Grande Guerre, fin des Empires

24 juin 2014.
 

Avec Hankan Günday, Ron Rash, Joseph Boyden, Paolo Rumiz, Chris Womersley.
Animé par Hubert Artus.

« La der des ders », croyait-on : c’était juste le début. C’était juste les débuts d’un siècle de fer et de sang. Effondrement des empires allemands, austrohongrois, ottomans, révolution de 17, naissance de l’union soviétique à l’Est, et débuts de la fin pour les empires coloniaux. Comment après pareille boucherie se donner encore comme les porteurs de valeurs universelles ? Comment, pour les puissances occidentales, ne pas subir un choc en retour des peuples colonisés lorsqu’au nom de ces valeurs ceux-ci ont été précipités dans cet enfer ? La fin des empires coloniaux s’amorce là – tandis que l’ethnologie prend un nouvel essor, et change le regard des écrivains : si les valeurs de l’Occident sont mortes dans les tranchées, il est ailleurs d’autres cultures, d’autres manières d’être qui méritent attention…

 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Dans le grand cercle du monde

Albin Michel - 2014

Ce roman a fait événement au Canada où il a été salué par la presse comme un chef-d’œuvre et considéré comme l’un des meilleurs livres de 2013.
C’est un roman époustouflant, palpitant, dont on tourne les pages sans même s’en rendre compte, et qui entraîne le lecteur dans le Canada du XVIIe siècle pour un voyage inoubliable.

Un jeune jésuite français est venu avec d’autres en Nouvelle-France évangéliser les Indiens. Il n’est là que depuis un an quand ses guides l’abandonnent et le laissent à la merci des Iroquois lancés à leurs trousses. Ainsi commence pour le jeune homme une odyssée incroyable où très vite les Hurons le font prisonnier à leur tour ainsi qu’une jeune captive iroquoise à la personnalité mystérieuse. Leur ravisseur, un grand guerrier qui a perdu toute sa famille, sait qu’un grand et nouveau danger menace son peuple.
Ce roman épique, qui restitue l’atmosphère des premiers contacts entre Indiens et Blancs en Amérique du Nord, est enraciné tout à la fois dans la beauté naturelle et la brutalité de la colonisation de ce continent.
Les trois personnages principaux dont les voix tissent l’écheveau de cette fresque saisissante nous entraînent dans un monde où se côtoient la guerre et l’espoir, la méfiance et la concorde, la destruction et la vie, la haine et l’amour.
C’est à un vrai voyage dans le temps que nous invite Joseph Boyden dans ce livre fort, inoubliable, incroyablement dépaysant et émouvant, qui réussit le tour de force d’être d’une incroyable modernité.

Traduit anglais (Canada) par Michel Lederer

 

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Le phare : Voyage immobile

Hoëbeke - 2015

Paolo Rumiz pour son nouveau livre a fait un voyage auquel même lui sans doute ne s’attendait pas. Lui qui a longé les 6 000 kilomètres des frontières de l’Europe du nord au sud, traversé les Balkans, franchi les montages à la recherche d’Hannibal, ramé tout au long du fleuve le Pô, lui, le grand voyageur italien, décide de vivre et de nous faire vivre son premier voyage immobile dans un phare perdu au milieu de la Méditerranée, loin de tout et de tous, hormis les gardiens.
Soudain libéré de tout contact avec le monde extérieur – il n’a ni radio, ni télé, ni internet, ni même un téléphone – il se consacre, quand le temps le permet, à l’exploration de son environnement plutôt réduit puisque le phare est perché sur un récif où il n’y a aucune autre habitation. Il nous présente donc tour à tour la nature, la faune domestique (il y a quand même un âne et une poule) et la faune sauvage (dominée par les innombrables oiseaux), les poissons, le bâtiment où il loge, ceux qui l’habitent ou qui l’ont habité jadis, sans oublier d’autres occupants de phares qu’il a connus dans son enfance, il nous parle du temps qu’il fait, des vents, des bateaux qui passent, de ses pensées, de ce qu’il mange et de bien d’autres choses encore. Bref, il nous dit tout, sauf le nom de cet archipel mystérieux, qu’il tient à cacher, de peur d’y voir déferler des hordes béotiennes. Il livre certes quelques indices, mais ceux-ci amènent le lecteur à se demander si la vérité ne serait pas plus compliquée qu’il n’y paraît et à conclure que le phare du récit pourrait bien être, en réalité, un savant amalgame d’expériences diverses. En tout cas, le récit est prenant, et inoubliable. C’est avec une indéniable volupté que ceux qui rêvent d’une tour d’ivoire se laisseront entraîner jusqu’à ce lieu austère, à l’écart du monde, même s’il faut en repartir.

