Gulliver n° 12 : "Ah, les jolis voyages..."

Revue trimestrielle, automne 1993, 242 pages

QUATRIEME DE COUVERTURE

Ah ! les jolis voyages...

Rien de pire, au retour, que les voyages réussis - par les autres. Encore heureux si vous échappez à la séance de diapositives de votre trop enthousiaste voisin ! Mais tout change, et les visages de vos meilleurs amis s’illuminent, si vous avez été volé, enlevé par des rebelles, ou jeté en prison, si votre voiture est tombée en panne quand chargeait un rhinocéros, tandis que les crocodiles, non loin, claquaient des mâchoires, ou si vous vous êtes cassé, plus prosaïquement, un bras ou une jambe en descendant de l’avion. De la à penser que seuls les grands désastres font les beaux récits... C’est en tous les cas ce que suggèrent ici José-Louis Bocquet, Jean-Luc Coatalem, Anita Desai, James Fenton, Jean-Luc Fromental, Martha Gellhorn, Christophe Graizon, Edward Hoagland, Gilles Lapouge, Norman Levine, Richard Matas, Jacques Meunier, Charles Nicholl, Jean-Bernard Pouy, Hervé Prudon, Jonathan Raban, Patrick Raynal, Erie Sarner, Hunter S. Thompson, Jacques Vallet. Vingt-deux voyages désastreux, ou simplement ratés, et autant de récits délectables, pour un Gulliver souriant, au retour des vacances. Allez I Vous n’avez pas été les seuls à frôler le pire I Avec les rubriques habituelles de Gulliver. Un texte de Chinua Achebe pour prolonger notre dossier "World Fiction". Un entretien avec Philippe Garnier. Deux nouvelles de Didier Daeninckx et de Jean-Claude Izzo. Et le retour d’Onc’Dugland, qui fit jadis les belles heures de Libération.


SOMMAIRE

  • Jonathan Raban : Bayous
    Lac Fields, Louisiane. Un matin où il fait bon reconnaître l’existence d’autres hommes, un salut au pêcheur sur sa barque à moteur. Solitude, réflexions. « vous voulez une merde sur tuile ? » demande poliment la serveuse, au bistrot. Et ce n’est qu’un début. Bienvenue en Louisiane !
  • Patrick Raynal : Missoula, toujours...
    L’épouse et les gosses l’ont conduit à l’aéroport. Décollage réussi. Direction JFK, New York. Pas si facile de trouver sur la carte le chemin du Michigan. Mais on atterrit toujours à Alpine...
  • Anita Desai : Frigorifiée à Froya
    Décennie de la femme : six femmes écrivains d’Orient conviées par l’ONU à examiner la condition féminine en Occident. Ça commence comme un jeu. Direction : l’île de Froya, dans la nuit arctique, et les glaces. Un froid à geindre.
  • Jean-Luc Fromental : Le Lapon Introuvable
    Lili n’était pas pour ce voyage au Cercle polaire. Six mille bornes, six semaines, quatre mille balles en poche pour quatre. Longue sera la route qui mène à Kiruna, où gîte le grand chef lapon. Des vacances comme celles-là...
  • Norman Levine : Je ne tiens pas à connaître trop bien les gens
    L’Australien de la radio tenait absolument à réaliser un documentaire-son sur la belle Cornouailles. L’auteur sera son guide... il met les petits plats dans les grands. Courtoisie, gracieusetés. L’Australien serait-il du genre Attila ?
  • Jean-Luc Coatalem : Sur l’eau
    Venir en Asie avec sa femme, c’est comme aller à une fête de la bière avec ses bouteilles. Dixit. Un dicton local au temps de l’Indochine française, sur la rivière Saigon.
  • Martha Gellhorn : L’ennui des uns
    1971. Cinquième voyage en Israël. Un camp de transit pour marginaux goyim. Des babas fumeurs de chit. A la masse, même... Un bon flip à Eilat.
  • Hervé Prudon : Sainte Extrême
    Raide, flapi, plus un sou. C’était pourtant une très belle journée à Boulogne. Dans ce bistrot, tout le long du zinc où s’accrochait un ivrogne. Et puis, vint un désir de Calcutta.
  • James Fenton : Toujours là où il ne faut pas
    “Donne-z-y du fric et je te cire les pompes”, le Britannique à Saigon-USA doit trouver le sujet d’un papier. Un peu comme le purgatoire, non, pire : ”Sûr que j’irai au ciel, vu que j’ai vécu en enfer, à Saigon”.C’est gravé sur le zippo d’un GL.
  • Jean-Bernard Pouy : Bad tripes
    Les magazines suisses n’ont peur de rien. Voilà qu’ils commandent à notre auteur un vaste tour d’Europe des cab-zingues - oui, des cabinets. Une ethnologie des commodités, en somme. Du genre : en matière de chiottes, que choisir ? En voi-ture, donc, du Danemark à Lugano.
  • Edward Hoagland : Un numéro d’équilibriste
    Il est des écrivains, comme Waugh ou Naipaul, qui s’ingénient à imaginer des « voyages ratés ». Mais que faire, quand on est doué pour le bonheur ? « Dans les limites de mon expérience, le mauvais voyage serait sans doute le voyage organisé, plutôt que le périple où s’immisce la réalité, pointant sa tête de serpent. Car j’aime les deux : les serpents, et la réalité. »
  • Eric Sarner : La passe du vent
    En son royaume, Christophe décida d’édifier une citadelle. Belle figure haïtienne à mi-chemin entre Pierre le Grand et le Bourgeois Gentilhomme. Les histoires caraïbes sont plus lumineuses que nos jours.
  • Gilles Lapouge : Le voyage en Ethiopie
    Enfin arrivé à Innsbruck. Le Guide bleu est souvent remarquable. Il se trouve pourtant que le voyageur ne reconnaît pas le décor. L’Autriche est-elle si incongrue ? Comme Djibouti, la nuit...
  • Christophe Graizon : Cheval de Troie
    Sept jours de hors-piste. A pied. La lumière trop vive. Et la chaleur sur la route d’El Golea, l’enfer. Une belle idée : traverser le Sahara à pied, bien avant les Coulisses de l’exploit...
  • Jacques Vallet : Beyrouth 66. En galère
    Il est question d’écrivains romantiques voyageurs au Liban, d’un jeu télévisé, de Claude Lelouch, du Syrien, de beaucoup d’arak et d’un sommeil profond...
  • José-Louis Bocquet : Les maîtres du monde
    Trouver de la bibine à Colombes, Hauts-de-Seine, passé une heure du mat’. Panne sèche. Mauvaise nuit. Plus une goutte de mescal, même le gros ver, nous l’avions boulotté, coupé en trois... Trois collègues assoiffés.
  • Hunter S. Thompson : Tête de porc
    Chambre 202, Sugarloal Lodge, sur les Keys. Vision d’enfer pour un pochetron : l’ignoble spectacle se trouve dans les waters. A faire se dresser les cheveux... Fuite pour La Habana !

