AUGIER Justine

France

Croire. Sur les pouvoirs de la littérature (Actes Sud, 2023)

© Jean-Luc Bertini

L’écriture est pour Justine Augier le lieu de l’engagement : son œuvre porte la conviction que la littérature a ce pouvoir unique de transmettre des idées et de nous ramener au monde. L’autrice, qui a vécu à Jérusalem, Beyrouth et New York, remporte le prix Renaudot – Essais en 2017 pour De l’ardeur, portrait saisissant de l’avocate et dissidente syrienne Razan Zaitouneh, disparue en 2013, dont elle retrace l’histoire bouleversante en mêlant témoignages et récit personnel. Elle s’entretient ensuite avec une autre grande figure de la résistance syrienne, Yassin al-Haj Saleh, et rapporte avec brio le parcours de cet homme, notamment à travers les nombreuses lectures qui l’ont inspiré durant ses 16 années d’emprisonnement. Croire, son dernier livre, porte en lui le récit poignant de sa relation à sa mère décédée en 2021, ainsi que la promesse faite à cette dernière d’écrire sur les pouvoirs de la littérature. À la fois récit de l’intime et récit politique, un témoignage puissant sur la capacité des livres à lier, conforter, confronter, dépasser vivants et morts.


Bibliographie

  • Croire. Sur les pouvoirs de la littérature (Actes Sud, 2023)
  • Nous sommes tout un monde (Actes Sud Junior, 2021)
  • Par une espèce de miracle. L’exil de Yassin al-Haj Saleh (Actes Sud, 2021)
  • De l’ardeur. Histoire de Razan Zaitouneh, avocate syrienne (Actes Sud, 2017) – prix Renaudot de l’essai 2017
  • Les Idées noires (Actes Sud, 2015)
  • La Vie étonnante d’Ellis Spencer (Actes Sud Junior, 2014)
  • Jérusalem (Actes Sud, 2013)
  • En règle avec la nuit (Stock, 2010)
  • Son absence (Stock, 2008)
Croire

Croire

Actes Sud - 2023

Justine Augier, qui pratique et incarne une forme de pudeur et d’éthique littéraires assez uniques, voit son projet d’écrire sur la littérature comme lieu de l’engagement entrer en collision avec la maladie et bientôt la mort de sa mère. Alors que la nature même de l’urgence mute, l’intime et l’universel se tressent dans un texte bouleversant de justesse et de clairvoyance. Et qui rappelle le potentiel devenir résistant de chaque lecteur.

À l’intersection du littéraire et du politique un livre bref et fulgurant qui trouve sa place entre Hannah Arendt et Joan Didion. Pas moins.

Après-midi autour du Prix Kessel : « Je suis la mémoire du rien »

Saint-Malo 2023

À 14h, l’après-midi commençait par la remise du prix Joseph Kessel de la Scam 2023 à Sibylle Grimbert.

En suivant, une rencontre avec des passeuses déterminées à faire exister la lutte, la résistance, les disparu·es. Aliyeh Ataei collecte les récits inaudibles des réfugié·es fuyant l’Afghanistan (La frontière des oubliés) et Justine Augier (Croire) fait de son écriture le lieu de l’engagement. Témoigner serait-il un devoir moral face à la volonté d’annihiler ? « Écrire comme un défi courageux à la mort », lance ainsi Samar Yazbek dans les Portes du néant. Car les mots sont « une reproduction de la vie », des traces de ce qui n’est plus, imposent leurs présences contre la destruction.

Une table-ronde animée par Pierre Haski, à réécouter ci-dessus ! Interprète : Julie Duvigneau.

Au terme de la table ronde était projeté Myanmar Diaries, meilleur documentaire à la Berlinale 2022. Un film profondément courageux, tourné dans la clandestinité par un collectif anonyme de jeunes cinéastes, qui retrace à travers des histoires personnelles la répression de la population birmane par la junte militaire après sa prise de pouvoir en février 2021.


La fiction comme nourriture à l’action

Saint-Malo 2023

La littérature n’est pas à côté du monde. Elle le contient dans sa réalité sociale, politique, historique, rompant les segmentations, mêlant les strates. A-t-elle ainsi un potentiel politique ? Face à un monde détraqué, une sidération paralysante, puisons dans la littérature. Elle nous donne la possibilité de croire à notre pouvoir d’action sur les choses, de croire au sens des mots et en leur mise en acte et de refuser l’assignation. Nous avons besoin de héros, d’antihéros, qui créent l’étincelle en nous pour agir sur le réel.

Une rencontre animée par Julien Bisson du 1 des libraires, avec trois auteurs et autrices habité·es par l’éthique de l’engagement. Le héros de Laurent Gaudé dans Chien 51 se rebelle face à un monde privé de mémoire. Où puise-t-il les ressources de transmettre ce qui doit être oublié ? L’œuvre de Justine Augier (Croire) porte la conviction que la littérature a ce pouvoir unique de transmettre des idées et de nous ramener au monde. Le romancier Hubert Haddad poursuit avec sa revue Apulée son engagement pour la liberté absolue de l’écrivain, pour la passion de transmettre et contre l’enfermement.


Éclairer les ombres, éloge de la non-fiction

Saint-Malo 2023

Comment écrire le réel aujourd’hui ? Le champ d’un journalisme littéraire à l’européenne s’ouvre et assoit une manière d’écrire le monde, qui laisse la place à la création littéraire et au sensible. Pour Justine Augier, la lecture de l’œuvre de Svetlana Alexievitch, Nobel de littérature 2015, a été une révélation, lui ouvrant un espace où réconcilier son «  intérêt pour le monde et la littérature   ». Avec Allons enfants de la Guyane, Hélène Ferrarini met en lumière une histoire méconnue de l’emprise coloniale sur les êtres. Taina Tervonen (Les Otages), récompensée pour ses enquêtes littéraires, se définit comme «  conteuse d’histoires vraies   ». Nikolaï Kononov choisit le biais du roman documentaire (La Révolte) pour raviver la mémoire d’un héros rattrapé par les purges staliniennes.

Une rencontre animée par Olivier Weber. Interprète : Guillaume Odin.

À la suite, le film The Eclipse de Nastaša Urban, qui traverse entre deux éclipses quarante ans d’histoire de la Yougoslavie et révèle une histoire collective enfouie.