THUBRON Colin

Angleterre

22 février 2012.
 

Biographie

© Bert Elsen

Colin Thubron, président de la Royal Society of Literature et Commander of the British Empire, est l’un des derniers gentlemen travellers. Lointain descendant de John Dryden (l’auteur anglais le plus influent du 17ème siècle) il naît le 14 juin 1939 à Londres. Etudiant au prestigieux Eton College, il travaille ensuite comme éditeur entre Londres et New-York puis comme réalisateur pour la télévision en Turquie, au Japon et au Maroc.

Ses premiers récits de voyage publiés à la fin des années 1960 se situent principalement au Moyen-Orient. De la Syrie au Liban en passant par Israël, Colin Thubron se fait déjà une spécialité d’explorer ces mondes que l’Occident connaît mal et, parfois, craint.« Mes récits de voyage naissent de ma curiosité pour ces mondes que ma génération trouve menaçants : la Chine, la Russie, le monde islamique… (et peut-être avais-je aussi le désir de les rendre plus humains, de les comprendre). Mes romans, à l’inverse, semblent naître en réaction à cette démarche d’ouverture et provenir d’envies et d’attentes plus personnelles, plus profondes : ils sont souvent situés dans des endroits clos (prison, asile psychiatrique ou même l’esprit d’un amnésique). Mon écriture balance entre ces deux genres. » Très vite son style brillant, dense et élégant le place parmi les grands auteurs de sa génération. Il se lie d’amitié avec Bruce Chatwin et est intronisé à la Royal Society of Litterature en 1969.

Dans les années 1980, Colin Thubron s’intéresse aux grand empires de l’Est, il publie deux ouvrages considérés d’emblée comme des chefs-d’œuvre : en 1983, Les Russes (Payot, 1991) un voyage dans l’URSS de Brejnev et en 1987, Derrière la Grande Muraille (Payot, 1991) qui reçoit le Thomas Cook Travel Book Award. Il parcourra encore l’Asie, de ce qu’Alexandre Soljénitsyne appelait l’Archipel du Goulag en Sibérie jusqu’aux montagnes afghanes, menant une réflexion poussée sur l’éclatement de l’URSS.

Colin Thubron s’inscrit dans une tradition littéraire anglaise qui remonte aux écrivains voyageurs de l’époque élisabéthaine. Extrêmement documenté, il prépare toujours méticuleusement ses voyages. L’histoire des lieux, leur géographie, les us et coutumes… il va jusqu’à apprendre une langue nouvelle lorsque c’est nécessaire (Mandarin ou Russe) et même ses connaissances en botanique sont impressionnantes. C’est que, selon lui, l’histoire, la géographie, les constructions humaines et les peuples entretiennent des relations totalement intimes. Ses récits s’attachent donc à montrer comment l’Histoire peut façonner les peuples et les paysages. S’il est un arpenteur de mondes hors pairs, il est aussi l’explorateur des relations humaines, de la mémoire, et n’a de cesse de mesurer la distance qui sépare l’idéal du réel.

Poursuivi par le KGB à Kiev, en position inconfortable dans un bain avec un nabab chinois ou presque contraint de vendre ses jeans à un géant russe qui rentre à grand peine dedans, Colin Thubron sait faire passer dans ses récits toute l’âme du voyage, le comique ou le ridicule des rencontres lorsque deux mondes nouveaux se rapprochent pour la première fois, la solitude ou le découragement ressentis sur la route, la peur, jusqu’à craindre pour sa vie.

Sorti en 2006 en Angleterre, son livre, L’Ombre de la Route de la Soie (Hoebeke collection Etonnants Voyageurs, 2008) revient sur huit mois de voyage au long des 11000 kilomètres de la Route de la Soie, depuis la Chine jusqu’au port d’Antioche en Turquie. Le prestigieux Times a tout récemment classé Colin Thurbon parmi les 50 meilleurs écrivains anglais d’après-guerre.

En 2010, il publie En Sibérie, un ouvrage saisissant sur cette contrée inhospitalière où l’auteur a rencontré des hommes et des femmes aux destins stupéfiants. Le Prix Nicolas Bouvier 2010 lui a été attribué lors du festival Etonnants Voyageurs 2010.

Dans Destination Kailash (2012), il relate son voyage au Tibet et son pèlerinage autour de Kailash, une montagne sacrée considérée comme le cœur du monde par de nombreuses croyances. Il pénètre dans une culture Tibétaine à la fois contemporaine et pétrie de mythes et de traditions millénaires. Entre paysages merveilleux et rencontres émouvantes, ce livre envoûtant prend parfois des tonalités plus personnelles. Pour Colin Thubron, dernier survivant de sa famille, ce pèlerinage est aussi un hommage à sa mère. Il touche du doigt l’idée d’éternité dans un processus de deuil et d’introspection.