 

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Romans

La compagnie des artistes

Seuil - 2016

Melbourne, 1986. A dix-huit ans, Tom Button a quitté sa campagne natale pour venir étudier à l’université, profitant de l’appartement dont ont hérité ses parents à la mort de sa tante Helen. Le logement est situé dans une résidence des années 1930 un peu décrépite baptisée « Cairo », au sein de laquelle il fait la connaissance d’un musicien excentrique, de son épouse et de leur grand cercle d’amis artistes. Sous le charme de ces originaux dont le style de vie le fascine, totalement émerveillé par l’énergie qui fait vibrer la capitale culturelle et artistique de l’Australie, Tom se laisse happer par cet univers de fêtes et de mondanités et perd progressivement pied avec la réalité. Lorsqu’il commence à entrevoir la vérité, il comprend que ses amis si charismatiques ne sont peut-être pas ce qu’ils prétendent être ; pourtant, il ne parvient pas à se libérer de leur emprise et se retrouve complice d’opérations dangereuses et risquées, dont l’un des vols de tableau les plus célèbres du XXe siècle : La femme qui pleure, de Picasso.
Dans ce nouveau roman, tout entier construit autour du regard du jeune Tom Button, Chris Womersley s’attache à questionner le vrai et le faux tout en évoquant avec émotion la jeunesse, ses illusions et ses tourments, ses rêves et ses déceptions. Dominé par un suspense psychologique entêtant, dans un milieu où il ne faut jamais se fier aux apparences, La compagnie des artistes est un superbe roman d’apprentissage où la beauté de l’écriture est aussi bouleversante que la justesse de ses personnages.

 

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Romans

Zamir

Gallimard - 2024

Zamir a six jours lorsqu’une bombe explose à al-Aman, un camp de réfugiés à la frontière turco-syrienne où sa mère l’a abandonné. Il survit, grâce à l’acharnement d’un chirurgien, mais reste défiguré. Élevé par All for All, une organisation humanitaire internationale, il devient un symbole, une image idéale pour collecter des fonds. Jeune adulte, il s’en émancipe pour rejoindre la Fondation pour la Première Paix mondiale et investir un poste clé de négociateur de l’ombre. Partout où un conflit armé est sur le point d’éclater, Zamir se précipite, l’empêche. Il rencontre des ministres, des dictateurs, des terroristes, ne recule devant rien. Pour les forcer à négocier, il les trompe, les fait chanter. Il n’a qu’un seul mot d’ordre : la paix avant tout, quel qu’en soit le prix.
D’une plume alerte et franche, Hakan Günday lève le voile sur la corruption et l’hypocrisie qui se cachent derrière la charité des organisations humanitaires, le cynisme des individus, la façon dont l’Occident lave sa conscience. Dans un monde alternatif qui a tout en commun avec le nôtre, il tire les fils de problématiques contemporaines pour bâtir une fiction palpitante autour d’un personnage inoubliable.

Traduit du turc par Sylvain Cavailles


 

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Romans

Un silence brutal

Gallimard - 2019

Dans cette contrée de Caroline du Nord, entre rivière et montagnes, que l’œuvre de Ron Rash explore inlassablement depuis Un pied au paradis, un monde est en train de s’effacer pour laisser la place à un autre. Le shérif Les, à trois semaines de la retraite, et Becky, poétesse obsédée par la protection de la nature, incarnent le premier. Chacun à sa manière va tenter de protéger Gerald, irréductible vieillard amoureux des truites, contre le représentant des nouvelles valeurs, Tucker. L’homme d’affaires, qui loue fort cher son coin de rivière à des citadins venus goûter les joies de la pêche en milieu sauvage, accuse Gerald d’avoir versé du kérosène dans l’eau, mettant ainsi son affaire en péril.

Les aura recours à des méthodes peu orthodoxes pour découvrir la vérité. Et l’on sait déjà qu’avec son départ à la retraite va disparaître une vision du monde dépourvue de tout manichéisme au profit d’une approche moins nuancée.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Isabelle Reinharez