Carson McCullers

(Fabrice Cazeneuve et Jacques Tournier, Médian Film - France 3, 1995, 45’)

27 juin 2013.
 

Coécrit avec Jacques Tournier, auteur du livre Retour à Nayack consacré à l’écrivain, cette balade triste du réalisateur Fabrice Cazeneuve fait revivre le couple Carson et Reeves McCullers qui, toute leur vie, se sont déchirés, lui pour vivre, elle pour écrire. Issus du Sud profond (Carson décrit Colombus en Georgie dans « la Ballade du café triste » comme un endroit loin de tout, un endroit loin du monde où « l’ennui pourrit l’âme »), la jeune fille choyée qui se destinait au piano et le caporal de Fort Benning mèneront une vie singulière. Ils ont fait un pacte dès leur mariage : chacun écrira pendant un an alors que l’autre gagnera l’argent du ménage. L’émission recrée, en revenant sur lieux où ils ont vécu (le Sud et ses maisons à colonnades, mais aussi New York, Paris) leur vie tout entière consacrée à la littérature, Reeves prenant peu à peu ombrage des succès de Carson.

Peu d’images du couple, mais des photos de Carson surtout, avec sa bouille ronde, son nez retroussé sous la frange, ses grands yeux fiévreux, sa silhouette androgyne. Toute sa vie, elle aura des problèmes de santé, Reeves se battant avec l’alcool. Unis dans une sorte de gemellité, l’homosexualité latente de l’un comme de l’autre n’est pas abordée dans ce film. La guerre survient, Reeves part avec les Rangers et sera blessé trois fois. Ils divorcent, se remarient, voyagent au fil de la réussité littéraire de Carson : « Reflets dans un oeil d’or » (porté à l’écran avec Elizabeth Taylor et Marlon Brando) qui déchaînera la colère du Ku Klux Klan, « Frankie Addams » dont l’adaptation théâtrale sera un succès à Broadway.

En 1953, Reeves se suicide dans un hôtel à Paris : « Si j’avais su l’aider, il serait encore vivant », écrit Carson dans « la Racine carrée du merveilleux ». Celle qui voulait intituler un de ses livres « In Spite of » (ceux qui ont réussi leur vie « en dépit de tous les obstacles ») s’éteindra en 1967 à l’âge de cinquante ans, à moitié paralysée, écrivant vers la fin de sa vie avec un pinceau attaché au poignet.

Présenté par Pierre Pelot