WABERI Abdourahman

Djibouti

28 avril 2023.

Éloigné de sa terre natale pour un « exil provisoirement définitif » comme il aime à le rappeler, le poète et écrivain Adbourahman Waberi fait de l’écriture un jeu. Lyrisme, fable et malice font le charme de son style dont les images et symboles rendent une voix et une fierté à son continent d’origine. Auteur d’une trilogie littéraire sur Djibouti, il reçoit le Grand Prix de la nouvelle francophone de l’Académie Royale de Langue et Littérature Française de Belgique et, en 1996, le Grand Prix de l’Afrique noire pour Cahier nomade. Dans Dis-moi pour qui j’existe ?, son dernier roman, il trace un chemin émouvant entre Djibouti et la France, puisant dans ses souvenirs d’enfance pour trouver le réconfort qui crée l’espoir.

 

Éloigné de sa terre natale pour un "exil provisoirement définitif" comme il aime à le rappeler, le plus normand des écrivains djiboutiens, nouvelliste, poète et romancier, fait partie de la génération d’auteurs africains rassemblés dans les années 2000 par les éditions d’Étonnants Voyageurs à Bamako. Lyrisme, fable et malice font le charme de l’écriture d’Abdourahman Waberi, qui joue avec les mots et leur pouvoir, réinterprète les images et les symboles pour rendre une voix et une fierté à un continent largement oublié par l’Histoire mondiale depuis la décolonisation.

Abdourahman A. Waberi a "l’ identité multiple". Né français en 1965 à Djibouti, alors toujours sous l’autorité de la France, il se retrouve djiboutien au moment de l’indépendance du pays en 1977. Étudiant puis professeur d’anglais dans l’hexagone, il recouvre la nationalité française après son mariage en 1991 en Normandie. Critique politique proche de l’opposition, il garde des rapports complexes et tendus avec la République de Djibouti et ses publications, engagées, dénoncent avec virulence les déchirements et les errances d’un pays à la dérive, dépossédé de son passé et de ses traditions. Son œuvre, tout comme son appel au boycott de l’élection présidentielle du président sortant Ismaël Omar Guelleh, unique candidat en 2006, lui ont valu les représailles de la presse gouvernementale de son pays d’origine.
Dans sa trilogie Tentative de définition de Djibouti, qui comprend Le Pays sans ombre, Cahier nomade et Balbala (Serpent à plumes, 1994-1996-1998), il superpose contes, légendes, récits documentaires et extraits d’articles de journaux pour composer une fresque impressionniste montrant un pays terrassé par les fièvres, les famines, la corruption et les guerres. Largement primé, il a reçu pour son premier ouvrage, Le Pays sans Ombre, le Grand Prix de la nouvelle francophone de l’Académie Royale de Langue et Littérature Française de Belgique et, en 1996, le Grand Prix de l’Afrique noire pour Cahier nomade.

Saisi par l’urgence de rendre compte du génocide survenu au Rwanda, il publie en 2000 Moisson de crânes (Le Serpent à Plumes), un essai mâtiné de fiction qui décrit avec force la peur, le dénuement, l’horreur des massacres. Puis, en 2001, il publie Rift Routes Rails, variations romanesques (Gallimard), et Transit (Gallimard, 2003), deux textes sur la tentation perpétuelle de la migration et de l’exil des victimes des guerres civiles.

Publié par des journaux et revues tant africains qu’internationaux et dans une vingtaine d’anthologies, traduit dans une dizaine de langues, Abdourahman Ali Waberi est l’un des 44 signataires du Manifeste pour une Littérature-Monde (2006).

En 2006 il est lauréat de la plus prestigieuse bourse de création allemande Berliner Kunstlerprogramm DAAD (catégorie littérature), ce qui lui permet de profiter durant un an d’une résidence d’écrivain à Berlin .

Avec Passage des larmes (Lattès 2009), Waberi signe une peinture poétique et polyphonique de Djibouti, à travers l’histoire de Djibril, un intellectuel de Montréal, de retour au pays pour une mission d’espionnage, après dix huit ans d’exil. Entre autoportrait et réflexion sur le temps et la mémoire, l’auteur rend un bel hommage au philosophe allemand Walter Benjamin et écrit le roman d’un pays devenu la plus grande poudrière du monde après l’Afghanistan et l’Irak.

En 2010, Abdourahman A. Waberi présente un recueil de nouvelles réunissant des récits d’auteurs d’Afrique et du monde, qui dressent un portrait du continent noir à travers le prisme d’une passion commune : le football.

Avec La Divine Chanson, A. Waberi donne vie à un personnage inspiré de la légende de la soul music, du hip-hop et du jazz américains, Gil Scott-Heron. Son « Sammy l’enchanteur » et son chat qui sert de voix de narration nous emmènent sur les traces du musicien, entre Paris, New York et Berlin. Entre fantasme, légende et réalité, ce livre nous offre une belle plongée dans l’Amérique, dans un flux musical de digressions oniriques et de réflexions culturalistes.

En 2016, il publie un recueil de poèmes sur la religion et la tolérance intitulé Mon nom est aube. Poésie de l’éveil, ce recueil contemplatif, ponctué de lectures du Coran, est l’occasion d’une réflexion sur la spiritualité de l’homme.

Son roman Aux Etats-Unis d’Afrique (2006), réédité en poche chez Zulma (2017), fait partie de la séléction de livres pour la journée des lycéens. Abdourahman Ali Waberi y inverse les données économiques et géopolitiques du monde. L’Afrique, nation fédérée en États riches et modernes, leader mondial, domine désormais l’Europe et l’Amérique rongées par la misère et les guerres ethniques. Fable utopique ou miroir inversé, l’épopée de la petite Maya, exilée de sa Normandie miséreuse, propose au lecteur un renversement de perspective jubilatoire, qui met à mal les évidences sur l’Afrique et les migrations.


Bibliographie


 

DERNIER OUVRAGE

 
Romans

Dis-moi pour qui j’existe ?

JC Lattès - 2022

Lorsque sa fille de 6 ans tombe malade, Aden doit faire face à cette douleur inexpliquée et aux blessures anciennes qu’il croyait oubliées. Il lui faut affronter son passé, se souvenir et enquêter : est-ce que la maladie de Béa est la sienne ? Peuvent-ils se sauver ensemble ?

Aden est un professeur épanoui et un père heureux.
Mais la maladie subite de sa fille réveille des souffrances anciennes. Lui aussi, enfant, est tombé malade et soudain, son corps se souvient de tout : de la vie à Djibouti, du garçon solitaire qu’il était, de la seule douceur d’une grand-mère, du réconfort des livres.
Chaque jour, il téléphone et écrit à sa fille. Il lui raconte les paysages de sa jeunesse, convoque les mânes de ses ancêtres, faiseurs de pluie ; elle lui parle de son quotidien, l’impatience de courir à nouveau. Le père retranscrit leurs mots pour garder une trace de la lutte et vaincre le mal grâce à ce qu’ils ont de plus précieux : l’espoir.

Un roman bouleversant qui sonde l’enfance, sa part heureuse et sa part d’épouvante, le dialogue lumineux d’un père et d’une fille qui triomphent en s’appuyant sur la mémoire et la poésie.