêlent des histoires de courage, d’amour et de folie. »
Livres Hebdo - « "Quand je descends à Port-au-Prince, je suis toujours impressionnée. On n’explique pas Port-au-Prince. On vit Port-au-Prince", souligne l’héroïne du premier roman d’Evains Wêche. Et pour vivre Port-au-Prince comme cette mère de famille nombreuse, il faut sans cesse agir, rebondir et se démener. Ils sont des milliers ainsi à brasser la ville (d’où le titre du roman), ces habitants qui sans cesse s’agitent et façonnent la capitale haïtienne autant qu’elle les modèle. »
Le Figaro