C’EST QUOI, LA FRANCE ?

5 mai 2016.

On accueille d’autant plus facilement les autres que l’on a
une idée forte de soi-même, de son histoire, de ses valeurs.
Les crispations d’aujourd’hui sont aussi le reflet d’un
malaise, d’une perte de repères. C’est quoi, la France, au
juste ? Comment est-elle perçue, du dehors et du dedans ?

 

Il est probable que la vision de la France n’est pas la même, entre ceux qui,
ici, la jugent a priori coupable de tout, ceux qui y vivent mais n’y trouvent
pas leur place, et ceux qui, se battant chez eux contre les dictatures, et sans
rien oublier de ce que fut la période coloniale, voient aussi dans la France
des valeurs émancipatrices… Avec cette remarque, à l’intention de ceux
qui voudraient rejouer à Charles Martel : que non seulement la France est
multiculturelle depuis le début de l’aventure coloniale, par réfraction de
l’autre et de l’ailleurs dans son espace mental, mais qu’elle l’est depuis les
origines, faite de Bretons, de Basques, de Picards, de Corses, d’Occitans…
dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils étaient au départ culturellement
éloignés.
Avec Pascal Blanchard, Velibor Čolić, Marcos Eymar et Abdourahman
Waberi.
Précédé par la projection de : Les Français, c’est les autres de Mohamed
Ulad et Isabelle Wekstein-Steig. À la question « Qui est français ? », la
quasi-totalité des élèves d’une classe de terminale dont la quasi-totalité
des élèves est issue de l’immigration lève la main. Mais à la question, « Qui
se sent français ? », aucun bras ou presque ne se détache. Pour le moins,
l’indice d’un problème…
► Sam. 15h, Grande Passerelle

UNE GUERRE DES IDENTITÉS ?
À en croire les médias, notre pays est plongé
dans un « maelstrom régressif animé par une
pensée décliniste » propageant la peur devant
l’étranger, l’immigré, le réfugié, déversant sa
haine contre l’Europe et la mondialisation.
Allons-nous, à ce train-là, vers une guerre des
identités ? Pascal Blanchard, Didier Daeninckx
(L’École des colonies), Alexis Jenni,
prix Goncourt 2011 et préfacier de l’ouvrage
dirigé par P. Blanchard, s’interrogent sur les
crises et crispations qui obscurcissent l’horizon.
► Dim. 12h, Univers

LES ZOOS HUMAINS
On a aujourd’hui peine à l’imaginer :
pendant plus d’un siècle, depuis la
Vénus hottentote, en 1810, jusqu’à la
Deuxième Guerre mondiale furent
exhibés dans des « zoos humains »
entre 30 et 35 000 de ceux qui
étaient jugés alors des « sauvages ».
Comment ces « zoos » ont-ils vu le
jour – et structuré nos préjugés en
Occident ? L’exposition sur ce thème
au Quai Branly en 2011-2012 a attiré
250 000 visiteurs. Le film nécessaire
de Rachid Bouchareb, Exhibitions,
sera suivi d’une rencontre avec Pascal
Blanchard, l’auteur de La Fracture
coloniale, Didier Daeninckx,
auteur de L’École au temps des
colonies et de Cannibales.
► Dim. 10h15, Auditorium

DES HÉROS AUX
« RACAILLES » DES STADES
Après la France « black-blanc-beur »
le temps du désamour ? Comme si
(depuis Knysna ?) l’équipe de France
devenait le théâtre des tensions qui
traversent la société, avec la jeunesse
des banlieues au banc des
accusés. Comme si les joueurs des
cités, « Noirs » et « Arabes », faisaient
de moins en moins partie de la communauté
nationale, sans légitimité
à porter le maillot de l’équipe de
France. Avec Pascal Blanchard,
Vincent Duluc, rédacteur en chef
des pages foot de L’Équipe et auteur
du beau Un Printemps 76 sur les
Verts.
► Dim. 15h45, Univers

