Texte de Patrick Raynal

J’aimais beaucoup les corsaires quand j’étais môme. Je les aimais tellement que le premier roman auquel je me suis attelé était un plagiat laborieux, un peu servile mais très enthousiaste, du Corsaire Rouge de Robert Siodmak que je venais de voir au cinéma du patronage.
J’avais treize ans et le manuscrit, inachevé mais enluminé de superbes illustrations d’un copain aussi cancre que moi, s’appelait Willy le Chevalier des mers. J’ai perdu de vue le copain pendant plus de trente-cinq ans mais quand un jour mon téléphone a sonné et qu’un type m’a dit : « Je pense pas que tu te souviennes de moi, je m’appelle Duret... », j’ai su que l’équipe de Willy venait de se retrouver.
Les gens qui aiment les corsaires finissent toujours par se retrouver.
C’est pareil avec la Série Noire. Chaque fois que j’apercevais sa couverture au milieu d’une table de librairie, je croyais voir le pavillon noir des pirates. Jolly Rogers, joli nom pour une collection noire...
Finalement, toute cette affaire de Saint-Malo n’est pas grand-chose de plus qu’une réunion de vieux gamins qui ont tous lu des histoires de corsaires quand ils étaient petits. Pas de quoi en faire un fromage.
N’empêche que je suis comme tous les autres. Dès qu’arrive janvier, je commence à préparer mon bateau. Je ferle et je cargue mes voiles en maudissant le ciel pour qu’il soit clément.

Patrick Raynal