Ouest-France : "La joie des Etonnants Voyageurs à Bamako" par H. Bertho

Mah Thiam, N’Fana Diakité et Léonora Miano à Koulikoro

Le festival Étonnants Voyageurs anime les capitales régionales du Mali, et Bamako depuis 2001. Le gai savoir des livres a séduit le Sahel la semaine dernière.

Après deux années d’attente, le festival malouin Étonnants Voyageurs a fait escale au Mali la semaine dernière, avec une cinquantaine d’invités venus d’Afrique, des Amériques et d’Europe... La bande à Michel Le Bris a récolté de la joie, depuis Mopti (avec la complicité du conseil général d’Ille-et-Vilaine) jusqu’à Kayes qui jouxte le Sénégal, avant de se poser à Bamako. Le temps de rencontres croisées pour torturer de plaisir la langue française, lui faire raconter le monde en marche et les mondes d’écrivains qui inventent le monde réel... Le tout sous le regard des journalistes locaux, comme Mah Thiam pour L’Indépendant, ou Hassane pour L’Essor, les deux principaux quotidiens du pays.

Provocauteur

Bernard Magnier, l’éditeur d’Actes Sud, s’est posé en « provocauteur ». Le slameur parisien Rouda a fait vibrer les salles et ses ateliers d’écriture ont libéré bien des vocations. L’historien Pascal Blanchard a déboulonné quelques mythes colonisateurs. On a découvert un auteur malien, N’Fana Diakité, dont on reparlera par ailleurs.

Leonora Miana, qui a reçu le Goncourt des lycéens à Rennes, voici quatre ans, a fait entendre sa différence camerounaise et sa voix parisienne. Le Congolais Emmanuel Dongala, qui enseigne la chimie et la littérature aux USA, a fait pleurer au nom des souffrances de toutes les femmes sur tous les continents. Le Guinéen Libar Fofana a donné une leçon d’humanité qui montre que l’on peut surmonter le pire. Véronique Tadjo, l’Ivoirienne qui enseigne en Afrique du sud, a séduit petits et grands avec ses textes qu’elle illustre elle-même.

Océans au Sahel

Et puis l’humour et la dérision de Martin Page (lauréat du Prix Ouest-France/Étonnants Voyageurs) ont fait écho aux souvenirs d’enfance d’Alain Mabanckou (premier lauréat de ce prix) dont les casquettes sont devenues des légendes aussi touchantes que sa prose habitée par le souvenir de son enfance à Pointe-Noire.

La projection du film Océans, au coeur du Sahel d’où l’on ne voit pas la mer, aura été un grand moment de bravoure. Les débats autour des indépendances africaines, qui célèbrent leur cinquantenaire, ont passionné des salles combles. Il n’aura manqué qu’un flot de livres au plaisir des lecteurs maliens dont les bibliothèques restent bien faméliques.

Le festival devrait retrouver sa vocation de livreur des mots du bonheur de l’intelligence qui libère et construit les personnalités : les 25 000 bouquins donnés par Leclerc en cinq ans attendent une relève. Un autre pari attend le festival : il doit redevenir annuel pour éviter les oublis et les hoquets du rythme biennal. Voilà bien des défis au nom de la générosité humaniste et d’un monde à construire ensemble entre le Nord et le Sud. Aux bonnes volontés d’ici de se faire entendre.

Hervé BERTHO.