Les Envoyés de la Terre

Avec un mélange d’appréhension et de curiosité, Lise marcha vers cette troublante épave. En arrivant devant, elle se dit que ce n’était pas du tout ce qu’elle avait pu imaginer. Il s’agissait d’une sorte de tas, composé de branchages, d’épines et d’écorces entremêlés. C’était aussi beaucoup plus grand que ce qu’elle avait pensé. Plus Lise l’observait, plus elle pensait que cette drôle d’épave n’était pas là par hasard. Elle semblait être là pour effrayer les curieux et les dissuader d’aller plus loin mais elle n’était pas du genre à se laisser impressionner si facilement.

Lise décida d’avancer coûte que coûte. Elle enjamba la drôle d’épave, y laissa quelques bouts de ses habits accrochés aux épines de ce tas de branches, et continua à avancer dans ce lieu qui lui semblait de plus en plus effrayant.
Mais malgré l’inquiétude qui montait, elle savait qu’elle n’abandonnerait pas. Si elle était venue jusqu’ici, c’était parce qu’elle était journaliste. Une reporter de l’extrême comme on l’appelait dans sa rédaction. Malheureusement, depuis quelques temps, elle peinait à rendre des articles intéressants.
La semaine précédente, elle avait même été convoquée par son rédacteur en chef qui l’avait clairement menacée. Si avant la fin du mois elle ne revenait pas avec un scoop, un vrai, un sujet qu’on pourrait mettre à la Une et qui ferait vendre, elle serait virée. Tout simplement ! Depuis, elle avait enchainé les interviews, les recherches et avait fini par tomber sur des informations qui l’avaient amenée jusque-là. Cet étrange endroit qui avait été dévasté par on ne sait quel phénomène, naturel ou pas.

Après enquête auprès des habitants, Lise avait découvert qu’il y avait ici, il n’y a pas si longtemps, une forêt pleine de vie. Tous les après-midis, les enfants venaient y jouer au ballon, à la balançoire ou à cache-cache. L’endroit était tellement sûr que les parents laissaient leurs enfants, même les plus petits, y venir seuls. Mais un jour, un orage très puissant avait éclaté dans la région. Il avait dévasté toute la forêt. Et depuis, cet épais brouillard s’y était installé et n’était jamais reparti. Ce lieu qui, il n’y avait pas si longtemps, regorgeait de joie et de rires, s’était transformé en un endroit sombre qui effrayait petits et grands.

Et c’est dans ce brouillard que la pauvre Lise avançait, seule, à la recherche de son scoop.

Cela faisait maintenant plusieurs heures qu’elle marchait dans cette forêt obscure. Elle commençait à se demander si elle n’était pas perdue et si, finalement, il n’aurait pas mieux valu rentrer. Une fois encore, elle pensa à son supérieur et se dit qu’abandonner maintenant signifierait perdre son travail. C’était décidé, elle irait jusqu’au bout et découvrirait ce qu’il s’était passé.

Soudain elle entendit un léger bruit tout près d’elle. Elle s’avança un peu et le bruit s’amplifia. Elle souleva avec peine une grosse pierre qui se trouvait près d’elle. En-dessous de celle-ci se trouvait un trou et une lumière paraissait illuminer le fond. Sans trop réfléchir, Lise s’y engouffra et resta dans le vide quelques brèves secondes mais assez longues pour qu’une peur immense l’envahisse. Cette peur qui, tout le chemin, essayait de sortir mais qu’elle retenait, cette fois ci elle était là, bien présente.
Lise finit par retomber sur le sol dans une salle très éclairée avec une table qui se trouvait au centre et plusieurs chaises autour. Tout cela paraissait normal au premier abord. Elle se sentit rassurée. Mais soudain elle ne put se retenir de pousser un cri. Elle venait d’apercevoir au moins dix petits bonhommes verts. Ils lui tournaient le dos et pianotaient sur des choses qui ressemblaient à plusieurs ordinateurs. Ils semblaient tous très absorbés par leur travail et ne réagirent pas à son cri.
Lise, malgré la panique qui l’envahissait, prit son courage à deux mains et s’approcha d’eux pour regarder ce qu’ils faisaient sur leurs ordinateurs. Elle se pencha pour regarder sur l’épaule d’un des bonhommes et découvrit quelque chose de vraiment surprenant ! Ils avaient devant leurs yeux des vidéos en direct de centaines de villes dont la sienne. Un étrange bonhomme vert finit par se retourner. Il la considéra et, dans sa langue, se présenta comme gardien de la planète. Lise était sans voix.
Ils étaient si étranges et pourtant s’exprimaient dans la même langue qu’elle. Décidément, elle n’était pas au bout de ses surprises. Lise voulut se présenter à son tour mais il l’arrêta net et lui dit qu’il la connaissait déjà car, comme elle avait pu l’observer, ils connaissaient tout le monde. Lise lui demanda ce qu’ils faisaient tous sur leurs ordinateurs, l’homme prit alors une grande inspiration

puis lui exposa cela :
« Chère étrangère et habitante du monde humain, vois-tu, nous ne sommes point comme vous car nous venons du cœur de la terre. La Terre a été dans l’obligation de nous envoyer pour la protéger car vous, les hommes, avez construit un monde seul, sans prendre en compte les autres habitants de cette planète et la terre elle-même. Au début, elle vous supportait et se relevait après chacune de vos expériences catastrophiques. Elle vous aimait même et vous a laissé utiliser les milliers de ressources naturelles qu’elle mettait à votre disposition. Maintenant elle fatigue et a de plus en plus de mal avec vous. Alors elle vous envoie plusieurs signes et tente, tant de bien que mal, d’entrer en contact avec vous. Mais vous l’ignorez, et même pire, vous la laissez mourir.

Depuis quelques temps, nous sommes là. On vous observe grâce à nos amis les Yeux de branche. Ce ne sont pas des ordinateurs mais les yeux des arbres qui nous transmettent des informations du monde extérieur. Nous cherchons à vous comprendre mais nous avons du mal avec vos ordres de priorité. Vous vous préoccupez de choses qui ne nous touchent pas et vous oubliez l’essentiel. Cette planète, ce n’est pas que la vôtre, de plus, elle est le commencement de tout, celle grâce à qui vous vivez. Mais tout cela, vous semblez vous en moquer.

L’orage qui a tout dévasté et laissé place à cet horrible brouillard était un avertissement. Mais, comme d’habitude, vous l’avez ignoré. Vous vous croyez épargnés ? Moi, je crois que vous n’avez pas rien compris. Si vous continuez ainsi, la Terre mourra et vous emportera avec elle. »
Pour la seconde fois, Lise resta sans voix. Tout ce qu’il avait dit était vrai et flagrant mais pourtant elle ne l’avait jamais vu avant de cette façon. Ce monsieur l’avait éclairée. Elle tenait son scoop ! Elle avait une mission, quelque chose à dire. Elle allait agir et contribuerait à sauver la planète. Elle se prépara donc à repartir.

Elle remercia l’homme pour tout ce qu’il lui avait appris et s’apprêtait à repartir. Mais celui-ci l’arrêta net dans son élan et lui dit : « Madame, maintenant que vous détenez notre secret, nous ne pouvons plus vous laissez repartir. Vous pourriez nous détruire alors vous allez rejoindre ceux qui, comme vous, se sont
aventurés jusqu’à nous. Vous n’avez plus qu’à espérer que les hommes prennent
enfin conscience du désastre à venir s’ils continuent ainsi. »