Retour de Melbourne

L’increvable Emmanuel Delloye poursuit son tour du monde des festivals de la Word Alliance. Dernière étape en date : Melbourne, où se déroulait du 23 août au 2 septembre, le Melbourne Writers Festival célébrant l’écriture sous toutes ses formes.

Arrivé à Melbourne à 6 heures du matin après 22 heures de vol, je me sens telle Hermione à l’acte V d’Andromaque (« Où suis-je ? Qu’ai-je fait ? Que dois-je faire encore ? »). Néanmoins aborder un festival au bout du monde complètement azimuté n’est pas franchement désagréable. Le cœur se situe à Federation Square - on dit « Fed Square », un grand ensemble de bâtiments qui abritent des cinémas, un théâtre, un musée, des galeries d’art, des auditoriums, des cafés, des boutiques. Huit espaces y sont dédiés au festival. Un grand espace couvert, l’Atrium, en est le centre. C’est là qu’on achète les livres et qu’on peut les faire signer par les auteurs. Il y a quatorze autres espaces en ville, accessibles aux bons marcheurs. Le festival se concentre sur deux longs weekends incluant les vendredis, les autres jours étant réservés aux enfants en âge scolaire.

Les auteurs sont en nombre : environ 450, dont une très grande majorité d’australiens ou d’étrangers vivant en Australie. Entre 40 et 50 écrivains viennent d’ailleurs. On s’y exprime exclusivement en anglais. Cette année l’invité d’honneur est le New Yorker qui a délégué 5 représentants : un rédacteur en chef, Henry Finder, un critique d’art, Peter Schjeldahl, une auteure de bandes dessinées, Roz Chast, un journaliste écrivain, David Grann et un critique de Pop musique, Sasha Frere-Jones. Leurs prestations font salle comble. Un autre invité de marque draine les foules, Simon Callow, grand acteur anglais qui vient de publier une biographie de Dickens (Charles Dickens et le grand théâtre du monde). Pas de grands thèmes rassembleurs, mais des sujets très variés. On parle certes de littérature, mais aussi de politique intérieure australienne, de finances, de droits de l’homme, d’animaux, de journalisme, de musique, de football (australien), de l’impact de la mondialisation sur les cultures nationales… Chacun peut y trouver son compte. Deux moments d’émotion rare : quatre écrivains africains expatriés évoquent la façon dont ils vivent leur africanité aux Etats-Unis, en Angleterre ou en Australie ; un médecin iranien né de mère juive raconte son enfance misérable dans une banlieue de Téhéran et comment il est manipulé ensuite par les services secrets avant de se résoudre à l’exil.

L’assistance est nombreuse, plus de 50000 personnes selon la direction du festival. L’âge mûr prédomine dans la plupart des débats, mais le mot d’ordre « Get connected » est largement suivi par une population jeune qui suit avec passion les sessions musicales ou les rencontres entre écrivains à la mode. On a largement recours aux réseaux sociaux, Twitter, Facebook, Youtube, sans compter les réseaux locaux. L’Atrium est un haut lieu de discussions entre les débats. On s’y aborde volontiers sans se connaître pour commenter tel auteur ou tel concert. Un seul regret dans ce festival convivial et sympathique, l’absence complète d’auteurs francophones. Mais les liens qui se tissent patiemment à l’intérieur de la Word Alliance vont sans doute abolir bien des frontières.