En créant le festival Étonnants voyageurs à Saint Malo en 1990, l’écrivain et éditeur Michel Le Bris entendait poser en débats et rencontres la question du rôle de la fiction et de son renouvellement. Question présente dans sa réflexion de longue date, notamment dans son essai Le Journal du romantisme, paru en 1981. « C’est cela qui est aujourd’hui au cœur du festival, explique Michel Le Bris. Alors que les sciences humaines sont en crise profonde, il me semble crucial de faire dialoguer historiens, sociologues, ethnologues avec des écrivains, et de tenter de comprendre pourquoi la littérature rend mieux compte du réel que la sociologie. »

Plusieurs rencontres sur ces thèmes ont eu lieu durant ce week-end de festival à Saint-Malo, par exemple un dialogue entre François Hartog, Jean Rouaud, Elliot Perlman et François Taillandier, lundi 20 mai à 10 heures ; ou un autre entre Pascal Dibie, Sylvie Laurent, Alban Bensa et Tobie Nathan, dimanche 19 mai.

Au cœur de la réflexion de Michel Le Bris (qui annonçait dans L’Homme aux semelles de vent, en 1977, « un grand retour de la fiction » alors que dominaient le structuralisme et le nouveau roman), l’imaginaire a aussi été fêté ce week-end à Saint-Malo avec le grand prix de l’Imaginaire, remis à Thomas Day pour Du sel sous les paupières (Folio SF).

Voyager dans l’imaginaire

Créé en 1974, ce prix est le plus ancien et le plus prestigieux des prix littéraires consacrés aux littératures de l’Imaginaire (qui regroupent science-fiction, fantasy, fantastique, réalisme magique ainsi que toute œuvre en marge de ces genres). Il comprend douze mentions spéciales. Dans la catégorie « étranger », il a été remis à l’Américain Paolo Bacigalupi pour La Fille automate (Éd Diable Vauvert). Ce prix « a choisi de jeter l’ancre au Festival Saint-Malo Étonnants Voyageurs car, ont expliqué ses organisateurs : pour Michel Le Bris comme pour les membres de ce prix, il y a les voyageurs du réel : romanciers historiques, documentaristes, explorateurs et navigateurs et pirates – mais il y a une autre manière de voyager : dans l’Imaginaire. »

Six autres prix littéraires ont été remis durant le festival, dont le prix Ouest-France/Étonnants voyageurs : doté de 10 000 €, il a été attribué à Emmanuelle Bayamack-Tam, pour Si tout n’a pas péri avec mon innocence (P.O.L). Le prix Joseph-Kessel, décerné par la Scam, qui couronne un récit de voyage, une biographie ou un essai, a été remis à Lionel Duroy pour L’Hiver des hommes (Julliard). Le prix Nicolas-Bouvier, qui récompense une œuvre dans l’esprit de l’écrivain voyageur, est allé à Bernard Bonnelle pour Aux belles Abyssines (La Table Ronde). Le prix Gens de mer a quant à lui été remis à Franck Lestringant pour sa présentation de la Cosmographie universelle de Guillaume Le Testu (Arthaud).