SANSAL Boualem

Algérie

14 septembre 2021.

Auteur dissident, il fait de sa plume une arme tournée contre les dérives sectaires et les tabous de la société dès son premier roman Le Serment des barbares, farce infernale et cinglante sur la faillite de l’Algérie. Censuré, l’écrivain né en 1949 se refuse à l’exil. Il est aujourd’hui l’auteur d’une quinzaine d’ouvrages multirécompensés et traduits en plusieurs langues, dont la plupart ont été censurés dans son pays. Paraîtra en octobre prochain un nouvel essai, plein de cet humour grinçant et de cet humanisme qu’on lui connaît : un « manifeste athée », dans lequel l’écrivain algérien appelle les peuples à sortir de l’âge des dieux pour entrer dans celui des hommes.

« Je me sens autant le produit du berbère, de l’arabe et du français, que je pratique en respirant, que de ces langues que je sollicite à l’occasion comme l’anglais, que de celles que j’aborde seulement par la traduction tels le russe, l’allemand, l’espagnol, l’italien, etc. Un simple regard sur l’histoire nous convainc de notre appartenance à plusieurs langues, successivement ou en même temps. »

 

Ingénieur de formation, docteur en économie, tour à tour enseignant à l’université, chef d’entreprise, puis haut fonctionnaire, il entre en littérature à l’âge de 50 ans grâce à son amitié avec l’écrivain Rachid Mimouni qui l’incite à écrire. Pendant la « décennie noire », alors que la guerre civile et la terreur islamiste s’abattent sur le pays, Boualem Sansal écrit et cherche à expliquer l’impasse politique, sociale et économique des années 1990. Critique cinglante de la faillite de l’Algérie, Le Serment des barbares, salué par les lecteurs et la critique, révèle, entre farce et cauchemar, la verve rabelaisienne de Boualem Sansal.

Son troisième roman, Dis-moi le paradis, publié en France en 2003, donne la parole aux ivrognes volubiles du Bar des Amis, sur les hauteurs de Bab el-Oued. Par leurs voix, cinglantes ou cocasses, Sansal dresse un inventaire au vitriol des tares de l’Algérie actuelle.
Conséquence de la publication de l’ouvrage et de ses prises de position contre Boutéflika et le régime algérien, en 2003, le pouvoir décide de limoger l’auteur de son poste de directeur général au ministère de l’Industrie.
Il publie alors Poste restante : Alger (2006) une lettre ouverte, brève et cinglante destinée à ses compatriotes. Elle fut aussitôt censurée par le gouvernement algérien et n’est donc jamais parvenue à ses destinataires.

Avec Le village de l’Allemand (2008), Boualem Sansal enfonce le clou dans un roman où les massacres de la guerre civile des années 1990 semblent faire écho aux horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Inspiré d’un fait réel découvert dans les années 80, le roman est toujours censuré en Algérie pour ses connotations liant les deux guerres et rapprochant l’islamisme au nazisme. Lauréat du Grand Prix RTL-Lire (2008) pour ce livre, Boualem Sansal a reçu en 2011 le prestigieux Prix de la paix des libraires allemands pour la manière dont il "critique ouvertement la situation politique et sociale de son pays".

Mais son engagement ne réside pas uniquement dans ses écrits. Ainsi, dans le cadre du 1er « Forum mondial de la Démocratie », qui s’est tenu à Strasbourg à l’initiative du Conseil de l’Europe, en octobre 2012, Boualem Sansal a uni sa voix à celle de l’Israélien David Grossman (Prix Médicis Étranger 2011) pour lancer un Appel à la Paix à leurs confrères. L’objectif était alors de fonder une organisation pérenne d’écrivains œuvrant pour la Paix au Proche Orient et dans le monde entier. (Lire l’article sur le site d’Étonnants Voyageurs.)

L’islamisme, toujours présent au cœur de ses récits, est l’objet de son dernier essai paru en 2013 aux éditions Gallimard, Gouverner au nom d’Allah. Ce pamphlet, sous-titré "Islamisation et soif de pouvoir dans le monde arabe" se veut le témoignage "d’un homme dont le pays, l’Algérie, a été très tôt confronté à l’islamisme". Boualem Sansal y synthétise et explique la progression de l’idéologie islamiste dans les pays musulmans et le danger que cela représente. L’ouvrage a notamment reçu en 2013 le prix Jean Zay qui récompense un auteur pour son engagement en faveur des valeurs républicaines et laïques.

Grand prix du roman de l’Académie française, 2084 : la fin du monde, ne déroge pas à la règle. Au fil d’un récit débridé, plein d’innocence goguenarde, d’inventions cocasses ou inquiétantes, l’écrivain s’inscrit dans la filiation d’Orwell pour brocarder les dérives et l’hypocrisie du radicalisme religieux qui menace les démocraties.

En 2018, le talentueux romancier publie sous la forme épistolaire Le train d’Erlingen ou La métamorphose de Dieu, fervent pamphlet contre l’extrémisme religieux, teinté de Kafka et Thoreau. Sans jamais manquer à l’humanisme et la finesse de l’auteur, cet ouvrage nous présente deux personnages-clefs, deux femmes, chacune dans son espace-temps, au croisement de leur histoire personnelle et de l’Histoire collective.


Bibliographie

Romans

Essais

 

DERNIER OUVRAGE

 
Essais

Lettre d’amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la terre

Gallimard - 2021

« Pourquoi les humains sont-ils si bêtes ? Pourquoi se laissent-ils traîner par le bout du nez ? Les ânes ont de longues oreilles ridicules par lesquelles ils se font bêtement attraper, mais quand ils ne veulent pas avancer, rien ne peut les forcer à obéir. » Boualem Sansal adresse aux peuples et aux nations de la terre un manifeste athée, plein d’un humour féroce et rageur, pour les appeler à sortir de l’âge des dieux et à entrer dans celui des hommes. L’humanité doit trouver le moyen de résister aux forces qui la détruisent:les religions et leurs sempiternelles pénitences, l’argent tout-puissant, les passions guerrières, ou encore la malbouffe omniprésente sur la planète, symptômes indubitables d’un effondrement des civilisations.Après un rappel des errements et des crimes du passé, le grand écrivain algérien propose une « Constitution universelle » censée servir de base à la République mondiale qu’il appelle de ses voeux, qui fédérerait les peuples et les nations enfin libres.
Il est temps, nous dit-il, de choisir la vie.