Texte d’Erik Orsenna

8 juin 2006.
 

Comme tous les écrivains, je suis jaloux des bateaux : s’il s’agit de partir que peuvent mes livres face à une belle coque de race ? S’il s’agit d’écrire, quelle tristesse le papier comparé à une voile pleine de ris ? Et s’il s’agit de gloire et de permanence, quelle meilleure leçon d’éphémère que celle du sillage, moqué, d’ailleurs, par les mouettes ?
Or pourtant, depuis dix ans, je vois quelques grimaces à la proue des sloops, quelques spasmes au ventre des ketchs. Bref, quelques signes d’envie dans les mâtures. Si les humains terrestres deviennent vraiment des étonnants voyageurs que nous reste-t-il comme magie ?
Entre autres choses, j’aime à Saint-Malo cette joute entre rêveurs, les écrivains dans les bars et les navires au port. A cette surenchère de voyages, nul ne gagne si ce n’est la liberté. Bon anniversaire, les étonnants.

Erik Orsenna