DEUX PENSEURS POUR LES TEMPS PRÉSENTS

5 mai 2016.
 

HENRY CORBIN (1903-1978)
Un immense philosophe à découvrir. Un passeur entre deux mondes, Orient et Occident.
Un chercheur qui invitait à renverser sans trembler nos catégories mentales, et oser
penser enfin les puissances d’une « imagination créatrice ». Et si les hérésies (étymologiquement
« libre choix ») étaient premières ? Si les prières alors étaient vécues comme des
poèmes, appel et accueil de l’Autre ? Si les dogmes étaient seconds, tentative d’enserrer
l’effervescence rebelle du poème dans des codes, des lois ? Sa conviction était que l’on
pouvait penser l’unité des religions du Livre non par le plus petit commun dénominateur
de leurs dogmes (les dogmes, prétendant à la vérité sont toujours potentiellement des
discours de guerre) mais par le foisonnement de leurs hérésies. Pour l’évoquer, Christian
Jambet, qui fut son élève et occupe aujourd’hui la chaire d’études islamiques à l’École
des Hautes études, Souad Ayada, philosophe, Seymus Daegtekin, écrivain et poète,
qui interprétera quelques poèmes du philosophe soufi Ibn Arabi, Abdennour Bidar,
philosophe et producteur à France Culture, les écrivains Atiq Rahimi et Michel Le
Bris qui, tous deux, ont été profondément marqués par sa pensée.
►Sam. 14h, Maupertuis

ANDRÉ GLUCKSMANN (1937-2015)
On ne mesure peut-être pas bien en France l’écho suscité dans
le monde par sa disparition. « Personne n’a joué un aussi grand
rôle dans le démontage de la pensée totalitaire » écrit l’Américain
Paul Berman : « Adam Michnik m’a dit que, pendant les années
noires du communisme en Pologne, les dissidents se passaient
ses écrits sous le manteau. Vaclav Havel fut son ami. Et j’ai vu
de mes propres yeux qu’en Ukraine et en Géorgie, Glucksmann
continue d’être vénéré aujourd’hui ». Le beau film qui lui est
consacré, Éloge du charbon, André Glucksmann, riche de
documents exceptionnels (ce moment où il oblige les généraux
russes à observer une minute de silence pour leurs victimes en
Tchétchénie !) sera suivi d’une rencontre avec Raphaël Glucksmann,
Paul Berman, Pascal Bruckner, l’écrivaine algérienne
Malika Boussouf, l’écrivaine tchétchène Milana Bakhaeva et
Michel Le Bris.
► Dim. 10h30, Théâtre Chateaubriand

 

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Poésie

De la bête et de la nuit

Le Castor Astral - 2021

Pour Şeyhmus Dağtekin, écrire, c’est tenter d’être juste envers soi-même et envers l’autre qu’il soit humain, animal, végétal, minéral. De la bête et de la nuit est issu de cette attention, de ce regard qui voudrait serrer, cerner l’autre au plus près de son être et de sa nuit.

De la bête et de la nuit marque à nouveau le lien profond que Şeyhmus Dağtekin entretient entre sa langue maternelle, le kurde, et sa langue d’adoption, le français. L’auteur renoue ainsi avec le Kurdistan à travers la langue française et les sonorités du kurde. Il impose une musique unique qui défie le temps et l’espace pour défier les agresseurs et les commandeurs éternels. Ces poèmes marquent une étape capitale dans sa quête d’identité qui dépasse les frontières.

 

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Essais

Le gouvernement divin : Islam et conception politique du monde

CNRS éditions - 2016

" Dieu est le souverain de l’univers parce qu’il est son créateur et il gouverne le monde terrestre par l’intermédiaire de ses prophètes dont le meilleur Mahomet ". Cet article de foi universellement reconnu en islam se prête à bien des interprétations. Ainsi, selon l’islam chiite, cette souveraineté divine est relayée sur la terre par les prophètes, mais aussi par les douze imams qui possèdent l’exclusivité de l’autorité politique et spirituelle après la mort de Mahomet. L’ayatollah Khomeiny, fondateur de la République islamique d’Iran, a prétendu fonder le pouvoir absolu du " savant en religion " sur le fait que ce savant serait le représentant des imams. Mais n’y aurait-il pas, en islam, une autre conception politique du gouvernement, une autre façon de fonder son pouvoir ? Le théoricien chiite Mullâ Sadrâ (1571-1641), dont l’oeuvre est ici étudié dans son développement conceptuel, propose en effet une alternative à l’interprétation dominante. Chez cet auteur, Dieu est toute chose, est présent en toute chose et son " trône " réside, non pas au-dessus de l’univers, mais dans le coeur du vrai fidèle, du savant éclairé. La religion devient un exercice spirituel d’intériorisation des sens cachés du Coran et un ensemble de savoirs qui visent à produire une liberté intérieure semblable à celle que connaît Dieu. Une quête impérieuse de la vie bienheureuse, antidote à tous les dogmatismes religieux.