« PENSER L’AUTRE » AVEC LILIAN THURAM
DIMANCHE 11H-13H, AU GRAND AUDITORIUM
Une grande rencontre entre Lilian Thuram et le public sur ce thème de
« Penser l’autre ». Avec sa fondation Éducation contre le racisme, Lilian
Thuram, qu’on ne présente plus, poursuit depuis 2008 un travail pédagogique
et militant pour une société métissée, plurielle, riche de ses différences.
« Penser l’autre », ou la lutte contre le racisme aujourd’hui – c’est
le thème aussi du concours de nouvelles qui aura mobilisé 6 000 jeunes
de l’ensemble des académies de France et d’Outre-mer ! Les trois lauréats
nationaux, choisis parmi 70 lauréats académiques, recevront leur prix des
mains de Lilian Thuram.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Dis-moi pour qui j’existe ?

JC Lattès - 2022

Lorsque sa fille de 6 ans tombe malade, Aden doit faire face à cette douleur inexpliquée et aux blessures anciennes qu’il croyait oubliées. Il lui faut affronter son passé, se souvenir et enquêter : est-ce que la maladie de Béa est la sienne ? Peuvent-ils se sauver ensemble ?

Aden est un professeur épanoui et un père heureux.
Mais la maladie subite de sa fille réveille des souffrances anciennes. Lui aussi, enfant, est tombé malade et soudain, son corps se souvient de tout : de la vie à Djibouti, du garçon solitaire qu’il était, de la seule douceur d’une grand-mère, du réconfort des livres.
Chaque jour, il téléphone et écrit à sa fille. Il lui raconte les paysages de sa jeunesse, convoque les mânes de ses ancêtres, faiseurs de pluie ; elle lui parle de son quotidien, l’impatience de courir à nouveau. Le père retranscrit leurs mots pour garder une trace de la lutte et vaincre le mal grâce à ce qu’ils ont de plus précieux : l’espoir.

Un roman bouleversant qui sonde l’enfance, sa part heureuse et sa part d’épouvante, le dialogue lumineux d’un père et d’une fille qui triomphent en s’appuyant sur la mémoire et la poésie.

 

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Récit

Guerre et pluie

Gallimard - 2024

Velibor Colic a en n écrit le récit de sa guerre, celle qu’il a vécue en 1992, depuis son enrôlement dans l’armée croato-bosniaque lors de l’invasion de la Bosnie par l’armée fédérale ex-yougoslave tenue par les Serbes, jusqu’à sa désertion, qui a marqué le début de sa vie en exil. Il l’avait évoqué dans son tout premier livre, Les Bosniaques, série de brefs récits de guerre, écrit en serbo-croate. C’est ici un projet d’une toute autre ampleur. La première partie raconte l’apparition, vers 2020, alors que l’auteur vit à Bruxelles, d’une maladie rare, provoquant l’éclosion de cloques douloureuses sur le corps et dans la bouche, qui fait revenir à sa mémoire les images des corps en déchéance. Il comprend aussi que si sa langue est attaquée par des aphtes purulents, c’est qu’il a dû s’arracher à sa langue maternelle pour venir habiter le français : le corps dit toutes ces déchirures. La deuxième partie évoque de façon saisissante la vie du jeune soldat de 28 ans jeté dans un univers d’épouvante : la guerre détruit les hommes, mais aussi les animaux, les arbres, tout ce monde de beauté paisible qui avait été le sien. La troisième partie raconte comment, ayant décidé de déserter, l’auteur a réussi à échapper à la guerre, au prix du deuil de tout ce qui avait fait sa vie jusqu’alors.« La mémoire parle une langue étrangère dont nous ne maîtrisons pas tous les signes », écrit Colic. C’est ce qui donne à ce récit son caractère à la fois halluciné et drolatique. L’horreur des tranchées, la déréliction des soldats, les souffrances, tout cet univers d’e4roi où aucune loi n’existe, est contrebalancé par la douceur merveilleuse des souvenirs d’avant – en particulier des souvenirs amoureux, évoqués avec une délicatesse et une poésie qui subjuguent. L’auteur se décrit avec une autodérision parfois enfiévrée de colère, comme un colosse branlant. C’est un livre de révolte mais aussi, paradoxalement, un livre plein de tendresse et de drôlerie, car l’auteur ne se départit jamais de son penchant pour les aphorismes sarcastiques ou absurdes. Ce grand livre est d’autant plus puissant qu’il résonne terriblement avec ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine.


