Lauréat du Prix Ouest-France / Etonnants Voyageurs 2007

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Remise du prix Ouest France / Etonnants Voyageurs sur le Belem © KERVISIC

C’est Carole Martinez qui s’est vue remettre à bord du Belem le prix Ouest-France / Etonnants Voyageurs, avec à la clé un chèque de 10 000 euros et une campagne de promotion offerte par Ouest-France. Son roman Le coeur cousu, vient de paraître chez Gallimard. Le jury, choisi parmi de jeunes lycéens amateurs de littérature, a été littéralement séduit : « dès la lecture des premières lignes du roman, nous avons su que ce roman serait le gagnant ». Ce jury de 10 jeunes lecteurs, âgés de 15 à 20 ans, ont été sélectionnés par un jury d’écrivains et de partenaires composé de Hervé Bertho, Michel Le Bris, Muriel Barbery, Alain Dugrand, Yvon Le Men, Gisèle Pineau, Audrey Pulvar, Patrick Raynal, Jean Rouaud, Jean-Luc Fromental, Georges Guitton, Yvonne Le Cren, Marc Potel, Katell Savidan Breton.

Pour en savoir plus sur le prix Ouest-France / Etonnants Voyageurs


Un chèque de 10 000 euros et une campagne de promotion offerte par Ouest-France

Née en 1966 à Créhange en Moselle, Carole Martinez vit aujourd’hui à Paris où elle a grandi. Elle est professeur de français en collège à Issy-les-Moulineaux.


  • Le coeur cousu (Gallimard, 2007)

" Ecoutez, mes sœurs ! Ecoutez cette rumeur qui emplit la nuit ! Ecoutez... le bruit des mères ! Des choses sacrées se murmurent dans l’ombre des cuisines. Au fond des vieilles casseroles, dans des odeurs d’épices, magie et recettes se côtoient. Les douleurs muettes de nos mères leur ont bâillonné le cœur. Leurs plaintes sont passées dans les soupes : larmes de lait, de sang, larmes épicées, saveurs salées, sucrées. Onctueuses larmes au palais des hommes ! " Frasquita Carasco a dans son village du sud de l’Espagne une réputation de magicienne, ou de sorcière. Ses dons se transmettent aux vêtements qu’elle coud, aux objets qu’elle brode : les fleurs de tissu créées pour une robe de mariée sont tellement vivantes qu’elles faneront sous le regard jaloux des villageoises ; un éventail reproduit avec une telle perfection les ailes d’un papillon qu’il s’envolera par la fenêtre : le cœur de soie qu’elle cache sous le vêtement de la Madone menée en procession semble palpiter miraculeusement... Frasquita a été jouée et perdue par son mari lors d’un combat de coqs. Réprouvée par le village pour cet adultère, la voilà condamnée à l’errance à travers l’Andalousie que les révoltes paysannes mettent à feu et à sang, suivie de ses marmots eux aussi pourvus - ou accablés - de dons surnaturels... Le roman fait alterner les passages lyriques et les anecdotes cocasses on cruelles. Le merveilleux ici n’est jamais forcé : il s’inscrit naturellement dans le cycle tragique de la vie.


REVUE DE PRESSE

Le coeur cousu de Carole Martinez
Ouest France, 28 mai 2007

Carole Martinez, 41 ans, a remporté hier à Saint-Malo le troisième prix Ouest-France Étonnants Voyageurs pour Le coeur cousu. Le souffle lyrique et la force poétique de ce premier roman aux allures de conte ont séduit les dix jeunes jurés.
Au bout du quai, en pleine bourrasque, surgit soudain la silhouette d’une jeune femme. Elle court entre les flaques, agitant au-dessus d’elle un parapluie retourné par le vent. Entre les gouttes, Carole Martinez pleure de toutes ses larmes. Émue car elle vient d’apprendre que son Coeur cousu est le lauréat 2007 du prix Ouest-France Étonnants Voyageurs. Elle se précipite sur le trois-mâts le Belem et tombe dans les bras des jeunes qui viennent de délibérer pendant deux heures pour désigner son livre et qui, maintenant, émus eux aussi, l’applaudissent à tout rompre.

« Merci, merci. Vous vous rendez compte. C’est mon premier roman, c’est mon premier salon, c’est mon premier prix ». Bonheur total, surprise sincère. Elle n’en revient pas, cette ancienne comédienne devenue professeure de français d’un collège d’Issy-les-Moulineaux. Depuis le début, elle vit un conte de fée. Il y a deux ans, elle prend un congé parental pour écrire. Écrire « quelque chose qui soit entre le conte et le roman ». Elle a envie d’aller puiser au fond d’elle-même, dans les légendes de sa tradition familiale espagnole. Elle va « broder » à partir des histoires que sa grand-mère lui racontait. « Concierge boulevard de Montparnasse, cette petite bonne femme rabougrie se transfigurait soudain dans sa loge minuscule quand elle me parlait des ancêtres. Elle prenait pour moi une dimension incroyable ». Car ce monde des ascendants andalous est un monde de sortilèges. Mi-magiciennes mi-sorcières, les femmes se transmettent des pouvoirs surnaturels : comme celui de guérir ou de communiquer avec les défunts.
Carole est issue de cette lignée. « Petite, je voulais posséder les secrets de ma grand-mère. J’avais des terreurs nocturnes où je voyais apparaître des femmes. Un jour, ma grand-mère m’a dit : « Oui, tu as le don de voir les morts et de leur parler » ».

Ce que voit Carole, c’est Frasquitra « une arrière-arrière grand-mère », héroïne de la famille qui va devenir la trame du Coeur cousu. « La légende veut qu’elle ait été perdue au jeu par son mari. En me racontant cela, ma grand-mère me disait « les hommes sont des salauds ». Je voulais en savoir plus, sans fouiller dans les archives, mais en fouillant au fond de moi, par l’écriture ».

Cela donne un magnifique roman, succession de contes et de personnages incroyables : Frasquita couturière de génie. Son mari, amoureux d’un coq, jouant son épouse au combat. Frasquita jetée sur les routes avec ses quatre enfants dans l’Espagne miséreuse de la fin du XIXe siècle.

Les jeunes jurés se sont dits fascinés par la tournure magique, violente et amoureuse du récit. Carole Martinez s’étonne elle-même de ce miracle : de cette écriture qui l’a emportée « en haute mer ». Des deux premières parties jetées dans la boîte aux lettres de Gallimard, de la réponse positive de l’éditeur « alors que je trouvais que je n’avais aucun style »...

Puis, aujourd’hui, la féerie du prix. Ces jeunes gens qui lui disent : « Vous écrivez comme Frasquita coud, avec la même minutie. Vous rendez hommage à l’art... Votre livre est sensuel, il est à goûter avec tous les sens ».

Et elle, Carole - entre rire et larmes - qui dit : « Merci, merci encore. Cela me donne tellement de force pour continuer ».

Georges GUITTON