BURKE Shannon

Etats-Unis

Manhattan Grand-Angle (Gallimard, 2007)

Shannon BURKE
©Steve Gaghan

Shannon Burke est romancier et scénariste. Avant de s’installer à Knoxville, il a travaillé comme auxiliaire médical à Harlem. Manhattan Grand Angle est son premier roman.

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Bibliographie :

  • Manhattan Grand-Angle (Gallimard, 2007)

Résumé de Manhattan Grand-Angle :

Frank a 23 ans et vit à New York. Nous sommes au début des années 90, avant l’arrivée de Giuliani qui va totalement nettoyer la ville, et la Grande Pomme n’en finit pas de pourrir. Terrassé par le suicide de son père dont il se sent responsable, Frank travaille comme ambulancier alors que son frère est un grand chirurgien. S’il a choisi ce boulot, c’est qu’il lui permet d’être au plus près de la mort. Toutes les nuits, le jeune homme est confronté à la noirceur morbide qui l’habite. Tel un voyeur, il prend des clichés des victimes qu’il transporte, des clodos en train de se décomposer et des junkies ressemblant à du bois mort. Il lui arrive aussi de faire des petites arnaques avec ses collègues afin de se faire un peu d’argent facile : il vole des réserves de médicaments pour les revendre dans la rue. En réalité, Frank se fout de tout, perdu dans un brouillard nihiliste, aliéné par des pulsions autodestructrices.
Un soir, lors d’une intervention chez un jeune homme atteint du sida et qui se suicide devant ses yeux, Frank rencontre Emilie, elle aussi atteinte par le virus. Progressivement, une histoire d’amour naît entre eux. Tout le monde le chambre. On se moque de son goût malsain pour le glauque et tout ce qui rappelle la mort. Mais progressivement Frank change et, alors qu’il accompagne Emilie à la mort, retrouve le goût à la vie...

Premier roman d’un jeune auteur américain, Manhattan Grand-Angle est un coup de poing au plexus solaire. Le début du livre nous plonge dans une ambiance noire qui nous fait penser au livre de Joe Connelly, Ressusciter les morts, adapté à l’écran par Martin Scorcese. Nous suivons une brigade déjantée dans un New York où la misère pullule et l’abandon social est prégnant. Très vite l’originalité du livre se dévoile au lecteur à travers le personnage de Frank. Ce jeune homme profondément triste et mal dans sa peau promène sur ce paysage urbain désolé, un regard pur, quasi innocent et christique. A travers l’objectif de son appareil, il regarde ce monde chaotique qui n’en finit pas de sombrer.
Et puis, sorti du néant, arrive le coup de foudre, la rencontre avec Emilie. Les scènes d’amour entre cette jeune fille condamnée et ce jeune homme qui s’empêche de vivre, sont tendres et charrient une force émotive qui ne peut laisser indifférent. L’auteur flirte avec une vision à l’eau de rose de l’amour sans jamais tomber dans la mièvrerie. Ce fin dosage permet au livre de ne jamais tomber dans une noirceur complaisante. Nous évoluons dans un monde sombre, sans pitié mais le ciel couvert est traversé, de ci de là, de rayons de lumière éblouissants.
Il en va de même du tableau de New York. La ville est à bout de souffle certes mais pleine de vitalité. Nous croisons des dizaines de personnages, tels des diapositives symbolisant parfaitement les héros quotidiens usés d’un monde urbain inhumain où les plus faibles sont échoués sur l’asphalte comme des animaux pris dans une marée noire. Le tout est servi par une langue nerveuse, sèche, sans effets inutiles.
Bref, un livre dur, sans concession mais optimiste. Un livre qui nous fait croire en l’Humanité...

Manhattan, grand-angle

Gallimard - 2007