Avec une entrée fracassante dans la littérature espagnole dès la sortie de son premier roman Historias del Kronen, lauréat du Prix Nadal en 1994, l’espagnol José Angel Mañas a su s’imposer de voix ferme. Ses intrigues policières dénoncent les dérives d’une société de consommation qui ne sait plus quoi inventer pour combler son vide émotionnel, l’Homme étant considéré lui-même comme un produit. Inscrite dans un "style socialo-réaliste", sa vision du monde, sans indulgence et empreinte d’humour noir dérange.
Lorsque Historias del Kronen paraît, José Angel opère un coup de maître et insuffle un nouvel élan romanesque dans une époque de désenchantement littéraire en Espagne. Soucieux de restituer une certaine réalité sociale, il s’accapare les éléments contemporains d’une culture punk-rock et télévisuelle en intégrant dans son œuvre à la fois le langage de la rue et les sujets tels que l’alcool, la drogue, le sexe, ou encore la pub via des jeux typographiques et de mise en page. Il inspire alors une nouvelle génération d’auteurs : la génération X, qui deviendra la « generacion Kronen » portée à la fin des années 90 par de jeunes écrivains tels que Pedro Maestre ou Ray Loriga. Écrire la société, le corps et le sexe sont au cœur de leurs oeuvres qui dénoncent la vacuité de l’être.
José Angel Manas étudie l’Histoire contemporaine à l’Université autonome de Madrid, mais également en Angleterre et en France, tout en restant connecté au monde littéraire. Indigné de voir à quel point la littérature est devenue commerciale et de quelle manière le fantasme d’être écrivain supplante l’acte d’écrire en lui-même, il publie L’Affaire Karen qui dévoile la perfidie du monde de l’édition et du monde des lettres en écho à la violence d’un trafic de drogue. Il effectue ensuite une satire de cette déchéance de l’écrivain-imposteur en écrivain-escroc dans le psycho-thriller Je suis un écrivain frustré, lauréat du Prix Paul Guérin en 2009, et adapté au cinéma par Patrick Bouchitey sous le titre Imposteur.
Dans sa dernière parution en France, cet auteur emblématique du réalisme social rompt avec le roman policier. José Angel Manas abandonne le vide existentiel, la violence ainsi que la désillusion de ses personnages, et s’aventure pour la première fois dans un nouveau genre : le roman historique. Dans un style réaliste qui a souvent recours au langage audiovisuel propre à l’auteur, celui-ci traite d’un grand mythe de l’antiquité, Alexandre le Grand dans La Nuit des morts. Ce nouveau défi s’inscrit dans la continuité des thèmes abordés dans ces œuvres précédentes : la jeunesse, le chaos, les conflits générationnels, le désir de conquête...
Bibliographie
- La nuit des morts, traduit par (Anacharsis, 2015)
- L’affaire Karen, traduit par Jean-François Carcelen et Jean Vila (Métailié, 2008)
- Quand on aime (Métailié, 2003)
- La Ville disjonktée, traduit par Jean-François Carcelen et Jean Vila (Anne-Marie Métailié, 2003)
- Je suis un écrivain frustré traduit par Jean-François Carcelen (Anne-Marie Métailié, 1998)