Après un ouvrage foudroyant sur la folie des années 1990 (Jésus et Tito), ce fan de rock et de jazz continue d’explorer les Balkans avec Sarajevo Omnibus . En 2014 paraît Edelerzi, comédie dite pessimiste où la réincarnation au fil du siècle d’un fameux orchestre tsigane composé de musiciens virtuose. Son Manuel d’Exil, publié en 2016 a été traduit dans de nombreuses langues à travers l’Europe. En 2018 il publie un texte dans l’ouvrage collectif Osons la fraternité (Phiippe Rey, 2018) et participe aux journées scolaires du festival.
C’est sans doute la guerre qui a fait de Velibor Čolić, né en 1964 en Bosnie, dans une ville qui aujourd’hui n’existe plus, un écrivain à part entière. Jeune chroniqueur radiophonique, il déserte l’armée croato-bosniaque en 1992, puis est fait prisonnier avant de réussir à s’enfuir. Réfugié en France, il vit longtemps à Strasbourg, où il travaille dans une bibliothèque et collabore aux Dernières nouvelles d’Alsace.
D’abord auteur de plusieurs ouvrages en serbo-croate, traduits en français par Mireille Robin, Archanges (roman a capella) est le premier ouvrage de Velibor Čolić écrit directement en français. Installé désormais à Douarnenez, en Bretagne, ce passionné de rock et de jazz (comme en atteste Perdido, biographie imaginée de Ben Webster, saxophoniste ténor de Duke Ellington), organise régulièrement des lectures publiques avec des amis musiciens. Le sous-titre « roman a capella » vient démarquer Archanges de ses autres romans : il est le seul à ce jour qu’il ait écrit sans musique.
Inspiré par sa propre histoire, Velibor Čolić revient sur les années de guerre qui ensanglantèrent les Balkans. Dans Jésus et Tito, ouvrage foudroyant sur la folie des années 1990 il égrène les souvenirs de son pays natal comme on feuillette un album-photo. Avec Sarajevo Omnibus, il remonte plus loin dans l’histoire de son pays, véritable poudrière qui enflamma l’Europe en 1914. Autour de la figure de Gavrilo Princip, le jeune serbe qui assassina l’archiduc François-Ferdinand, se déploie une riche constellation de personnages. Curés, rabbins et imams, officiers russes et prix Nobel se côtoient dans un roman à l’image des Balkans : infiniment complexe, mais irrésistiblement vivant.
En mai 2014 paraît un "roman tsigane", comédie dite pessimiste, l’histoire, à travers le XXe siècle, d’un fameux orchestre tzigane composé de musiciens virtuoses, buveurs, conteurs invétérés, séducteurs et bagarreurs incorrigibles… qui ne cesse de se réincarner, des camps de la mort en 1943, au drame de l’ex-Yougoslavie et jusque dans la "jungle" de Calais en ce début de XXIe siècle. Le roman de Velibor Čolić restitue merveilleusement la folie de la musique tzigane, nourrie de mélopées yiddish, de « sevdah » bosniaque, de fanfares serbes ou autrichiennes, une musique et une écriture pleines d’insolence, au charme sinueux et imprévisible. Les réincarnations successives d’Azlan font vivre avec bonheur la figure du Rom errant éternellement, porté par un vent de musique et d’alcool, chargé des douleurs et des joies d’un peuple comparable à nul autre.
Velibor Čolić revient en 2016 pour nous raconter ses premières années d’exil, de 1992 à 2000. Il aborde ce sujet d’une grande actualité avec une écriture poétique, pleine de fantaisie et d’humour absurde, de fulgurances, de faux proverbes, de paradoxes, d’aphorismes comiques (« L’an dernier j’étais encore un peu prétentieux, mais cette année je suis parfait »). On y croise quelques femmes (rencontres sans avenir, souvent amères) et des personnages hauts en couleurs, notamment des Roms qui, à Rennes comme à Budapest, s’inventent un art de vivre à base de système D et de fatalisme roublard. Velibor Čolić décrit sans apitoiement la condition des réfugiés, avec une ironie féroce et tendre. En 2018 il publie un texte dans l’ouvrage collectif Osons la fraternité (Phiippe Rey, 2018).
Dans son dernier roman, le livre des départs, il partage le terrible sentiment de déréliction et l’errance sans espoir des migrants, à travers le récit de son propre exil. Texte à la fois déchirant et plein de fantaisie, Velibor Čolić nous plonge dans les désirs et les peurs de ceux qui n’ont pu rester chez eux.
Bibliographie
- Le livre des départs (Gallimard, 2020)
- Manuel d’exil. Comment réussir son exil en trente-cinq leçons (Gallimard, 2016)
- Ederlezi (Gallimard, 2014)
- Sarajevo Omnibus (Gallimard, 2012)
- Jésus et Tito (Gaïa Editions, 2010)
- Archanges (Gaïa Editions, 2008)
- Perdido (Le Serpent à Plumes, 2004)
- Encres nomades (La nuit Myrtide, 2002 - collectif)
- Mother Funker (Le Serpent à Plumes, 2001)
- La vie fantasmagoriquement brève et étrange d’Amedeo Modigliani (Le Serpent à Plumes, 1995)
- Chroniques des oubliés (La Digitale, 1995)
- Les Bosniaques (Le Serpent à Plumes, 1994)