M. Orcel et Ondjaki, lauréats du Prix Littérature Monde

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Troisième édition pour les Prix Littérature-monde !
Le prestigieux jury composé des écrivains Paule Constant,
Ananda Devi, Nancy Huston, Dany Laferrière, Michel
Le Bris, Atiq Rahimi, Jean Rouaud et Boualem Sansal
a désigné ses lauréats 2016 : Makenzy Orcel pour
L’Ombre animale (Zulma) et Ondjaki pour Les Transparents
(Métailié). Ils succèdent à Simone Schwarz-Bart (L’Ancêtre
en solitude
, Seuil) et Philip Meyer (Le Fils, Albin Michel)
honorés l’an passé.
Les Prix Littérature-monde 2016 seront remis le samedi
14 mai 2016 à 14h au Café littéraire du festival Saint-
Malo Étonnants Voyageurs
. Une rencontre littéraire avec
Makenzy Orcel, Paule Constant, Ananda Devi, Dany
Laferrière, Atiq Rahimi et Boualem Sansal est également
programmée lundi 16 mai à 11h45 à l’Auditorium du
Grand Large.

Sept années après l’émergence de l’idée de « Littérature monde
 », l’association Étonnants Voyageurs et l’Agence
Française de Développement se sont associées en 2014
afin de créer les Prix Littérature-monde. L’un destiné à
un ouvrage écrit en français, l’autre à un roman traduit,
ils sont chacun dotés de 3.000 € par l’Agence Française
de Développement. Leurs lauréats sont choisis parmi les
auteurs d’ouvrages ayant été publiés en France dans les 12
mois écoulés depuis la dernière remise des prix.


Makenzy ORCEL : Prix Littéraire Monde de langue française

La poésie de Makenzy Orcel, héritière de la tradition littéraire
haïtienne, se dévoile dans ses recueils, La Douleur de l’étreinte,
Sans ailleurs et La Nuit des terrasses. Il publie en 2011 Les
Latrines, où il explore les bas-fonds des bidonvilles. Aux
lendemains du tremblement de terre qui a secoué la capitale
d’Haïti, il écrit Les Immortelles pour dire la folie de vivre
malgré l’épouvante. Il reçoit pour cet ouvrage le prix Thyde
Monnier de la SGDL. L’enfant terrible des lettres haïtiennes
revient avec L’Ombre animale, déjà récompensé par le prix
littéraire des Caraïbes en 2015 et le prix Louis Guilloux 2016.

Le mot d’Ananda Devi, présidente du jury

Il est Makenzy, il est Orcel, il est Toi, il est elle (cadavre sublime), il est Haïti : il est une tornade vivante.
Lui, c’est Makenzy Orcel, trente-trois ans, qui donne voix à une ruche vénéneuse de pères incestueux,
violents et poétiques, d’épouses aux reins cassés à force de pliures, de filles en attente de solitude et de rage,
de fils rêvant d’océans inatteignables car trop proches (car rêver de l’eau, c’est rêver de la mort), et de loups,
loups religieux, loups politiques, loups des milices et des calices, loups qui éviscèrent le pays pour mieux le
dévorer de l’intérieur en même temps que ses êtres en déséquilibre entre monde des corps morts et monde
des corps vivants – sans points ni majuscules, Makenzy Orcel, talentueux ravisseur de cadavres féminins pour
en faire des conteuses, des parleuses, des ragoteuses, nous ouvre les portes d’un jardin des délices propre à lui
seul et nous entraîne dans une cavalcade mortelle et amoureuse.

Car en faut-il de l’amour, à ce jeune auteur virtuose, pour ainsi faire vivre son pays dévoré dans ses plus
riches matières, pour donner voix aux arbres sentinelles, à des parcelles de chair et à des ondées de sueur, aux
hommes en mal d’eux-mêmes, aux femmes prêtes à en découdre, aux belles des seigneurs auto-proclamés de
ce pays offert, vendu, et résolument invaincu et inconquis, enfin, à toute une horde naissant de la misère, qui
est la forme la plus aboutie de la mort.