In English


Bibliographie :


Présentation de Destination Kailash

De ses flancs sourdent les 4 fleuves qui nourrissent la Terre, et toutes choses créées, arbres, rochers, humains trouvent en lui son ébauche. La plus sacrée des montagnes du monde qu’engendrèrent les eaux cosmiques et l’esprit de Brahma, révérée par un cinquième des habitants de la planète, bouddhistes, hindous, tibétains : le Kailash, au cœur de l’Himalaya. Et depuis des siècles affluent les pèlerins, qui marchent en cercles rituels autour de lui, dont l’ascension est interdite…
Que viennent-ils chercher, tous, dans ce décor sublime ? Que met en jeu, du monde et de soi, tout pèlerinage, et, au-delà, tout voyage ? Qu’est-ce qui fait d’un lieu un lieu saint ? Et pourquoi lui, Colin Thubron, pour quel rendez-vous avec les siens, et avec lui-même, a-t-il traversé le Népal, franchi les hauts cols tibétains, pour se mêler aux pèlerins, juste après le décès de sa mère qu’il a accompagné dans ses dernières heures ?
Tout un paysage intérieur de solitude, d’amour et de chagrin se révèle, avec une pudeur infinie, au fil de sa longue marche autour du géant de pierre et de glace, marcheur parmi les marcheurs : rarement livre aura conjugué avec une telle intensité, une telle beauté incantatoire, voyage vers le Dehors, sensation de s’ouvrir au monde et aux autres et voyage au plus intime. Le plus personnel assurément des livres du grand écrivain-voyageur : tout simplement un chef d’œuvre.

Revue de Presse :

« Colin Thubron est l’auteur intrépide, débrouillard et extrêmement talentueux, qui s’est fait un nom en se rendant dans des lieux isolés pour les retranscrire avec génie. », Jonathan Yardley, Washington Post Book World 

Présentation de En Sibérie

spip_logoEn Sibérie explore une région large comme les États-Unis, qui représente 1/12 de la superficie terrestre du globe et est sans doute la plus inhospitalière. C’est aussi un pays d’émerveillements où les grues blanches dansent sur le permafrost, où une ville flotte perdue au milieu de la banquise, où les mammouths dorment sous les glaciers. Un pays aussi dont les Soviétiques ont pendant des décennies sauvagement surexploité les immenses ressources naturelles, le laissant exsangue et pourri de déchets industriels et nucléaires. Une prison-continent où l’on enfermait tous les réfractaires au régime (la plus grande et la plus féroce des prisons dont les barreaux sont fait de glace et d’immensité et d’où on ne s’échappait guère).
Tout aussi stupéfiants sont les gens que Colin Thubron y rencontre. Des gens qui lui ont ouvert leurs portes et leurs âmes. Il nous offre à son tour des histoires de vie comme autant de joyaux rugueux : un descendant de Raspoutine, une communauté juive perdue et oubliée de tous, un shaman, un escadron de babouchkas sans âge. Tous lui parlent ouvertement et sans crainte de leur passé et de leur avenir.

Revue de Presse :

Présentation de L’Ombre de la Route de la Soie :

Colin Thubron a osé un extraordinaire voyage, unique et périlleux, qui nous entraîne sur les onze mille kilomètres de la Route de la Soie. Il part de Xian, au coeur de la Chine, où repose l’Empereur jaune, père mythique de la Chine, pour aller jusqu’à Antioche, au bord de la Méditerranée turque, à deux pas de la Syrie. Il commence par traverser le Nord-ouest de la Chine et, des deux itinéraires possibles de la Route de la Soie - l’un par le Nord, doté du chemin de fer ; l’autre au Sud, infiniment difficile et quasi impraticable par endroits -, il choisit ce dernier et longe le mortel désert du Taklamakan jusqu’à Kashgar.

Mais l’étonnant est aussi ailleurs : dans l’extraordinaire talent de cet écrivain qui voyage. Colin Thubron a l’audace et l’endurance d’un baroudeur, la finesse d’observation d’un vieux routard, mais aussi le regard alerte de l’homme cultivé, très informé. À quoi s’ajoute une sensibilité et une force d’expression inspirée. Sa langue est d’une pureté et d’une puissance d’évocation rares. Il voyage à la dure, vit au rythme des hasards et des rencontres, d’autant mieux qu’il parle chinois et russe. Un grand souffle anime son récit.
La chaleur implacable, la poussière, le sable qui vole partout, la sauvagerie et la désolation du désert, la dignité de ruines qui parlent d’un passé glorieux, la luxuriance des oasis d’Asie centrale, l’air limpide des montagnes, les villes grouillantes, les villages d’un autre siècle, les rencontres de hasard : tout devient palpable.
Colin Thubron ne se contente pas de tracer la fresque d’un passé riche et bigarré, il explore le présent bien vivant qui a émergé de ce creuset. Au gré des rencontres, des silences, des conversations, il nous fait entrevoir la réalité actuelle des citoyens de la nouvelle Chine, avec leurs rêves neufs d’enrichissement et un quotidien pas toujours à la hauteur ; le paradoxe des peuples d’Asie centrale qui partagent le même fond culturel et religieux mais qui sont éparpillés entre des pays différents. On les découvre tiraillés entre anciennes et nouvelles allégeances, avec pour certains la tentation du pan-islamisme.
À l’image de cette Route de la Soie qu’il nous révèle, Colin Thubron est peut-être un vrai passeur. En témoigne la belle relation de son extraordinaire voyage, son septième en quarante ans passés à courir les mondes, qui fait d’ores et déjà figure de référence. Un classique de demain.