Revenir vivants...

Écrit par : LEROYER Pauline (3ème, Collège Louis Pasteur, Brunoy)

— Ils arrivent, a dit Jules. Ses yeux brillaient d’une joie féroce.

« S’il le faut, nous nous défendrons maison après maison. »

Je compte bien défendre la mienne jusqu’au bout même si pour cela je devrais quitter ce monde, tant que ma famille reste vivante je pourrais partir en paix. Juliette qui surveille leur arrivée me tire de mes pensées morbides et nous annonce qu’ils sont quatre. Le premier est de taille moyenne avec une grande cicatrice qui lui barre le front. Le deuxième est de petite taille plutôt rondouillard, il possède une étrange arme, un mélange entre une arbalète et un fusil à pompe. Les deux derniers ont une carrure impressionnante ; l’idée de me retrouver en face de l’un d’eux me terrifie. Mes enfants et ma femme me semblent ridiculement minuscules face à ces bêtes de combat, je me demande vraiment comment nous allons bien pouvoir nous en sortir. Ils sont arrivés à pieds mais cela doit signifier que leur camp n’est pas bien loin de notre quartier. A chaque seconde je les imagine traversant notre barricade et empoigner mes enfants et ma femme pour me les enlever. Que deviendrais-je ? Chloé lance la première grenade, l’un des grands soldats est touché. On entend des bruits de bottes qui dévalent les escaliers. Les voisins sont les premiers touchés. J’entends leurs horribles cris de terreur et de douleur et d’un seul coup plus rien. Mon fils bout d’impatience. Le bruit des bottes recommence à se faire entendre mais il s’éloigne. Je murmure à ma famille de rester silencieuse et de s’éloigner de la fenêtre du salon car ils ne nous ont pas encore vus. Ils partent et nous pouvons nous en sortir si ils ne nous entendent pas. Tout le monde s’éloigne sauf Jules. Il pointe son arme sur un des hommes par la fenêtre, le soldat rondouillard, et tire plusieurs fois de suite. Un autre coup de feu retentit mais il ne vient pas de chez nous. Mon fils tombe par terre et un bruit fracassant se fait entendre. Nous sommes en danger, ils savent où nous sommes.

— Chloé ferme les yeux et viens avec moi ! crie ma femme au bord des larmes.

— Maman je ne veux pas qu’il m’arrive la même chose que Jules, je ne veux pas mourir, dit ma fille en pleurant.

— Personne d’autre ne va mourir aujourd’hui je t’en fais le serment, dit Juliette pour rassurer Chloé.

Je sais déjà que cette promesse risque d’être brisée à tout moment. Ma femme se met à hurler de terreur quand la porte commence à se briser à cause des coups assénés par les crosses des pistolets ennemis. Pourquoi nous traquent-ils autant ? Nous ne sommes qu’une petite famille. Que veulent-ils que nous leur fassions à part hurler de peur et fuir de terreur. Ils ne risquent rien. Ils vont bientôt nous atteindre mais ils ne sont plus que deux, l’un des deux grands soldats et le balafré. Un trou se forme dans la porte et l’un des pistolets ennemis vise Chloé. Je lui hurle de se baisser mais tétanisée par la peur elle ne bouge plus. Je cours dans sa direction. Le coup part. Quelqu’un tombe. J’attrape Chloé pour la tirer de la zone de tir. Quand je me retourne je vois Juliette, ma belle Juliette, nous regarder et commencer à s’effondrer. La balle l’a touchée quand elle a voulu protéger notre fille des coups de feu. Je suis en train de la perdre elle aussi mais je ne peux rien faire car il faut que je protège ma fille, je ne peux pas risquer moi aussi ma vie alors que ma femme vient de se sacrifier pour la chair de notre chair. Je me sens impuissant. Mon âme sœur tu es en train de me quitter, pourquoi la vie est-elle si cruelle. Je suis dans une impasse. Juliette, en rassemblant ses dernières forces me hurle de fuir de ne plus me battre et de partir mais la rage s’empare de moi et j’arrache la deuxième grenade de la main de ma fille qui ne bouge toujours pas et je m’en veux terriblement de lui montrer toutes ces horreurs. Je la lance sur les deux soldats restant et l’explosion retentit.

Le feu causé par l’explosion commence à prendre. Je prends Chloé dans mes bras et commence à courir. Je m’arrête d’un seul coup. Un des soldats se tient en face de moi. La grenade ne les a pas tous tuer. Ce coup-ci j’ai de la chance, c’est le balafré qui a survécu et non le géant, avec lui j’ai une petite chance de l’emporter et de sauver ma fille des flammes qui nous poursuivent. Il est gravement blessé à l’épaule. Je lui rentre dedans pour lui faire perdre son équilibre, le poignarde et sors le revolver de mon fils. Il me reste deux balles. Il sort lui aussi son pistolet. Je tire et j’attends. Le coup ne vient pas. J’ouvre les yeux et le retrouve à terre. Nous sommes enfin sauvés mais au moment d’attraper Chloé pour sortir de l’immeuble en feu, une poutre tombe entre nous deux et nous sépare. La poutre m’empêche de l’atteindre. Elle est du mauvais côté et ne peut pas sortir. Elle a une jambe coincée sous la poutre. J’essaye de soulever la poutre mais je ne fais que me brûler. La fumée commence à me piquer les yeux. Chloé pleure en face de moi. Je continue de m’acharner sur la poutre mais elle ne bouge pas. Chloé a de plus en plus de mal à respirer. Le feu l’encercle je dois me dépêcher. je lui dis que je vais la sortir de là, qu’on va s’en sortir mais elle ne me répond plus. Petit à petit elle bouge de moins en moins et tousse de plus en plus. J’essaye de l’attraper mais elle est trop loin. La fumée m’empêche de bien voir ses traits mais je sais que c’est fini. Elle ne bouge plus, elle ne tousse plus, elle ne respire plus. Je dois sortir de cet endroit. Cette vision m’horrifie, je n’en peux plus. Mais avant de partir je dois lui parler une toute dernière fois et malgré l’air qui me manque, je lui prononce ces trois derniers mots, les plus importants à mes yeux envers ce petit ange le visage ruisselant de larmes.

— Je t’aime.

« S’il le faut, nous nous défendrons maison après maison »

Je suis dehors. Il fait trop chaud. Autour de moi tout brûle, pendant que nous nous battions je n’avais pas remarqué qu’ils avaient mis le feu aux immeubles, aux maisons, à tout ce qui m’entoure. La respiration m’est revenue. Il ne reste plus rien de ce que j’ai connu. Et cette phrase qui tourne en boucle dans ma tête, que des belles paroles mais maintenant il n’y a plus personne, plus rien à défendre et je me retrouve seul avec ma peine et mes regrets. J’ai tout perdu, mon foyer, ma famille et je n’ai même pas pu les protéger. Mes amours, ma vie je n’ai pas pu vous sauver, vous ne pouvez pas savoir combien je m’en veux. Tout est fini, tout est détruit, je ne suis plus qu’une coquille vide. En enlevant mon pull, je fait tomber le revolver de mon fils. Je le fixe. Longtemps. Tout à commencer à cause de ce revolver, peut-être que si je ne l’avais pas laissé le prendre ils seraient tous à mes côtés. Dévasté est un mot bien faible pour qualifier ce que je ressens et ce que je suis devenu. Je n’aurais pas pu respecter la promesse de ma femme qui est déjà brisée, un de plus ou un de moins que cela changera-t-il ? Puis je me souviens d’une chose.

Dans ce revolver il me reste une seule et unique balle.