 

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Essais

Pour l’amour des livres

Grasset - 2019

« Nous naissons, nous grandissons, le plus souvent sans même en prendre la mesure, dans le bruissement des milliers de récits, de romans, de poèmes, qui nous ont précédés. Sans eux, sans leur musique en nous pour nous guider, nous resterions tels des enfants perdus dans les forêts obscures. N’étaient-ils pas déjà là qui nous attendaient, jalons laissés par d’autres en chemin, dessinant peu à peu un visage à l’inconnu du monde, jusqu’à le rendre habitable  ? Ils nous sont, si l’on y réfléchit, notre première et notre véritable demeure. Notre miroir, aussi. Car dans le foisonnement de ces histoires, il en est une, à nous seuls destinée, de cela, nous serions prêt à en jurer dans l’instant où nous nous y sommes reconnus – et c’était comme si, par privilège, s’ouvrait alors la porte des merveilles.

Pour moi, ce fut la Guerre du feu, « roman des âges farouches  » aujourd’hui quelque peu oublié. En récompense de mon examen réussi d’entrée en sixième ma mère m’avait promis un livre. Que nous étions allés choisir solennellement à Morlaix. Pourquoi celui-là  ? La couverture en était plutôt laide, qui montrait un homme aux traits simiesques fuyant, une torche à la main. Mais dès la première page tournée… Je fus comme foudroyé. Un monde s’ouvrait devant moi…

Mon enfance fut pauvre et solitaire entre deux hameaux du Finistère, même si ma mère sut faire de notre maison sans eau ni électricité un paradis, à force de tendresse et de travail. J’y ai découvert la puissance de libération des livres, par la grâce d’une rencontre miraculeuse avec un instituteur, engagé, sensible, qui m’ouvrit sans retenue sa bibliothèque.

J’ai voulu ce livre comme un acte de remerciement. Pour dire simplement ce que je dois au livre. Ce que, tous, nous devons au livre. Plus nécessaire que jamais, face au brouhaha du monde, au temps chaque jour un peu plus refusé, à l’oubli de soi, et des autres. Pour le plus précieux des messages, dans le temps silencieux de la lecture  : qu’il est en chacun de nous un royaume, une dimension d’éternité, qui nous fait humains et libres. »


 

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Récit

Si seulement la nuit

P.O.L. - 2022

Confinés séparément, le père et la fille ont entretenu un échange épistolaire en 2020 pour s’encourager, raconter à l’autre son quotidien et se donner des nouvelles rassurantes. Mais très vite leur correspondance, émouvante et inquiète, s’assombrit, vire à l’écriture tourmentée de soi, et s’engage dans le récit d’une famille bouleversée par la politique, l’exil et l’art.

Le père, écrivain et cinéaste d’origine afghane, est incapable d’écrire un mot de fiction, de reprendre l’écriture de son roman. Il se croit alors enfermé dans un monde virtuel. Sa fille, née en France de parents exilés, étudiante en art dramatique, s’interroge sur son identité réelle. Ce sont ses mots et ses interrogations, à elle, qui ramène son père à la réalité du monde actuel, et à la réminiscence de son passé douloureux, volatile. Le passé ressurgit entre eux comme un fantôme encombrant, et que le père et la fille ont bien du mal à partager.

Alors que les nouvelles de l’Afghanistan sont chaque jour de plus en plus angoissantes, le père parvient à raconter ce qu’il n’avait jamais dit à sa fille : la fuite de Kaboul, l’invraisemblable périple jusqu’au Pakistan, la famille, les amis abandonnés ou disparus.
Ainsi deux générations, en s’écrivant, racontent le monde, la vie et les sentiments d’une famille exilée. Le père vit dans la nostalgie et l’inquiétude des événements, la fille s’interroge sur son identité et veut croire en l’avenir. Une transmission est-elle encore possible ? Et derrière les mots échangés, qui se révèle ? et qui se cache toujours ?