D’écrivains, à Haïti, il n’en manque pas. En voici encore un, qui fulgure.
_ partir, appartenir à la beauté, la beauté hors de toute conjugaison, réinventer le voyage, bouteille à la mer, au bout de la
nuit, ballottée vers soi-même un ailleurs sans nom, sans trêve, s’extirper de sa léthargie, sa chrysalide, l’inaccessible enfance,
Makenzy toute sa vie avait souffert secrètement de la même blessure, le même silence, tu sais, les souvenirs à marée haute, avides,
impitoyables, et toutes ces choses de l’intérieur jamais prêtes à lever le camp (…) une absence terrible d’enfance, c’était cela, notre
plaie à tous les deux


ONDJAKI : Prix Littéraire Monde étranger


Ndalu de Almeida, de son nom de plume Ondjaki, est né à
Luanda en Angola. Il travaille dans un premier temps sur des
projets cinématographiques, puis publie des poèmes et des
romans qui reçoivent plusieurs prix dont le Grande Prémio
de Conto Camilo Castelo Branco, décerné par l’Association
des écrivains portugais et le prix Grinzane for Africa. Ondjaki
est également récompensé par le prestigieux prix Jabuti.
Son dernier roman, Les Transparents, a déjà obtenu le prix
Transfuge du meilleur roman africain.

Les Transparents (Metailié)
Traduit du portugais (Angola) par Danielle Schramm
Au premier étage d’un vieil immeuble du centre de Luanda
les habitants se racontent leurs histoires et pensent à l’avenir.
Il y a Odonato qui a la nostalgie de la Luanda d’autrefois.
Il y a Amarelinha sa fille, la brodeuse de perles, et le jeune
MarchandDeCoquillages. Il y a MariaComForça, qui vend du
poisson grillé. Mais il y a aussi des journalistes, des chercheurs,
des contrôleurs, intéressés par les richesses naturelles du
pays... Toutes ces histoires tissent la toile de fond de l’Angola
en cours de transition brutale entre sa culture traditionnelle et
la modernité.

Le mot d’Ananda Devi, présidente du jury

La ville ensanglantée, depuis ses racines jusqu’au sommet de ses immeubles, s’inclinait lentement vers la mort (…) et le vieux
répéta de sa voix désespérée – dis-moi seulement la couleur de ce feu
Cette ville, c’est Luanda, en Angola. Dans cette ville, un immeuble troué où un tuyau cassé déverse une eau
douce et fraîche à longueur de journée tandis que les habitants se débattent, se démènent, survivent, rêvent
et disparaissent. Car il s’agit bien de cela : la disparition des choses, des êtres, des corps, des langues, que
l’auteur rattrape au vol dans une langue magnifiée, poétique, tendre et drôle. L’eau devient douce métaphore
des mains tendues et de l’offrande, tandis que d’autres s’abreuvent de whisky et de champagne tout en
s’apprêtant à laisser creuser dans la ville mille trous pour forer ce pétrole qui est tout ce que l’eau n’est pas :
un pacte faustien avec les dieux et les diables de la mondialisation.

Au-delà de l’histoire elle-même, c’est l’écriture d’Ondjaki qui opère une magie poignante et énigmatique,
rendant l’Aveugle, le MarchandDeCoquillage, GrandMèreKunjikise et Odonato – celui en qui la transparence
de la misère se manifeste – si proches de nous, si humains, si frères.
la ville était plus simple vue de haut. On sentait moins sur la peau et dans les yeux le poids douloureux de ses problèmes, de
ses drames – ce qui est beau dans cette ville, Odonato, c’est les gens, les fêtes, les rythmes et même les enterrements – nous avons
passé trop d’années à la recherche de ce qui est beau pour supporter la laideur
Ondjaki nous restitue ce beau avec un talent éblouissant.