Étrange agression

Ce fut au moment où la coque basculait que Simon comprit qu’il n’irait pas pêcher ce jour-là, pas plus que les jours suivants.

La coque toucha le sol et Simon vit le bois du bateau complètement pourri, rongé par des termites. Il avait perdu tout espoir de pêcher. Dans un élan de désespoir, il se retourna pour aller à sa voiture. Soudain, une silhouette surgit de nulle part et, avec un grand coup sur la tête, l’assomma.

Plusieurs heures s’écoulèrent avant que Simon ne se réveille juste à côté d’une épaisse couche de fougères. Encore étourdi et sous le choc, il repensa à cette scène aussi soudaine que violente qu’il venait de vivre. Le pêcheur comprit alors la cause des bruits, des craquements dans la forêt. Sans qu’il en connaisse la cause, un inconnu s’en était pris à lui.

Il se leva comme il put, chancelant et prenant soin de ne pas retomber. Il fit quelques mètres avant de s’assoir au pied d’un arbre, qui lui semblait accueillant. Il reprit peu à peu ses esprits et put ainsi admirer le lever du soleil, la couleur magnifique de ce ciel orangé. Il contempla aussi le reflet du ciel sur la rivière. Malheureusement, cet instant paisible fut bref, puisqu’il commençait de nouveau à pleuvoir. Simon alla se réfugier sous un arbre plus feuillu, plus propice à un bon abri. Mais la douleur du coup de l’inconnu lui revint soudainement à la tête, le ralentissant dans son mouvement.

Lentement, il jeta un coup d’œil vers sa barque, sa canne à pêche et son seau. Tout avait disparu. Inquiet, Simon regagna la cachette de sa barque et constata qu’elle s’y trouvait de nouveau bien dissimulée sous son tapis de fougères. C’est alors que Simon s’inquiéta de son chien. Où était-il ? Que lui était-il arrivé ? Simon siffla le plus fort qu’il put, avec cette petite nuance sonore qui caractérisait son appel et que son animal de compagnie reconnaissait à coup sûr.

Mais là, rien ! Aucune réponse. Aucun mouvement. Aucun bruit. Juste ceux, calmes et paisibles de la rivière d’ordinaire si rassurants et les clapotements de la pluie. Simon était seul.

Se ressaisissant, il remonta vers le chemin qu’il avait pris à l’aller et reconnut les piles de troncs soigneusement rangées, qui lui parurent étrangement familières. Quand il arriva à l’emplacement de sa voiture, il se désola de ne plus la trouver, elle aussi.

« Mais quelle diablerie est-ce là ! » se dit-il. Désemparé, Simon se prit la tête à deux mains.

Tout à coup, il entendit et devina une voiture s’approcher de lui. Il se cacha derrière un arbre, à l’abri de tout regard. La pluie s’arrêta et la voiture se gara non loin de son repaire.

Simon, malgré son mal de crâne, observa cette voiture. Un individu mit les pieds à terre, marcha jusqu’au coffre et l’ouvrit. Sautant du hayon pour se dégourdir les pattes, apparut un chien. Non, pas un vulgaire chien, mais Son chien ! Il comprit aussitôt que ce n’était autre que son agresseur qui venait d’arriver, celui-là même qui l’avait assommé et volé chien et véhicule.
Par peur de se faire repérer, Simon courut vers le chemin se réfugier parmi de petits buissons épais. De sa nouvelle cachette, Simon continua de scruter l’homme et découvrit aussi qu’il était le voleur de ses outils de pêche. Patiemment, il attendit que son agresseur emprunte ce même chemin pour le suivre.

Tout au long de cette discrète traque, Simon épiait son agresseur. Le pêcheur pensait se venger, mais comment ? Pris de colère, il voulut un temps le tuer, mais Simon ne voulait pas avoir de mort sur la conscience. Il se ravisa et trouva une meilleure solution : l’assommer à son tour pour avoir le temps de récupérer tout ce qui lui appartenait. Tel était à présent son but.
Immanquable but qui soulagerait son esprit de vengeance.

Il le suivait toujours et fut intrigué de voir l’homme s’arrêter à l’emplacement même de la barque. Le bourreau voulait-il retourner au lieu où il avait laissé sa victime ? Minutieusement, l’inconnu attacha le chien de Simon à un arbre. Que voulait-il lui faire ? Il ne pouvait laisser là son animal sans défense. Décidé à agir, il prit au sol un bâton de bois en forme de massue. Dans l’empressement, il marcha sur une branche et la cassa sèchement. A l’affût, son chien le reconnut immédiatement, puis aboya et grogna content de reconnaître son maître.

Simon lui fit signe de se calmer, mais l’agresseur se retourna. Simon se baissa sous un buisson, prenant soin de ne plus bouger. Après de longues secondes à épier la bordure de la forêt, l’offenseur reprit son travail, démasqua la cachette de la barque, qu’il retourna promptement. C’est ce moment que choisit Simon pour passer à l’action. A pas feutrés, lentement, il s’approcha de l’homme pour le frapper d’un grand coup à la tête. L’inconnu tomba à terre.

Soudain, Simon pâlit et se figea en découvrant le visage de son agresseur, car ce dernier n’était autre que ... lui.