 

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Récit

L’École des colonies

Hoëbeke - 2015

« Nos ancêtres les Gaulois. » C’est ainsi que débutent les cours d’histoire des écoles du Tonkin, du Dahomey ou du Soudan, à l’orée du XXe siècle. Le domaine colonial français - 11 millions de kilomètres carrés, 48 millions d’habitants - occupe alors le deuxième rang mondial.
Les écoliers d’Afrique subsaharienne, d’Asie, d’Océanie, des Antilles ou du Maghreb sont éduqués pour devenir de vrais Français. Chaque matin, les cours commencent après avoir inscrit en français sur un tableau noir « Mes enfants, aimez la France, votre nouvelle patrie ».
L’apprentissage de la langue est l’élément clé de la francisation. Hygiène, discipline et morale, les valeurs civilisatrices, sont inculquées sur un mode paternaliste tricoté de racisme.
Le traitement manichéen réservé à l’expansion coloniale dans les manuels scolaires reflète l’idéologie d’alors : le colonialisme envisagé comme une nécessité politique, économique et humanitaire, une oeuvre républicaine apte à établir ordre et paix. Un enseignement pour modeler aux besoins de la France une future main-d’oeuvre qu’il importe d’assimiler. En écho, les cartes de géographie détaillent les richesses économiques des "possessions" françaises et des affiches scolaires édifiantes sanctifient Savorgnan de Brazza ou Lyautey comme "pacificateurs".

 

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Essais

Olympisme, une histoire du monde. Des Jeux Olympiques d’Athènes 1896 aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

La Martinière - 2024

Cet ouvrage de référence sur les 30 Jeux Olympiques d’été, de 1896 à 2024, rend hommage aux athlètes à travers plus de mille images exceptionnelles. Une soixantaine de spécialistes, français et internationaux, offrent en parallèle un panorama complet de chacune des olympiades et proposent une « histoire-monde » résolument transnationale de l’olympisme moderne. Au cours de ces 130 années de Jeux Olympiques se dessinent les grandes mutations de nos sociétés et leurs enjeux politiques, économiques et culturels.

Ce catalogue de l’exposition présentée au Palais de la Porte Dorée d’avril à septembre 2024 retrace la construction des États-nations, l’émergence de la culture de masse, l’entre-deux-guerres marqué par l’opposition entre totalitarisme et démocratie, la Guerre froide, les vagues de décolonisation ou encore les revendications des minorités et des pays émergents. Il évoque aussi la mondialisation économique et le gigantisme des Jeux Olympiques d’aujourd’hui, la reconnaissance du paralympisme, sans oublier d’aborder les questions éthiques et sociétales qui traversent le mouvement olympique en ce XXIème siècle.

 

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Biographie

Un naturaliste sur le toit de la forêt - Francis Hallé raconté par Alexis Jenni

Paulsen - 2024

Bien plus qu’une simple biographie du botaniste Francis Hallé, ce livre est une réflexion et un hymne au vivant.
La première fois qu’Alexis Jenni vit Francis Hallé, c’était dans une bande dessinée. Puis il se passionna pour ses livres quand il était professeur de sciences naturelles, et ils finirent par se rencontrer. Ils avaient l’amour des arbres en commun, et cette idée que les sciences sont une très belle aventure intellectuelle et humaine, une façon de créer de la connaissance à partir de l’émerveillement ressenti devant les forêts.
Plus qu’une biographie, ce livre est la rencontre entre un romancier passionné de sciences et un botaniste enthousiaste qui partagent un même goût pour ces êtres doux et puissants vivant avec nous sur cette planète : les arbres. C’est un hommage à un homme et à une œuvre à la fois scientifique, pédagogique et esthétique, mêlant l’exploration de la canopée des forêts tropicales, l’enseignement et la production inlassable de dessins. C’est le récit d’une vie romanesque, mais aussi une réflexion sur ce qu’est un naturaliste aujourd’hui et comment étudier le vivant au moment où il est menacé par l’emballement des activités humaines.