L’ÉCRITURE ET LE RESTE

  • Chinua Achebe : L’auteur dans sa communauté
    L’art mbari des Ibos n’appartient qu’aux dieux, aussi l’artiste s’efface-t-il devant le bonheur de la collectivité qu’il a réussi à combler. Et pareillement l’histoire racontée au coin du feu n’appartient pas en propre au conteur, mais au groupe. Quel sens cela peut-il avoir d’être un « auteur », un « écrivain », quand la culture de sa communauté reste encore orale ? Pas toujours simple à vivre, ce déchirement ... Pour prolonger le dossier World Fiction du précédent numéro.
  • Jean-Claude Izzo : Marseille, pour finir
    Marseille figure bien sur la carte de notre géographie. Reste que pour la dire et l’écrire ... Une autre paire de manches ! Connaissez-vous le Péano et la montée des Accoules ? Action...
  • Didier Daeninckx : Ils reviennent
    Cémogo disparut du village. Enfin : vêtu de sa robe nouée à la taille, flanqué de sa pétoire, il marcha vers le nord .. On ne revient jamais indemne des batailles de Champagne. Surtout quand le Paris-Dakar vous donne envie de hurler..
  • Richard Matas : Visa
    L’auteur nous a faussé compagnie voilà un an tout juste. Il travaillait au récit de son dernier voyage. Une Colombie de fin du monde. Sur la route, vers Medellin...

NOUVELLES DU MONDE

  • CISIA : Un appel du Comité International de soutien aux intellec-tuels algériens
  • Philippe Garnier : Retourner une fois encore à Why, Arizona
    Il n’a pas son pareil pour vous faire sentir la sécheresse du désert mojave. Mais entre les espaces vides de l’Amérique, il y a les villes et dedans, les écrivains. Un entretien avec Alain Dugrand.
  • Oncle Dug : Polar : le retour du Jedi
    Ou plutôt le retour du légendaire Oncle Dug, qui fut à Libération le grand découvreur de la littérature noire. Patrick Raynal : “ C’était le bon temps ; j’achetais tous les livres qu’aimait Oncle Dug et les jours passaient, tranquilles. Et puis Dug a disparu et il a fallu chercher les bons livres soi-même”
  • Jacques Vallet : Expédition nocturne
  • Jacques Meunier : Glen Baxter et la couverture de Gulliver : Galères et contretemps