Lyonel Trouillot, par Emmelle Prophète

image
© Pablo Fernandez

Lyonel Trouillot
Emmelle Prophète

C’est bon signe quand on ne sait sous quel angle ni avec quels mots parler de Lyonel Trouillot. Peut-être qu’en parlant de l’auteur Des enfants des héros, ce livre que j’ai tellement aimé et que j’aime aujourd’hui encore, cela résumerait ce qu’il représente pour moi et dans la littérature haïtienne. Mais Lyonel n’est pas que littérature.

Lyonel Trouillot, c’est le créateur des Vendredis littéraires, grand espace de partage où ont défilé tout ce que le pays compte d’écrivains et où l’on a vu les premiers pas de tous ceux qui ont émergé comme auteurs ces vingt dernières années. C’est aussi le professeur de l’École normale supérieure, l’animateur de l’une des rares émissions culturelles à la radio. L’homme qui tire aux bâtons et à la machette, ce sport peu connu qu’il a été apprendre dans l’Artibonite et qu’il veut transmettre. C’est l’animateur de l’Atelier jeudi soir qui travaille avec des auteurs et des auteurs en devenir, c’est aussi le codirecteur de Demanbre, une revue de littérature, de critique littéraire et sociale.

Lyonel est à l’initiative de la création du centre culturel Anne-Marie Morisset, une infrastructure culturelle qui dessert des milliers de personnes dans la commune de Delmas. Je pourrais citer des tas de réalisations, de projets, qui auraient renseigné sur Lyonel Trouillot, aidé à comprendre ce citoyen en mouvement, qui veut être plus citoyen qu’écrivain, capable de contredire, de déranger, de faire rêver, d’oser.

L’un des grands coups de Lyonel Trouillot a été d’emmener Étonnants Voyageurs en Haïti. Il fallait pour le faire avoir la passion de ce pays qui court vers des horizons flous, qui n’est certain de rien, terre de tous les aléas, avoir la conviction, comme Lyonel, que ce bout d’île pouvait et devait proposer une autre parole au monde, en dehors des vieux clichés, des discours misérabilistes.

Étonnants Voyageurs a introduit le monde d’une façon différente en Haïti. Le monde comme territoire de voyage et d’ancrage, où le débat est permis, peu importe la langue, peu importe le risque.

Lyonel Trouillot construit des légendes. Quand on l’entend, on sait qu’il ne renoncera pas à changer ce qu’il croit pouvoir changer. Je comprends quand on l’arrête dans la rue pour l’appeler « Maître ! », comme on le faisait à l’école primaire, il veille et ne renonce à rien.