 

DERNIER OUVRAGE

 
Bande Dessinée

Tous super-héros

Vivre vraiment ensemble ! C’est l’espoir qu’a toujours eu Lilian Thuram. Il a concrétisé ce souhait en créant en 2008 sa fondation Éducation contre le racisme. Mais depuis le 7 janvier 2015, l’urgence s’est faite encore plus forte et il a décidé de co-écrire avec Jean- Christophe Camus un livre destiné aux plus jeunes afin qu’ils prennent conscience que ce futur un peu utopique est désormais entre leurs mains.


Revue de presse :

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Hendaye

Actes Sud - 2015

Dans une vieille méthode d’espagnol trouvée chez un bouquiniste, Jacques a bien du mal à reconnaître la langue ardente de ses tantes venues à Paris pleurer la mort de sa mère. Il sombre dans l’alcool et quitte son emploi pour se lancer à corps perdu dans l’apprentissage obsessionnel de cette langue maternelle interdite, convaincu qu’elle seule peut expliquer les fractures de son enfance (l’émigration de ses parents dans les années 1960, l’énigmatique disparition du père communiste, le passé trouble de la mère). Bientôt il se voit proposer de faire franchir à une mystérieuse mallette la frontière des Pyrénées, lors d’hypnotiques allers-retours par le train de nuit. S’installe alors un périlleux va-et-vient entre Paris et Madrid, le français et l’espagnol, le passé et le présent pour cet homme impliqué à son corps défendant dans une dangereuse affaire criminelle de contrebande et une impossible histoire de fascination sexuelle et linguistique.
Sous ses allures de roman policier, ce livre écrit dans une langue très singulière dit la difficulté de se structurer sans le recours de la langue identitaire, et de n’avoir que la frontière pour condition et patrie.

Traduit de l’espagnol par Claude Bleton.


Revue de presse

« Marcos Eymar montre comment la solitude de l’homme demeure sa plus vaste prison. Et signe un texte puissant à plusieurs entrées magnifiquement traduit par Claude Bleton. » Jean-Rémi Barland, La Provence

« Une traversée de deux pays, revécue jusqu’au cauchemar, dont Marcos Eymar tire un roman prometteur sur la violence durable du déracinement. » Ariane Singer, Le Monde des Livres

 

DERNIER OUVRAGE

 

Kornelia

Stock - 2018

« Kornelia Ender est une femme oubliée, issue d’un monde perdu. Elle était une figure de la Guerre froide, l’époque les disait diplomates en maillot de bain, elle occupait le sommet des podiums où elle portait le message de la victoire du socialisme et de la RDA. Elle était l’autre moitié d’un couple mythique du sport des années 1970 : l’Amérique avait eu Joe Di Maggio et Marilyn, l’Allemagne de l’Est aurait Roland Matthes et Kornelia, le nageur et la nageuse, l’imagerie du bonheur au-delà du mur, un appartement tout neuf, une Trabant sans attendre, des amours publiques dans un pays au secret.

J’ai retrouvé une photo de Kornelia au fond d’un carton de souvenirs dans le grenier de mes parents. Sur une des fiches cartonnées des héros olympiques, elle sortait de l’eau, ses cheveux blonds plaqués en arrière, parce que les sirènes ne reviennent pas à la condition terrestre avec une frange qui leur tombe sur les yeux. Elle avait dix-sept ans et à cet âge tout battait la chamade, son cœur d’artichaut et ses ailes musculeuses qui rythmaient le papillon.

Alors je l’ai cherchée comme on part sur les traces d’un amour de jeunesse. Je l’ai guettée dans mes souvenirs, dans les vestiges d’un pays disparu, dans l’empreinte d’une époque qui avait sacré sa jeunesse et une blondeur blanchie par le chlore, dans les archives d’un régime qui avait tout consigné, même ce qu’elle avait oublié. J’ai fini par approcher du village où elle a choisi de s’arrêter pour regarder le temps qui passe, plus de quarante ans après l’été qui avait fixé sa gloire à jamais. J’espère que je l’ai trouvée. »