 

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Essais

L’Islam des théophanies : Une religion à l’épreuve de l’art

CNRS Editions - 2010

L’islam offre deux visages : celui d’un monothéisme abstrait, où domine la transcendance de Dieu, au risque d’engendrer le fanatisme. Mais aussi, et surtout, celui, plus discret, mais non moins insistant, d’un monothéisme concret, qui valorise la manifestation visible de l’essence de Dieu dans l’apparition sensible des actions divines. Dans cette étude pionnière qui surprendra par sa liberté de ton, Souâd Ayada renouvelle en profondeur notre connaissance des systèmes de pensée qui ont fondé l’islam des théophanies. Un modèle de sagesse aux antipodes de l’austérité coranique, selon lequel Dieu se donne à voir par l’entremise de l’" homme parfait " et par toutes les formes de beauté qui révèlent sa majesté. Réconciliant l’amour, l’intelligence et la connaissance, cette conception de la révélation, notamment portée par le soufisme, préserve l’islam de toute dérive juridique et politique, et accorde à l’art toute sa place. Elle constitue l’antidote que l’islam a lui-même produit pour guérir le mal du dogmatisme et l’intolérance.

Dévoilant les impasses et les contradictions du fondamentalisme, dialoguant avec les sources juives et chrétiennes, confrontant le message du soufisme à la philosophie de Hegel ou à la pensée d’Emmanuel Levinas, Souâd Ayada signe un livre essentiel, en forme de plaidoyer pour une approche audacieuse, exigeante et ouverte de l’islam.

 

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Essais

Les Passeurs

Les liens qui libèrent - 2016

« Je suis, tu es, vous êtes, nous sommes Tisserands », c’est-à-dire de ceux qui œuvrent aujourd’hui à réparer tel ou tel pièce du grand tissu déchiré du monde humain : fractures sociales, conflits religieux, guerres économiques, divorce entre l’homme et la nature, etc… Après le succès de la « Lettre ouverte au monde musulman » – plus de 20.000 ex – Abdennour Bidar a décidé de mettre à l’honneur et de « relier tous ces relieurs » qui réparent et construisent le monde de demain.

 

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Essais

La Sagesse de l’argent : essai

Grasset - 2016

« L’argent est une promesse qui cherche une sagesse. L’expression doit s’entendre au double sens : il est sage d’avoir de l’argent, il est sage de s’interroger sur lui. Il rend tout homme philosophe malgré lui : bien penser, c’est aussi apprendre à bien dépenser, pour soi et pour autrui. Avec l’argent, nul n’est à l’aise : ceux qui croient le détester l’idolâtrent en secret. Ceux qui l’idolâtrent le surestiment. Ceux qui feignent de le mépriser se mentent à eux-mêmes. Engouement problématique, réprobation impossible. Telle est la difficulté. Mais si la sagesse ne consiste pas à s’attaquer à cela même qui paraît à tous le symbole de la folie, à quoi bon la philosophie ? »

 

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Essais

Cours vite camarade ! : La génération 68 et le pouvoir

Denoël - 2006

En janvier 2001, le magazine Stern publia plusieurs photographies de Joschka Fischer, alors ministre allemand des Affaires étrangères, prises lors d’une échauffourée en 1973. Sur ces clichés, le jeune Fischer frappe violemment un policier à l’issue d’une manifestation.
Ces images déclenchèrent un scandale. Derrière la personnalité d’un homme politique qui comptait parmi les plus populaires de son pays, c’est toute une génération qui était sommée de se justifier sur son itinéraire, son esprit de rébellion, ses engagements et son influence. Le procès de la génération 68 venait de s’ouvrir. Daniel Cohn-Bendit fut l’un des premiers accusés à la faveur d’une lecture biaisée de ses écrits de jeunesse.
Les affaires Fischer et Cohn-Bendit ne sont pourtant rien d’autre que l’histoire d’individus qui ont connu dans leur vie une évolution incompréhensible si elle est détachée des traumatismes de notre temps.
Joschka Fischer, Bernard Kouchner, Daniel Cohn-Bendit et André Glucksmann sont les figures les plus éminentes de cette Nouvelle Gauche qui refuse toute compromission avec le totalitarisme, quel qu’il soit. Une internationale de la contestation dont la guerre d’Irak a révélé les failles mais aussi les relais dans le monde musulman.

