- © Katja Bohm
Pour Hassan Blasim, cinéaste et nouvelliste, art et engagement politique sont indissociables.
Né en 1973, dans une famille nombreuse chiite, il grandit entre Bagdad et Kirkouk. Dans les années 90, il intègre l’Académie des arts cinématographiques de Bagdad où il écrit et réalise des films engagés comme Gardenia and White Clay qui ont chacun remporté le prix du meilleur film de l’Academy’s Festival Award. Les informateurs du régime de Saddam Hussein le suspectent d’être communiste et le surveillent de près. Son frère est emprisonné pour son engagement contre le régime.
En 1998, il fuit son pays sur le conseil de ses professeurs : ses films engagés menacent sa sécurité en Irak. Il part donc pour Sulaymaniya (Kurdistan), où il réalise Wounded Camera, sous le pseudo ’Ouazad Osman’. Le film traite des déplacements massifs de populations après le soulèvement kurde de 1991 et sa représentation par le régime de Saddam Hussein. Il part pour l’Iran en 2000 et émigre illégalement à travers l’Europe pendant quatre années. En 2004, ils’installe en Finlande où il réside toujours.
Là, il commence à envoyer ses écrits (poèmes, nouvelles, articles) à des journaux arabophones au Liban en Egypte, en Iran. Tous sont frappés de censure. Il se tourne alors vers des magazines arabophones sur le web et se forge un lectorat. Il publie notamment pour iraqirefugeestories.org/.
En 2009, il publie son premier recueil de nouvelles en Angleterre, traduit par Jonathan White, The Madman of Freedom Square (Comma press). En 2013 sort Iraqi Christ toujours chez Comma Press, qui lui vaut le Prix Fiction étrangère de l’Independant. A sa sortie en Jordanie en 2012, le recueil est immédiatement censuré.
En 2014, US Penguin publie Corpse Exhibition recueil de nouvelles, qui sort aux éditions du Seuil en 2017.
Ce recueil de 15 nouvelles n’épargne personne. Il est d’une violence inouïe, sans tabous, sans détours. Hassan Blasim dresse le portrait d’un pays en guerre de l’intérieur. Une guerre qui se vit au quotidien avec, comme l’indique le titre, des cadavres partout. On y découvre une forme de violence banalisée dont il est impossible de détourner l’œil. L’ absence totale de représentation classique de la guerre et le refus de tout jugement explicite sur les atrocités rapportées- exécutions sommaires, morts au combat, brutalités envers les civils sont soutenues par un ton détaché et une certaine ironie.
C’est là que réside l’engagement politique d’Hassan Blasim. Il s’agit pour lui de faire éclater les tabous, d’entrer dans le vif du sujet, et de ne rien laisser à l’ignorance ou à la pudeur : montrer la réalité de ce que personne ne veut voir. Pour lui, tout commence par la langue. Hassan Blasim refuse délibérément d’écrire en arabe classique ( « Fusha ») , la langue sacrée d’Allah et de l’autorité. Cette langue figée, soumise au contrôle de l’Etat et de la religion est traditionnellement celle de la littérature. L’arabe « Ammeya » sorte de dialecte oral qui diffère selon les régions et les pays, est la langue d’usage, de tous les jours et celle avec laquelle il a décidé d’écrire. C’est un acte de libération, un pied-de-nez fait à la religion, au gouvernement, aux contrôles de la société : une réelle forme de dissidence.
Bibiographie
- Cadavre Expo, traduit par Emmanuel Varlet (Seuil, 2017)
- Iraqi Christ, traduit de l’arabe vers l’anglais par Jonathan White (Comma Press, 2013)
- Madman of Freedom Square, traduit de l’arabe vers l’anglais par Jonathan White (Comma Press, 2009)