Figure éminente de la gauche américaine, ancien soixante-huitard et, surtout, spécialiste de l’Europe et de la France, Paul Berman était le mieux placé pour raconter avec le détachement nécessaire cette aventure collective. Cours vite camarade ! raconte la fin de l’idéalisme et la découverte du pouvoir. Le roman d’une génération.
Paul Berman est l’auteur des Habits neufs de la terreur (Hachette littératures, 2004).

 

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Entretiens

Musulmanes et laïques en révolte

Hugo & Cie - 2014

Dans les sociétés musulmanes qui déclarent aspirer à la modernité, le sort de la démocratie est intimement lié à la place qu’occupent les femmes. En première ligne, à chaque séisme populaire – instinct social de survie oblige – elles affrontent la force d’un conservatisme musulman réfractaire à tout changement et propre aux sociétés dont le système patriarcal et religieux est érigé en modèle de gouvernance. Que dire alors, des femmes dont on bafoue les droits, en temps de paix ? Aujourd’hui, face à la montée islamiste, elles sont les premières menacées et leurs droits sont encore davantage en recul. Le long d’un printemps qui semblait fleurir bon la révolution, elles ont nourri des espoirs et rêvé de changements mais elles sont restées sur le quai. Nous avons voulu aller à leur rencontre. Ce livre est une manière de rendre hommage à ces femmes arabes " rebelles " qui ont la force de dire " NON " et le courage de résister pour asseoir solidement leur émancipation, malgré les lourdes sanctions qu’elles encourent. Ce livre est un hommage à leur combat, il est aussi un cri d’alarme. L’islamisme intégriste répandu en terre musulmane, s’implante peu à peu en Occident et constitue une menace pour nos démocraties occidentales, comme elles le clament elles-mêmes haut et fort. Voici 15 portraits chocs de femmes qui invitent à la réflexion et à l’action... Djamila Benhabib, (Ma vie à Contre Coran, éd. H&O), femme politique algérienne qui vit aujourd’hui au Canada ; Aayan Hirsi Ali(Insoumise, Ed. Robert Laffont) femme politique néerlandaise d’origine somalienne ; Israhad Manji, née en Ouganda est journaliste et vit au Canada ; Necla Kelek, est une sociologue allemande d’origine turque ; Mina Ahadi est iranienne ; Talisma Nasreen née au Bangladesh est écrivain, réfugiée en Suède ; Wafa Sultan (Un dieu de haine, St Martint Presse) est syrienne ; Chahdortt Djavann, écrivain (Bas les voiles, et Je ne suis pas celle que je suis, Ed. Flammarion), est née en Iran ; Brigitte Gabriel, libanaise chrétienne vit aux États unis ; Nonie Darwish, journaliste née au Caire vit aux États-Unis, Hélé Bejiest tunisienne ( Islam Pride) ; Haifaa Al Mansour est la première femme saoudienne cinéaste...

 

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Essais

Les Enfants du vide. Sortons de l’individualisme

Allary Éditions - 2018

« Nous sommes libres, sommes-nous pour autant heureux ? La sourde inquiétude qui nous tenaille vient de l’absence d’horizon collectif, de la crise des récits et des structures qui inscrivaient hier encore l’individu dans un tout. Nos parents ont déconstruits ces récits qui étaient des mythes aliénants, et ils ont eu raison. Mais nous ne pouvons nous contenter du rien qui prit leur place.
Si nos aînés sont arrivés au monde dans une société saturée de sens, nous sommes nés dans le vide. Leur mission était de briser des chaînes, la nôtre sera de retisser des liens.
La démocratie repose sur les droits de chacun, mais pas seulement. La tâche de notre génération sera de nous préoccuper de ce "pas seulement" qui fut trop longtemps délaissé : le droit du tout sur chacun. Car si nous ne le faisons pas, les forces les plus autoritaires le feront à notre place. » R.G.

Dans la lignée de Génération gueule de bois, Raphaël Glucksmann interroge le manque d’horizon collectif des générations élevées dans des sociétés individualistes.